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CARRIERE
 
16/11/2005

Peut-on exiger une augmentation de salaire ? Réponse d'un expert

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La question
"Que peut faire un cadre qui n'a eu aucune augmentation individuelle depuis quatre ans ? Les négociations de branche ont fait que mon taux horaire se retrouve à quelques centimes d'euro près tout en bas de la nouvelle grille." (Anonyme)

La réponse de Me Bastien Ottaviani (Vaughan-Avocats)

E
n contrepartie du travail fourni, le salarié perçoit un salaire. Si son montant est, en principe, déterminé librement, cette liberté comporte des limites : respect du Smic et des salaires minima fixés par les conventions et accords collectifs, régime des heures supplémentaires, interdiction des discriminations et des clauses d'indexation sont autant de freins à cette liberté. Sans compter que, dans les entreprises ayant au moins un délégué syndical, les salaires effectifs doivent faire l'objet d'une négociation annuelle.

La liberté de l'employeur sur les augmentations de salaires
Après l'embauche, si l'évolution du salaire est normalement déterminée d'un commun accord des parties, le plus souvent, elle résultera, dans la pratique, d'une décision unilatérale de l'employeur, prise dans le cadre de son pouvoir de direction. Une telle décision doit s'analyser comme une modification du salaire, élément essentiel du contrat de travail. Elle est donc soumise aux règles applicables à la modification du contrat de travail, c'est-à-dire à l'accord exprès des deux parties.

C'est donc l'employeur qui détermine, discrétionnairement, les augmentations de salaire dans le cadre de son pouvoir hiérarchique, sans avoir à justifier des critères et raisons retenus, sous réserve toutefois de respecter les contraintes évoquées.

Cette liberté s'applique tant aux augmentations collectives qu'aux augmentations individuelles. L'employeur peut ainsi choisir d'appliquer des majorations différenciées selon les salariés. Bien souvent, l'attribution d'une majoration individuelle de salaire sera liée à l'octroi d'une promotion, donc à une modification des fonctions exercées et de la rémunération. La Cour de cassation a même estimé que l'employeur pouvait fixer librement le taux et l'assiette de l'augmentation accordée unilatéralement ainsi que les bénéficiaires et les conditions d'attribution.

Sous certaines limites
Toutefois ce pouvoir est encadré par certaines règles auxquelles l'employeur ne peut déroger. La libre détermination, par l'employeur, des augmentations de salaire à appliquer à chaque salarié peut, en effet, trouver des limites dans :

  Le contrat de travail, qui peut déterminer par avance les modalités de la revalorisation du salaire
  Les revalorisations successives du Smic pour les salaires dont le montant deviendrait inférieur au minimum légal
  L'interdiction des clauses d'indexation des salaires
  Les recommandations patronales ayant un caractère contraignant
  Le principe de non-discrimination
  L'usage applicable dans l'entreprise
  La convention ou l'accord collectif de travail.

Il n'existe aucun outil juridique pour exiger une augmentation individuelle"

Si la revalorisation des minima conventionnels s'impose à l'employeur, elle n'a pas toujours pour effet de l'obliger à augmenter les salaires pratiqués dans l'entreprise. En effet, les augmentations des minima conventionnels par avenant à la convention ou à l'accord collectif de travail n'ont d'effet que sur le montant minimum des salaires de chaque catégorie. Elles ne s'appliquent donc pas aux salariés dont la rémunération réelle est supérieure à ces minima sauf s'il est prévu que les majorations s'appliquent aux salaires réels, ou s'il existe un usage en ce sens dans l'entreprise.

Par ailleurs, dans les entreprises comportant des délégués syndicaux, la loi a institué une obligation de négocier, au moins une fois par an, au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, sur un certain nombre de thèmes, notamment, les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du temps de travail. Cette obligation de négocier, dont l'initiative appartient à l'employeur, n'est toutefois assortie d'aucune obligation de conclure un accord. L'employeur est seulement tenu de convoquer les organisations syndicales pour négocier sur ces thèmes.

Malgré ces limites, en matière de rémunération et d'augmentation, force est de constater que le chef d'entreprise exerce pleinement son pouvoir de direction sans réel contrepouvoir des salariés : ceux-ci ne disposent, en effet, d'aucun outil juridique pour exiger une augmentation individuelle, quelle soit leur situation ou leur résultat.

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