La procrastination du sommeil, cette étrange maladie

La procrastination du sommeil, cette étrange maladie Vous tweetez, lisez, rangez plutôt que d'aller au lit? Alors vous souffrez de "procrastination du sommeil". Des chercheurs décryptent cette étrange maladie.

L'insomnie est un sujet bien connu. Elle concerne les personnes qui vont se coucher et qui bougent dans leur lit toute la nuit sans trouver le sommeil. Mais, il existe un autre groupe qui souffre du manque de sommeil: celui composé des personnes qui n'arrivent pas à aller se coucher.

Vous êtes fatigué. Vous savez que vous avez besoin de dormir, mais vous n'arrivez pas à éteindre votre ordinateur, à vous lever de votre canapé ou à arrêter d'organiser vos placards de cuisine? Il est possible que vous soyez un procrastinateur du sommeil.
"La procrastination du sommeil se définit comme le fait de ne pas réussir à aller se coucher à l'heure prévue alors qu'aucun facteur externe n'y fait obstruction" affirme une équipe de chercheurs de l'Université d'Utrecht dans une édition récente du journal Frontiers in Psychology. Cette recherche fut récemment mise en exergue dans un article de Betsy Morais dans le New Yorker en ligne.

"C'est une énigme philosophique qui demeure sans solution depuis Aristote: pourquoi les gens manquent-ils de faire ce qu'ils savent bon pour eux ?" nous rappelle Joel Anderson, un chercheur en philosophie pratique à l'origine du terme. Pour lui, nombreux sont ceux qui souhaitent se coucher à l'heure, sans pour autant y parvenir. 

L'expérience

Les chercheurs de l'Université d'Utrecht souhaitaient découvrir les conséquences que la procrastination du sommeil pouvait avoir sur la santé. Les procrastinateurs du sommeil ont moins tendance à faire de l'exercice et à manger des légumes que les autres. Ces deux éléments sont associés à un faible self-control.

L'équipe de recherche, menée par Floor Kroese, a interrogé 177 personnes sur le Mechanical Turk d'Amazon pour définir ce qu'est la procrastination du sommeil et qui y est le plus sujet. Ils ont demandé aux participants de noter, sur une échelle de 1 (presque jamais) à 5 (presque toujours) dans quelle mesure les affirmations suivantes leur étaient applicables ("R" signifie que ce n'est pas une affirmation typique d'un procrastinateur du sommeil).

  1. Je me couche plus tard que prévu.
  2. Je me couche tôt si je dois me lever tôt le lendemain matin. (R)
  3. S'il est l'heure de d'éteindre la lumière, je le fais immédiatement. (R)
  4. Je suis souvent occupé à faire autre chose quand il est l'heure de me coucher.
  5. Je me laisse facilement distraire par autre chose quand je veux, en réalité, aller me coucher.
  6. Je ne me couche pas à l'heure.
  7. Je me suis fixé une heure de coucher que je respecte. (R)
  8. Je veux me coucher à l'heure prévue mais je ne le fais pas.
  9. Je peux facilement arrêter ce que je suis en train de faire quand il est l'heure de me coucher.

Les chercheurs ont collecté des informations démographiques sur les participants, comme leurs habitudes ("En général, je retarde un travail auquel je dois m'atteler"), leurs horaires de sommeil et leur fatigue. Le self-control, le caractère consciencieux, l'impulsivité et le contrôle d'action des participants ont aussi été évalués.

Ils ont découvert que la procrastination du sommeil était un réel problème, associable à la procrastination en général ainsi qu'un problème d'autorégulation, que le psychologue Steve Stosny définit comme "la capacité à agir dans votre meilleur intérêt à long-terme et en adéquation avec vos valeurs fondamentales".

La conclusion

La procrastination du sommeil est unique, écrivent les chercheurs. En effet la procrastination traditionnelle vise généralement à repousser des tâches déplaisantes. Or, la procrastination du sommeil vise à différer le sommeil qui n'est généralement pas considéré comme quelque chose de déplaisant.

"Nous spéculons qu'il ne s'agit pas tant d'une question de ne pas vouloir dormir, mais plutôt d'une question de ne pas vouloir arrêter d'autres activités", précisent-ils. En d'autres termes, pour certains, Twitter est bien plus attrayant que le sommeil, même si l'inverse est aussi vrai le lendemain matin.

La procrastination du sommeil vise à différer le sommeil qui n'est généralement pas considéré comme quelque chose de déplaisant.

Les résultats ne sont pas surprenants, mais les chercheurs affirment qu'il s'agit de la première étude "qui présente la procrastination du sommeil comme une possible cause du manque de sommeil".

Parce que la fatigue affaiblit particulièrement la volonté, cette étude estime que de nouvelles solutions sont nécessaires. Celle-ci ne formule malheureusement pas de suggestions.

En effet, selon les conclusions des chercheurs, "les stratégies qui ne requièrent aucun effort devraient être les plus efficaces pour réduire la procrastination du sommeil".

Ces stratégies existent déjà. Parfois, un rappel comme un grand bruit ou votre ordinateur qui s'éteint tout seul peuvent suffire à vous faire agir. "Vous pourriez installer une minuterie qui éteint votre télévision ou mettre en place une alerte sur votre téléphone" suggère Betsy Morais dans le New Yorker. "Trouvez le moyen de calmer cette impulsion qui vous pousse à faire défiler les nouveautés de Twitter du bout de votre doigt sous votre couverture".

Article de Lauren F. Friedman. Traduction par Shane Knudson, JDN.

Voir l'article original: This Is Why You Stay Awake All Night When You Know You Need To Sleep