Ronan Darchen (Alinea) "La vie privée s'est invitée au travail"

Expert en relations sociales, Ronan Darchen met en lumière les difficultés pour les élus du personnel de porter ces nouvelles thématiques.

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Ronan Darchen. © Alinea

JDN. L'équilibre vie professionnelle/vie personnelle est le thème de SalonsCE*, où vous intervenez. Ce sujet concerne-t-il vraiment les comités d'entreprise (CE) ?

Ronan Darchen. Habituellement, les principaux sujets de discussion des comités d'entreprise  portent sur la bonne marche de l'entreprise, sa santé économique et sur les conditions de rémunération et de travail. Cependant, des thèmes de négociations plus récents, comme l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, conduisent les élus du personnel à aborder les questions liées à l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle : les congés parentaux, les horaires des réunions... On retrouve aussi ces sujets lors des discussions concernant le temps de travail, qui ne se déroule plus uniquement dans l'entreprise. De plus les CE sont de plus en plus souvent confrontés à des demandes de leurs salariés qui dépassent de loin les tickets cinéma ou les réductions sur les voyages. Elles concernent par exemple un service de conciergerie ou encore des aides à la garde d'enfant. Ces services aux salariés touchent à la relation entre vie professionnelle et vie personnelle. Les CHSCT, qui traitent des conditions de travail, sont eux aussi amenés à aborder ces thèmes.

Les employeurs sont-ils réceptifs à ces problématiques ?

Actuellement, les élus du personnel vont d'abord parler emploi et condition de rémunération Pour les CE, l'articulation entre vie professionnelle et vie privée n'est pas un sujet facile à porter car les employeurs n'en font pas une priorité. Pourtant, alors que la pression est de plus en plus forte sur le temps de travail, que la connexion des salariés est souvent permanente, nous avons besoin de créer un cadre. La vie privée s'est invitée au travail parce que le travail s'est lui-même invité dans la vie privée. Les frontières ne sont plus très nettes. De nombreux salariés vont, pendant leur journée de travail, faire un tour sur Internet, une pratique qui n'est pas encadrée, mais qui bénéficie d'une certaine tolérance.

Justement, les entreprises ne préfèrent-elle pas laisser des questions dans le domaine du non-dit ?

Effectivement. Le télétravail est un bon exemple. Il permet de réduire les temps de transport, de gagner en efficacité... Les salariés qui y ont recours sont demandeurs de règles : les compensations, la prise en charge de certains frais, les règles de sécurité... Mais les employeurs préfèrent généralement se dire qu'ils n'ont pas besoin de cadre.

Dès lors, comment convaincre les employeurs de se pencher sur ces questions ?

D'abord, les élus du personnel peuvent  mettre en avant que le bien-être au travail est un atout pour l'entreprise : des salariés bien dans leur peau sont plus productifs, connaissent moins l'absentéisme. Ensuite, certains employeurs sont sensibles à des arguments plus "nobles", liés à la responsabilité sociale. Ils comprennent qu'une bonne image est un gage d'attractivité. Enfin, il existe des moments pendant lesquels il est plus facile d'aborder ces sujets. C'est par exemple le cas d'un déménagement dans des nouveaux locaux. Une entreprise qui quitte le centre-ville pour la périphérie aborde plus aisément les questions de mobilité, de transport, d'accès au lieu de travail. Cependant, il ne faut pas être angélique : ces thématiques ne sont pas aujourd'hui une priorité.

Ronan Darchen est expert en relations sociales chez Alinea, un organisme de formation et d'accompagnement des élus du personnel (CE et CHSCT).

*En 2013, l'équilibre entre vie professionnelle et vie prive constitue le thème de SalonsCE, dont le JDN est partenaire. L'édition parisienne se tient les 17, 18 et 19 septembre au Cnit, à la Défense. Les salons de Lille, Lyon, Marseille, Rouen et Strasbourg aborderont aussi ces sujets. Inscription sur le site de SalonCE.