France -Italie : un modèle original de financement du cinéma

Avec l'annonce de la mise en place d'un fonds d'aide au développement d’œuvres cinématographiques franco-italiennes, quel est le cadre et les avantages de la coproduction cinématographique entre les deux pays ?

La dernière édition du festival de Cannes a fait la la part belle aux coproductions franco-italiennes : Miele, La grande Bellezza, Salvo ou encore Le Passé, remettant d’actualité une relation ancienne entre les deux pays.
Ce soudain regain de la relation franco-italienne pourrait étonner mais s'explique et va se poursuivre. On note à cet égard  que depuis la mise en application d’un nouvel accord de coproduction en 2003 ce sont vingt films par an en moyenne qui sont coproduits par des partenaires franco-italiens.
Ces dernières années l'Italie s'est classée parmi les trois premiers partenaires de la France s'agissant des films d'initiative française et des films d'initiative étrangères. Cela peut s'expliquer par deux circonstances: des dispositions de l’accord de coproduction plus souples que par le passé et des aides italiennes plus attractives pour les producteurs étrangers.
Par ailleurs, la récente mise en place d'un fonds de développement des œuvres cinématographiques franco-italiennes nous permet de dire qu'il existe un réel renforcement des relations franco-italiennes en matière de production cinématographique. (I) D'un autre côté, l'Italie face à une dégradation importante de son volume de production a considérablement enrichi son système de soutien et les nouvelles aides italiennes  peuvent être avantageuses du point de vue des coproducteurs français pour établir un plan de financement efficace. (II).

I) Des relations franco-italiennes renouvelées et renforcées

Dans les années 50 et 60, les cinémas italiens et français rivalisent, cohabitent, collaborent et sont sur le devant de la scène de la production en Europe. A cette période on compte en moyenne une centaine de coproductions franco-italiennes par an parmi lesquelles on peut citer « Les nuits Blanches » et « Le Guépard » de Visconti, « Le Mépris » de Jean-Luc Godard ou « la Dolce Vita » de Federico Fellini avec la participation remarquée de Pathé. Ce sont les succès de cette collaboration qui ont bénéficié du premier accord de coproduction franco-italien du 1er août 1966, venant en  faciliter la mise en place.
Cependant, si les relations franco-italiennes en matière de cinéma sont anciennes, elles se sont amenuisées avec le temps, faute d'un cadre adéquat, et ont connu un effondrement dans les années 80 et 90 dont témoignait par exemple le retrait de la filiale Gaumont Italie.
Cette relation reste néanmoins une composante majeure du cinéma européen et face à une perte de vitesse des échanges financiers techniques et artistiques entre les deux pays, les secteurs et  institutions gouvernementales concernés ont voulu trouver une réponse efficace. C'est pourquoi ils ont renouvelé  l'accord de coproduction entre les deux pays (a) mais également récemment mis en place un fond d'aide au développement (b).

a) Un nouvel accord de coproduction franco-italien

La mise en place d'un nouvel accord de coproduction franco-italien en 2003 est venue changer radicalement les dispositions applicables aux relations entre les deux pays en matière de coproductions. En effet, si un cadre existait déjà pour régir les coproductions franco-italiennes, il datait de 1966 et les quelques modifications du texte d'origine ne pouvaient pas suffire à le rendre efficace aujourd'hui.
L'accord de coproduction permet aux coproducteurs d'un film de bénéficier dans chaque état des avantages découlant des dispositions relatives à l'industrie cinématographique et ce dans chaque pays.  S'il est évidemment entendu que ces avantages ne sont accordés qu'au producteur du pays qui les accorde, cela permet néanmoins un cumul potentiel d'aides sur un même film.
Sur le fond, ce nouvel accord instaure des conditions extrêmement souples pour les producteurs qu'il s'agisse des conditions financières ou des conditions de tournage. Aussi est-il prévu dans l'accord que “La proportion des apports respectifs du ou des coproducteurs de chaque État dans une œuvre cinématographique de coproduction peut varier de 10 % à 90 % du coût définitif de l'œuvre cinématographique. ». Afin d'entrer en coproduction il est donc possible de n'apporter que 10 % du budget du film pour bénéficier de l'accord de coproduction.  Plus encore le texte prévoit, par exception, de baisser ce seuil minimal à 5 % soit pour les films dont le budget excède 7,62 M d'euros soit dans le cas où les autorités compétentes des deux états se sont entendues pour abaisser le seuil minimal.
On peut ici noter que cette disposition est très favorable au développement des coproductions franco-italiennes, le seuil minimal choisi est en effet bas par rapport aux seuils habituels. Pour ne comparer qu'avec des pays européens, on peut observer que les minima allemands et espagnols sont plus hauts : le coproducteur minoritaire doit apporter au moins 20% du budget du film. On rappellera que c’était ce même seuil de 20 % qui s'appliquait aux coproductions franco-italiennes avant la mise en place du nouveau traité, plus clément  à l’égard des producteurs.
De plus, l'accord prévoit qu'il est possible de tourner des prises de vues dans des décors naturels dans un pays qui ne participe pas à la convention dès lors que le scénario ou l'action du film le justifie.
Il est également possible que les œuvres cinématographiques admises pour bénéficier de l'accord franco-italien soit coproduites avec le soutien d'un autre pays avec lequel la France ou l'Italie serait liée par des accords de coproduction cinématographique. Cette possibilité est primordiale car elle permet aux coproducteurs de travailler en collaboration avec des interlocuteurs variés, sans craindre de perdre le bénéfice de l'accord de coproduction.
Surtout, l'accord de coproduction franco-italien ne pose pas d'obligation relative à la nationalité des travailleurs employés sur le tournage. Cette absence de distinction entre les techniciens est assez rare car en règle générale les accords de coproductions obligent à l’emploi de techniciens de nationalité d’un des deux pays partenaires, ou du moins de pays européens. Cette obligation sera cependant éventuellement à respecter en fonction des aides demandées par chacun des producteurs, et des conditions d’obtentions de celles-ci. Point également important, l’accord franco-italien autorise les coproductions purement financières, ce qui est également rare. En effet habituellement, une réelle collaboration artistique entre producteur est exigée.
Avec ce nouveau cadre, les coproductions franco-italiennes se font plus nombreuses et la souplesse de ce  nouvel accord semble porter ses fruits.Toutefois, si l'accord de coproduction franco-italien semble être efficace, il n'en demeure pas moins qu'il a des implications principalement financières et Valérie Ganne le rappelait : “les coproductions artistiques [restent] trop rares ». Le fonds d'aide au développement semble aujourd'hui vouloir  corriger cette tendance.

b) Un fonds d'aide au développement d’œuvres cinématographiques franco-italiennes

Au-delà de l'accord de coproduction, le CNC et le MIBACT viennent de mettre en place un fonds d’aide au développement d’œuvres cinématographiques franco-italiennes. Ce fonds vise à encourager le développement des coproductions “artistiques”. En effet si la coproduction est souvent choisie pour des raisons financières il n'en est pas moins important de considérer l'enrichissement culturel qu'elle peut apporter. Le CNC s'exprime en ce sens en précisant qu'avec le fonds il s'agit de soutenir “la coopération le plus en amont possible entre co-auteurs et coproducteurs des deux pays, pour favoriser un développement artistique riche du croisement des cultures et imaginaires des deux pays”.
L’idée de départ était de constituer un mini-traité comme il en existe par exemple avec l'Allemagne, mais le coût d'une telle initiative en a freiné la concrétisation.
C'est finalement un fonds d'aide qui a été annoncé à Cannes en mai 2013 et qui se voit doté d'un budget annuel de 500 000 euros. Ce fonds  vient aider des producteurs se trouvant dans la phase de développement de projets de longs métrages qu'il s'agisse de fiction, de documentaire ou d'animation. En effet, seules les dépenses effectuées en amont du tournage et après le dépôt de la demande de subvention sont éligibles. Il s'agit notamment de la rémunération des auteurs du scénario, des frais engendrés pour des recherches et des repérages, des frais de personnel, les charges sociales ou les éventuels frais juridiques.
On espère en soutenant les projets franco-italiens dans leur phase de développement que ceux-ci pourront s'enrichir du bénéfice des deux cultures pour produire des films franco-italiens plutôt que des montages financiers. La volonté des institutions est de sélectionner au plus 10 projets de films par an pour une attribution d’environ 50.000 euros par projet.
De fait, la forme de la coproduction est envisagée de manière moins souple ici que dans l'accord de coproduction de novembre 2000. En effet l'apport des producteurs ne peut osciller qu'entre 20 et 80 %. Surtout : “Les coproductions « financières », c'est-à-dire n’impliquant pas une participation technique et artistique proportionnelle aux apports financiers, ne peuvent pas bénéficier des subventions du fonds.”
Le fonds propose donc une aide sélective accordée annuellement par la commission franco-italienne d’aide au développement (composée de 3 membres choisis par le CNC et de 3 membres choisis par le MIBACT). Le dépôt des premiers  dossiers pour prétendre à des subventions du fonds d'aide à la coproduction a ouvert le 15 octobre dernier et les crédits seront accordés en fin d année.
Nous l'avons vu, les relations franco-italiennes en matières de cinéma se sont ravivées. Il serait intéressant maintenant de voir quelles sont les aides dont il est possible de bénéficier en Italie du fait de l'accord de coproduction ou par la simple localisation d'un tournage dans le pays.

II) Un système d'aide italien intéressant mais fragile

Il convient ici de faire un point sur l’économie du cinéma en Italie, en effet si celle-ci a longtemps été florissante elle a aussi connu une mauvaise passe. En 1987 Daniel Toscan du Plantier écrivait même un article “le déclin de l'empire italien” et la production de films italienne a en effet connu une diminution spectaculaire. L’avènement de la télévision dans le pays a largement contribué à ce déclin et  Marin Karmitz annonçait en 1995 “On peut dire que l'influence catastrophique de la télévision privée a détruit le cinéma italien”.  Il faut bien dire que les chaînes italiennes ne participent que peu au financement des films, n'en ayant pas l'obligation, et le cas échéant elle se tourne vers la production “mainstream” en négligeant les films d'auteur qui seraient exploitables en festival ou à l’étranger.
Par ailleurs, le soutien des distributeurs est très faible en Italie, avec une absence quasi systématique de minimum garanti ce qui a  contribué à la perte de vitesse du cinéma indépendant italien. C'est certainement cette absence de soutien des chaînes et des distributeurs vis à vis du cinéma d'auteur  qui fait que la majorité des coproductions franco-italiennes de ces dernières années sont des  coproductions de majorité italienne qui se tournent vers la France pour compléter leur budget.
Néanmoins, l'industrie du cinéma italien, comme le gouvernement, n'entend pas laisser s’éteindre la production et c'est certainement ce qui avait déjà abouti en 1994 à une “intervention urgente en faveur du cinéma” et que diverses mesures plus récentes  permettent au cinéma italien de se maintenir et au pays de rester attractif en matière de coproduction.
On notera ici que le système d'aide nationale s'est peu à peu renforcé  (a) pendant que dans le même temps des aides régionales se sont développées (b).

a) Un système d'aide nationale renforcé  mais en sursis

Les aides au cinéma en Italie sont très anciennes, le pays est même l'un des premiers a avoir mis en place un soutien automatique à la production en 1938. Cependant aujourd'hui elle sont extrêmement faibles : elles  représentent  8% de l'aide publique en Italie, quand en France les aides automatiques représentent plus de 70% des aides publiques pour le cinéma. En 1994, en pleine crise du cinéma italien, le gouvernement est donc venu modifier le système d'aide afin de le renforcer (1) avant de mettre en place dix ans plus tard un crédit d’impôt cinéma afin de soutenir la production italienne (2).
  • Les aides du Mibact depuis la reforme de 1994
Le décret de 1994 est venu modifier le système d'aide italien : il met en place le fonds de garantie bancaire géré par la Banco Nazionale del Lavoro qui apparaît désormais comme un des outils majeurs du soutien au cinéma italien actuel et réorganisait l'aide apportée par le MIBACT, équivalent du CNC.
En effet, depuis lors le MIBACT propose des nouvelles aides sélectives à la production via le Fond pour la production, la distribution, l'exploitation et les industries techniques (Fondo).
Ce système assez développé peut permettre à un film d'obtenir une partie substantielle de son budget. L'apport maximum est de 1,350 M d'euros pour les premiers et seconds films et peut aller jusqu’à 2,5 M dans certains cas. Ces aides ne doivent pas   dépasser 50% du budget total du film, bien que des exceptions soient prévues (augmentation du seuil a 90% pour les premiers et seconds films). Le budget pour 2012 était de 25,8 M d'euros avec un apport moyen par film de 300 000 euros et aide en moyenne 80 films par an.
Si on est ici assez proche de l'avance sur recette mis en place par le CNC, qui bénéficiait en 2012 d'une enveloppe de 30 M d'euros, il faut rappeler que le système d'aide italien est bien plus restreint que le système français qui multiplie les aides en faveur de la production (aide au développement, aide à l’écriture, fonds de soutien automatique, aides sélectives...).
Le problème majeur restant que, en Italie plus qu'en France, les fonds alloués au cinéma sont intrinsèquement liés au budget du ministère de la culture. Le Fondo dépend de la loi de finances votée chaque année et est donc très incertain d'une année sur l'autre. On se souvient à ce titre  du Ministre de l’économie  Giulio Tremonti, qui s'était illustré fin 2010 en déclarant : « Con la cultura non si mangia » (« Ce n'est pas avec la culture qu'on se nourrit »), faisant planer une ombre inquiétante sur la pérennité du système. Massimo Bray a cependant rassuré le milieu du cinéma italien en annonçant, lors du festival de Venise, une relance du programme, avec un fonds d'un montant de 90 millions d'euros sur deux ans.
De plus, l'Italie semble prendre à cœur de renforcer et d’améliorer son système de soutien à l'industrie cinématographique  comme en témoigne la mise en place d'un crédit d’impôt avec la loi de finance pour 2008.
  • Le crédit d’impôt en faveur de la création cinématographique
Ce crédit d’impôt  propose de garantir une politique d’aide au cinéma national, afin de promouvoir la production et la distribution de films nationaux. A cette fin, la loi met spécifiquement en place des allègements fiscaux au profit des sociétés, qu’elles fassent partie ou non du secteur du cinéma, qui réinvestissent leurs bénéfices dans la production et la distribution de films en Italie. Cette nouvelle forme de soutien est intéressante à la fois pour les films italiens, étrangers et pour les coproductions avec l'Italie.
Tous les films sont éligibles au crédit d’impôt italien : documentaire, fiction, animation, courts et longs métrages. Cependant il existe des catégories favorisées : les films difficiles (documentaires, premiers, films, long métrages sous conditions) et les films au budget modeste c'est à dire inférieur à 1,5 M d'euros.
Le système distingue également les cas des films, italiens, étrangers et en coproduction. Afin de redynamiser l'industrie du cinéma italienne il est prévu que des productions étrangères ou en coproduction avec l'Italie puisse bénéficier du crédit d’impôt.
Le crédit d’impôt accordé pour un film étranger revient cependant à la production  exécutive italienne. Son montant est calculé en s'appuyant sur les dépenses italiennes avec un taux de 25 %, c'est à dire 10 % de plus que le taux des films nationaux. Il ne peut excéder 60 % du coût du film et est d'un maximum de 5 millions d'euros en toutes circonstances. Cette mesure pourrait rendre l'Italie beaucoup plus attractive. En témoigne d'ailleurs le tournage de « To Rome with love » de Woody Allen ou le passage par l'Italie  d'un film comme « Belle du seigneur » sorti cet été.
Du côté des coproductions le dispositif est moins large. Seule la partie italienne peut bénéficier du crédit d’impôt et celui-ci n'est calculé que  sur la part des droits revenants à la production italienne.
Le taux applique de 15 % comme pour les films italiens et s'applique au coût relatif à la part des droits revenant au coproducteur  italien. Ce dispositif permet en fait au producteur italien de ne pas perdre le bénéfice du crédit d’impôt lorsqu'il entreprend une coproduction internationale. Cela a permis par exemple aux producteurs de Salvo de compléter leur financement avec des partenaires français (notamment Films distribution et Cité films) qui sont venus apportés un tiers du budget du film.
Malgré son succès le crédit d’impôt en faveur de l'industrie cinématographique est débattu.
Déjà en 2010, le renouvellement du plan triennal de crédit d’impôt cinéma avait suscité des difficultés. Le gouvernement, en temps de crise aurait préféré resserrer le budget alors que les professionnels du cinéma, l'ANICA en tête soutenaient que le crédit d’impôt était la seule chance de survie du cinéma italien. Le crédit d’impôt avait été reconduit pour 3 ans et vient d’être prolonge d'une année (jusqu'au 31 décembre 2014)
Par ailleurs, Massimo Bray a annoncé une politique renforcée en direction du cinéma avec notamment une obligation d'investissement et de diffusion de films nationaux pour les chaînes italiennes. En effet, la production cinématographique italienne ne bénéficie pas de l'aide des groupes télévisuels. Les chaînes lorsqu'elles investissent préfèrent se tourner vers la production “mainstream”, plus rentable et le cinéma italien en pâtit. Si la volonté du ministre se concrétisait l'industrie du cinéma italien bénéficierait d'une nouvelle source de financement, lui permettant de se redresser et de devenir un partenaire intéressant en terme de collaboration. L'exemple français le prouve bien, l’investissement des chaînes télévisées en pré-achat ou en coproduction est primordial en matière de financement d'un film.
Il est important d’évoquer qu’au-delà du système national l'Italie bénéficie d'un important réseau d'aide régionales qui peuvent se révéler intéressante dans le cadre d'un partenariat avec l'Italie.
  • Des aides régionales diverses valorisant la localisation des tournages en Italie
De la même manière que des fonds d'aides régionaux se sont développés en France (Île de France, Rhône-Alpes Cinéma, CCRAV...), différentes régions d'Italie se sont organisées de manière à favoriser la création cinématographique sur leurs territoires.
Il faut avant toutes choses noter que les commissions italiennes de soutien à l'industrie cinématographique se sont réunies au sein d'une association : IFC, la commission italienne du film. Cette association réunit 17 commissions de soutien aux productions et investisseurs et permet une grande lisibilité du réseau italien d'aides régionales. L'IFC renforce la coopération et l’échange d'information ainsi que la croissance de l'industrie cinématographique en Italie. Nous n'allons pas revenir ici sur chaque région, néanmoins nous en évoquerons certaines parmi les plus développées afin d'éclairer notre propos.
 La région des Pouilles, au sud-est de l’Italie, par exemple  propose depuis 2007, au travers de l'Apulia film fondation, des aides diverses destinées à redynamiser la création cinématographique dans la région.
Aussi la région dispose-t-elle d'un fond national, d'un fond d’accueil (hospitality fund) et d'un fond international. Il est entendu que les aides accordées sont assorties de conditions à la fois de localisation de la dépense mais aussi de localisation du tournage (trois semaines de présence dans la région en général).
Les fonds nationaux et d'accueil bénéficient chacun d'un budget de 1 million d'euros par an. Le fonds d’accueil est le plus important en pratique : il vient aider 38 coproduction de majorité italienne par an.

Le fonds d'aide international bénéficie d'un budget plus modeste, 500 000 euros, et n'aide en moyenne que deux films par an. Cependant il offre à la région des possibilités de coopération internationale intéressante. Le tournage d'un film comme The third man de Paul Haggis qui a bénéficié de l'aide ne se serait sûrement pas déroulé dans la région sans cela.
La région des Pouilles est donc devenue attractive pour les producteurs étrangers, soit en coproduction avec un producteur italien pour obtenir l'aide des fonds nationaux et d’accueil soit en terme de localisation du tournage en bénéficiant du fond international.
Par ailleurs la commission a instauré un fonds de développement, doté de 90 000 euros. L'aide attribuée par ce fonds concerne des films dont l'histoire ou une partie de l'histoire se déroule dans les Pouilles. L’idée étant de mettre en avant le patrimoine culturel de la région au travers d’œuvres cinématographiques.
Il faut cependant nuancer notre enthousiasme : en effet, les régions du sud de l'Italie sont connues pour de nombreux problèmes de malversations et il n'est apparemment pas rare que les aides annoncées ne soient pas versées dans leur intégralité aux producteurs.
Dans un autre plan géographique, la région de Rome est elle aussi, particulièrement tournée vers le développement de l'industrie cinématographique Le Lazio regional film fund, est ainsi doté d'un budget annuel très conséquent : 15 millions d'euros. Ce fonds ne distingue pas les productions nationales et internationales. Il va pouvoir financer le film  dans la limite de 15 % du projet ou de 20 % en cas de coproduction de majorité italienne. Le montant de l'aide peut être très important avec un maximum de 500 000 euros pour les œuvres cinématographiques et de 750 000 pour les œuvres audiovisuelles. Cette aide est automatique et ne demande que de correspondre au critère du test culturel. Néanmoins 40 % du budget de production doit être dépensé dans la région, avec une réduction possible à 20 % si le budget excède 2 millions d'euros.
En 2011, ce fonds régional a ainsi profité à 114 films ou œuvres audiovisuelles, parmi lesquels le fameux « To Rome with love » de Woody Allen. De la même manière chaque année de nombreux films cannois sont des bénéficiaires de cette aide comme  « Reality » de Matteo Garrone ou « Dracula 3D » de Dario Argento, coproduit par la société française Les films de l'astre.
Les fonds accordés par cette commission permettent de relancer fortement l’activité dans la région de Rome en accroissant réellement l’attractivité de la région.
De plus la région Rome-Lazio bénéficie d'un fonds supplémentaire : le FILAS, doté d'un budget de 5 millions d'euros et destiné à soutenir des projets avec un impact fort dans la région. Le tournage doit avoir lieu sur place et 50 % du coût du film doit y être investi. Le montant maximal de l'aide est de 600 000 euros, dans la limite de 50 % du coût total du film. Cette aide vient elle aussi renforcer l’attractivité de la région du Lazio.
La région du Sud Tyrol bénéficie également depuis peu d'un fonds de soutien (2009). Ce dernier a un budget annuel oscillant autour des 5 millions d'euros et aide les films à une hauteur moyenne de 230 000 euro,  avec un maximum de 1,5M et n’excédant pas 50 % du budget ou 80 %  pour les premiers et deuxièmes  films ou ceux au budget inférieur à 1,5 millions d'euros.
Ce fond est ouvert aux coproductions, son montant sera alors calculé sur la part du coproducteur italien uniquement. L'aide est automatique, à condition de répondre au test culturel, mais elle s'accompagne d'une obligation de dépense assez lourde. En effet 150% de l'aide doivent être dépensés dans le Sud-Tyrol. Des exceptions sont possibles pour des projets témoignant de fortes références à la région de part leur thèmes ou décors. Les aides de cette fondation vise donc avant tout à relocaliser des tournages en région et à promouvoir la région.
Bien qu'elle soit récente on peut déjà constater son efficacité, notamment dans des rapports de coproductions avec l'Allemagne. On peut par exemple citer le film « Peak » de Hannes Lang ou « The station » de Marvin Kren's présenté au dernier festival de Toronto. Il semble alors approprié pour les producteurs français de s’intéresser à ces aides dont le montant prévoit un maximum exceptionnellement élevé.
Nous pourrions ici multiplier les exemples, chaque région ayant des fonds spécifiques : le Piémont avec un budget annuel de 5 millions d'euros et une obligation de dépense entièrement localisée, les régions de Venise, de Calabre ou de Toscane avec des budgets plus modestes ou encore la région de Sicile qui a contribué au budget de Salvo, le grand succès de la coproduction franco-italienne contemporaine.
Il apparaît bien dans notre développement que l’Italie bénéficie d'un système d'aides nationales et régionales développé et qui est à considérer en matière de coproduction comme de localisation des tournages. L’Italie est et restera un partenaire majeur de l'industrie cinématographique française.

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Chronique co-écrite par Sébastien Lachaussée, avocat à la Cour et Elisa Martin-Winkel.