Un média d’avenir qui s’ignore : la presse régionale

Après vingt années d’efforts et de réformes, la PQR semble encore en survie. Voici comment renouer avec la performance.

La presse quotidienne régionale (PQR) vit une agonie qui n’en finit pas. Depuis vingt ans, les mêmes pathologies s’acharnent sur le malade : baisse des diffusions payantes des journaux, disparition du revenu des annonces et effet vieillesse-technologie se combinent inexorablement pour réduire les marges d’exploitation.

La PQR s’est-elle résignée à cette mort annoncée ? Loin de là. Pour tenter de résister, elle a multiplié les efforts: modernisation des formats, réduction des effectifs ouvriers à l’impression, création de points de vente, développement de l’abonnement par portage, déploiement des offres sur le mobile, exploitation des données... Pour les plus courageux, des efforts de productivité au sein des rédactions ont complété l’ensemble.

Hélas, les gains obtenus, même s’ils sont réels, font long feu. Au bout d’un an ou deux, l’effet des réformes est déjà rogné par le mal.

Reconnaissons qu’en menant ces efforts, certains ont succombé à des tentations coûteuses, notamment celle du néfaste plan de départs volontaires, mécanisme coûteux et rigide, qui les prive en outre des salariés les plus précieux. D’autres ont lancé des réorganisations massives ou mis en place des outils CRM, avec in fine beaucoup de perturbation pour peu d’impact.

Les Etats généraux de la Presse de 2008 ont accompagné ces efforts. Tout comme les subventions directes ou indirectes au secteur, ils traitent le symptôme sans soigner le mal.

 Après vingt années d’efforts et de réformes, la PQR semble encore en survie. Les plus chanceux sont adossés à des actionnaires financiers aux ressources infinies. D’autres se séparent de leurs derniers actifs (immobilier, participations dans des pépites internet, …) pour s’offrir quelques années de répit, et certains subsistent de façon fantomatique.

Et pourtant. La PQR garde objectivement des atouts considérables pour autofinancer la diversification dont elle a besoin : 

  • Des audiences totales (papier + digital) qui n’ont pas diminué, voire même qui croissent, et des marques qui restent fortes 
  • Un vivier de correspondants locaux de presse capables de produire de l’information de qualité pour un coût dérisoire 
  • Une logistique exceptionnelle (avec notamment un maillage de dépositaires indépendants et de points de vente) qui permet d’envisager des pistes de diversification 
  • Des annonceurs locaux qui restent assez captifs et ont déjà saturé leurs budgets Google, Facebook ou Pages Jaunes, et des concurrents affaiblis (l’affichage et la presse gratuite d’annonces en particulier), mais aussi des réservoirs d’annonceurs considérables à démarcher (le taux d’acquisition des annonceurs potentiels reste inférieur à 20% dans la plupart des secteurs d’activité).

Pour en profiter, un impératif : renouer avec des résultats conséquents et, pour y parvenir, une seule solution : se décider à changer de modèle, au moins sur deux points :

  • Ne plus écrire d’articles mais devenir le fédérateur d’une information produite par les correspondants (et, conséquence logique, investir solidement dans la gestion du vivier des correspondants) – les tabous à affronter au sein de la corporation des journalistes sont énormes mais c’est le prix à payer
  • Faciliter la vie des commerciaux des régies, pour leur permettre d’exploiter le potentiel de leur marché au lieu de perdre 40% de leur temps dans des activités non productives 
  • Mettre fin aux absurdités et aux anachronismes persistants (exemple : les pages d’information générale, qui engloutissent des centaines de milliers d’euros alors que plusieurs éditeurs pourraient les fournir pour une fraction de ce coût)

Ainsi, en prenant le compte de résultat d’un groupe de PQR typique, une augmentation des revenus de publicité commerciale de 8%, couplée à une baisse des coûts rédactionnels de 75%, permet de dégager des résultats nets de 5% à 10% du chiffre d’affaires. Autant de ressources qui pourraient nourrir la diversification.