Google AMP : les premiers retours du Parisien, des Echos et de RTL

Google AMP : les premiers retours du Parisien, des Echos et de RTL Le format, qui doit rendre les pages Web plus légères sur mobile, débarque sur smartphones ce 24 février. Retour sur les premiers tests des éditeurs.

"Accelerated Mobile Pages" ou AMP, le format imaginé par Google pour rendre les pages Web plus légères sur mobile, va déferler sur nos smartphones à compter du 24 février. Ce projet open-source incubé dans le cadre de la Digital News Initiative, fonds lancé conjointement par Google et certains groupes médias d'Europe, a été annoncé début octobre 2015 et va se matérialiser par l'apparition croissante de carrousels d'articles au dessus des résultats de recherches mobiles "traditionnels".

L'ambition ? Améliorer sensiblement l'expérience de lecture sur iPhone et appareils Android en mettant en avant des versions allégées des pages Web mobile. Ainsi, lorsqu'une page mobile sera consultée depuis les résultats de recherche de Google ou depuis une plateforme partenaire, comme Twitter ou Pinterest, c'est sa version AMP qui sera appelée.

Un confort de lecture aussi important que la qualité du contenu

L'intérêt d'AMP est de réduire sensiblement le temps de chargement de l'article et par incidence de booster le taux d'engagement des mobinautes, espèrent les premiers médias partenaires. Car comme le rappelle le directeur du digital du groupe les Echos, Clément Courvoisier, "sur mobile, le confort de lecture importe autant que la qualité du contenu".

Dans le monde, plusieurs centaines de groupes médias se sont laissés tentés par la version beta. En France, ils sont 13 parmi les 50 plus gros sites éligibles à avoir franchi le pas et être prêts à faire la bascule le 24 février.

Cure d'amaigrissement

Difficile à ce stade de mesurer les impacts du nouvel outil. Du côté des Echos on parle d'un "temps de chargement quasi instantané". Guillaume Bournizien, digital marketing manager au Parisien, évoque lui un affichage "deux à quatre fois plus rapide que pour les pages traditionnelles". Pour cause, le format AMP qui est appelé dans le carrousel est mis en cache, préchargé en même temps que les résultats de recherches s'affichent.

Pour réussir ce tour de force, Google impose toutefois à ses médias partenaires une sérieuse cure d'amaigrissement. "Il nous a fallu faire le tri parmi les nombreux scripts analytics, publicitaires et autres présents au sein de la page pour satisfaire aux exigences du format AMP", confesse Guillaume Bournizien. Un ménage de printemps qui concernera le plus souvent les partenaires publicitaires… qui peuvent mobiliser jusqu'à 50% du temps de chargement d'une page mobile ! Autre contrainte technique pas toujours évidente : basculer les URL au format sécurisé "https".

Exemple d'un AMP Pinterest. © Capture d'écran Google

La transition a été plus facile pour RTL qui n'a pas attendu que Google lui propose ce projet pour entamer une telle diète. "Tous nos sites mobiles ont été refondus dans le cadre de notre plan 'Digital Renaissance' avec comme objectif principal de les alléger considérablement", explique le patron de RTLNet, Thomas Karolak.

Le casse-tête peut être plus sérieux pour d'autres. Une start-up américaine, Relay Media, s'est même lancée avec comme promesse de permettre aux groupes médias de "AMP-ifier" leurs contenus. A sa tête, Dave Gehring, un ancien de la Digital News Initiative de Google. Même initiative chez un spécialiste des technos mobiles, Marfeel, qui a créé une solution clé-en-main permettant aux éditeurs de construire et entretenir leurs pages Web mobiles. 

"Notre principale préoccupation est de nous assurer de la compatibilité de nos prestataires techniques les plus importants", explique Guillaume Bournizien… juste avant de confesser que son player vidéo, Dailymotion, n'est pas encore pris en charge par AMP. Même problématique pour son adserver, SmartAdserver, qui ne peut y servir que les campagnes vendues en direct par la régie. Impossible d'y mettre en place des mécaniques de cascade, méthode consistant à appeler d'autres sources technologiques, ou d'y faire du header bidding. Un peu gênant à la veille de la sortie du produit, même si Google s'est engagé à intégrer les partenaires clés du Parisien avant qu'il ne s'engage dans l'aventure.

Les ratés de la transition du Parisien tiennent donc moins à la mauvaise volonté de Google qu'à la difficulté d'intégrer les milliers de solutions technologiques existant sur le Web en un laps de temps réduit... 

AMP est un "work-in-progress permanent"

Il faut dire qu'AMP est un "work-in-progress permanent", comme aime à le rappeler Clément Courvoisier. Et de citer l'exemple des contenus protégés par un paywall qui n'étaient au début de l'aventure pas intégrés au format. "Google a écouté ses partenaires du New York Times et du Wall Street Journal, notamment, pour y remédier". Les Echos qui, sont dans le même modèle "freemium" que leurs confrères américains, n'ont ainsi pas rencontré ce problème.

Pas sûr en revanche que le géant de l'Internet se montre aussi conciliant côté formats publicitaires. Google a clairement affiché son intention de profiter de l'arrivée d'AMP pour faire le ménage. Google n'est ainsi pas friand du format "interstitiel" qu'il juge trop intrusif et lui préfère des formats de type "bandeau" ou "carré". "Exit les formats interstitiels et les habillages de page', confirme Thomas Karolak.

Exit les interstitiels et les habillages

Google vante à l'inverse les vertus d'un outil qui, en accélérant le temps de chargement, devrait permettre d'augmenter le nombre de pages vues par sessions… et donc de publicités affichées. Une hausse de 10 à 20% du taux d'engagement a été évoquée dans certaines publications spécialisées, mais elle doit encore être confirmée.

Guillaume Bournizien préfère, quoi qu'il en soit, se donner "le temps de juger du succès de l'expérience", rappelant qu'Instant Articles avait donné des résultats décevants dans les premiers temps avant de connaître le succès qu'on lui connait. Il y voit même l'occasion de repenser la stratégie publicitaire mobile de son média. "Sacrifier quelques partenaires publicitaires nous permettra peut-être de gagner plus avec ceux qui restent ?", suppose-t-il. Une logique qui pourrait même l'inciter à structurer la prochaine version de son site mobile, un de ses prochains chantiers, sur le modèle d'AMP.

AMP, un exemple pour les prochains sites mobiles ?

Il est vrai qu'AMP se distingue de son grand rival Instant Articles en étant moins cloisonné et moins charté.  "L'éditeur reste maître de son contenu et de sa page", précise Clément Courvoisier. De sorte qu'une page AMP du Guardian sera toujours sensiblement différente de celle du Parisien.

Finalement, l'opportunité de voir ses contenus boostés sur mobile est d'autant plus belle pour les médias que Google reste pour la plupart leur principal apporteur de trafic. "Un site d'actualités est aujourd'hui contraint d'écrire autant pour son lecteur que pour Google", rappelle d'ailleurs Thomas Karolak. Et Google a beau s'abriter derrière le souci absolu de neutralité de son moteur de recherches, son algorithme favorise les pages les plus rapides… et donc celles disponibles au format AMP ! La relation de dépendance des éditeurs envers lui ne peut donc qu'être renforcée avec cette initiative.

En retour, les éditeurs passant sous AMP peuvent espérer que leurs articles remontant dans le format carrousel s'accaparent une bonne part du trafic mobile lié à la recherche correspondante. "Il sera difficile d'exister sur les requêtes d'actualité en restant cantonné aux résultats de recherches traditionnels", prophétise Thomas Karolak. Ce dernier, comme ses confrères, devra sans doute se battre pour ne pas devenir un jour qu'un simple fournisseur de contenu servant à alimenter la plateforme publicitaire de Google...