Opération anti-adblock : ce que prévoient les éditeurs pour la suite

Opération anti-adblock : ce que prévoient les éditeurs pour la suite La semaine anti-adblocking est passée et L'Equipe, Le Figaro et 20 Minutes en ont tiré des leçons. Le point sur leur nouvelle approche.

Un peu plus d'un mois après le début de la semaine anti-adblock, initiée par le groupement des éditeurs en ligne Geste et  adoptée par la majorité des sites média français, le sourire est de rigueur du côté des éditeurs.

Des taux de passage en liste blanche entre 10 et 40% mais des dégâts sur les taux de rebond

Le Figaro, qui avait pris la décision de flouter progressivement ses articles aux internautes équipés d'un adblocker, annonce un taux de passage en liste blanche de l'ordre de 20%. Un ratio d'autant plus rentable que "les internautes équipés d'un adblocker sont de gros consommateurs de contenu, avec un nombre de pages vues par visite deux fois supérieur aux autres, soit environ 10 pages vues", chiffre Bertrand Gié, son directeur des nouveaux médias. Ce qui devait être un test d'une semaine en aura d'ailleurs finalement duré près de trois.

L'expérience aurait sans doute été prolongée si elle ne s'était accompagnée d'un problème majeur : la dégradation du taux de rebond. En effet, les utilisateurs qui ne sont pas prêts à whitelister le site le quittent sitôt arrivés. Un rebond que Google a tendance à pénaliser côté référencement.

"On se donne un semaine pour essayer de réfléchir aux modalités d'un nouveau plan d'action", révèle Bertrand Gié. Parmi les pistes étudiées : la possibilité d'offrir aux utilisateurs qui whitelistent son site un mois d'abonnement premium.

C'est précisément le deal proposé par L'Equipe à l'occasion de cette semaine anti-adblocking. "Il y a deux ans, nous avions proposé aux utilisateurs d'adblockers de nous whitelister pour consulter nos contenus vidéos mais les résultats avaient été très décevants", explique Emmanuel Alix, le directeur du numérique du quotidien sportif. D'où la volonté durant la semaine anti-adblocking de mettre en avant une offre premium sur laquelle il mise beaucoup, sans publicité et donc cohérente avec les attentes des utilisateurs d'un adblocker.

L'Equipe a gagné près de 15 000 abonnés en une semaine

"Nous bloquions l'accès dès la deuxième page", précise-t-il. Une approche assez radicale qui n'aura duré que le temps d'une semaine, la faute, toujours, aux conséquences sur le taux de rebond du site. Le bilan est cependant très positif, juge L'Equipe, avec un taux de passage en liste blanche de l'ordre de 40% et surtout près de 15 000 nouveaux abonnés recrutés.  "Un nombre qu'aucune de nos opérations de promotion précédentes ne nous avait permis d'atteindre." Reste à voir combien de ces nouveaux abonnés accepteront de passer à la caisse une fois le mois offert terminé mais le quotidien, qui comptait avant l'opération près de 50 000 abonnés premium, estime avoir réussi à se donner une belle visibilité.

Du côté du Monde, qui avait opté pour une approche plus douce, en mettant en avant le directeur de la rédaction Jérôme Fénoglio pour informer les lecteurs du rôle de la publicité dans le financement des rédactions, le taux de passage en liste blanche s'élève à 13%. Le quotidien explique toutefois à Digiday qu'il compte mener d'autres tests dans les mois à venir, le temps de bâtir une offre d'abonnement convaincante pour les utilisateurs d'adblocker.

Même démarche (le ton humoristique en plus), mêmes effets chez 20 Minutes, où un message au ton décalé a incité entre 10 et 15% des utilisateurs à mettre le site sur liste blanche, selon les semaines. "On ne bloque pour l'instant que la homepage car ce sont les utilisateurs fidèles qui utilisent un adblocker en priorité, soit 40% de notre audience", précise Michaël Fromentoux, directeur adjoint au développement numérique du quotidien gratuit. 20 Minutes envisage désormais de diffuser son message au sein des pages article. "Sans doute pas sur la première page, plutôt la deuxième ou la troisième pour ne pas être trop repoussant."

"Le dialogue est possible si nous sommes de bonne volonté"

Pour tous, un même discours : rien ne sert d'être fataliste au moment de trouver un remède au "problème" adblocker, car le dialogue avec les utilisateurs est possible. "Il l'est dès lors que nous faisons preuve de bonne volonté, en menant une réflexion plus globale sur le sujet des publicités acceptables", note Emmanuel Alix de L'Equipe. Le quotidien a  pris la décision, à l'instar du Figaro, d'arrêter de vendre des formats intrusifs comme les interstitiels et les pop-up.

20 Minutes, qui a mené en amont de l'opération une étude pour comprendre les motivations des utilisateurs d'adblocker, réfléchit de son côté à une expérience publicitaire allégée telle que la propose Forbes. Un moyen de préserver les revenus générés par une page en vendant moins de formats, mais plus cher. "50% des panélistes nous disaient qu'ils en avaient marre des publicités intrusives et 12% qu'ils ne nous mettraient pas sur liste blanche si on ne changeait pas les choses", rapporte Michaël Fromentoux.

La profession de foi n'est pour autant pas toujours évidente à mettre en pratique. Si 20 Minutes a lui aussi arrêté de vendre du pop-up et de l'interstitiel, Michael Fromentoux confesse qu'il n'est pas toujours aisé de "faire comprendre aux commerciaux qu'il faut éviter de vendre des pré-rolls vidéos de plus de 20 secondes". Mêmes maux de têtes pour Le Figaro qui réfléchit à des alternatives au trop classique, et trop souvent intrusif, pré-roll. "Pourquoi pas des vidéos publicitaires à côté du contenu ? Ou de l'instream 'cappé' ?", réfléchit Bertrand Gié.

Les éditeurs auront, quoi qu'il en soit, intérêt à trouver des solutions plus pérennes que leur mur anti-adblocking. La Commission européenne aurait peu goûté à l'opération qui, selon sa logique du consentement préalable, serait en violation avec la législation. Car tout comme ils doivent recueillir le consentement des internautes avant de les tracker avec un cookie, les éditeurs devraient obtenir leur aval pour les exposer à leur outil d'anti-adblocking. De quoi compliquer un petit peu plus leurs affaires.