Groupe média indépendant, une espèce en voie de disparition S'affranchir d'un business model dépendant de la pub

Les groupes médias ont vite éprouvé les limites d'un marché condamné à stagner alors même que la concurrence s'intensifiait. "Le marché des sites éditoriaux est limité en valeur avec 709 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2011. C'est moins de 30% des revenus réalisés par Google en France", estime David Targy. C'est surtout la conséquence directe d'un plafonnement de l'audience et d'une baisse du CPM des impressions, deux facteurs qui obligent peu à peu les sites à se tourner vers d'autres sources de revenus.


Il faut dire que publicité mise à part, les opportunités de monétisation sont relativement faibles pour les sites de contenus qui n'adoptent pas un modèle payant ou ne profitent pas d'effet de réseau leur permettant de devenir attractif à mesure que leur communauté grandit, à l'instar des sites de rencontres, de petites-annonces ou les plateformes d'affiliation... "La moyenne du chiffre d'affaires du secteur oscille entre 10 et 20 millions d'euros", explique d'ailleurs David Targy. Une paille comparé aux revenus dégagés par les spécialistes français de l'e-commerce ou des services

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l'évolution du chiffre d'affaires de sites éditoriaux en france.
L'évolution du chiffre d'affaires de sites éditoriaux en France. © Xerfi - Precepta

"L'un des enjeux majeurs pour les groupes médias est de réussir à trouver une alternative au modèle reposant exclusivement sur la publicité, confirme Isabelle André. Pour éviter de trop s'exposer à la pression publicitaire, certains, à l'instar du Monde, travaillent leur offre payante (celle-ci représente 40% des 25 millions de chiffre d'affaires qu'a dégagé la filiale Web du groupe en 2011), d'autres préfèrent se tourner vers des solutions de monétisation d'audience alternatives, en mettant la main sur les sites de services." C'est le cas du groupe le Figaro qui s'est montré très actif ces dernières années, acquérant 20% du site de ventes privées Bazarchic, mettant la main sur l'éditeur d'un site météo, la société Météo Consult ou sur le spécialiste des offres d'emploi, Adenclassified. "Rebaptisé Figaro Classified, ce dernier représente aujourd'hui plus de 50% du chiffre d'affaires du groupe sur le Web", affirme d'ailleurs David Targy.


Axel Springer et Lagardère Active passent de groupes médias à conglomérats du Web

Et il n'est pas le seul. Certains groupes aux ressources financières conséquentes se sont progressivement transformés en véritable conglomérat du Web à l'instar d'un Axel Springer qui, non content d'avoir fait main basse sur Aufeminin.com, a acquis le site de recrutement, Stepstone, le spécialiste de l'affiliation, Zanox ou le site de petites-annonces, SeLoger.com. L'un de ses grands rivaux, le groupe Lagardère, n'est pas en reste et vient de réussir une OPA sur le comparateur de prix, LeGuide.com, après l'acquisition réussie de Doctissimo en 2008.


"Investir dans des technologies ou des sites de services a du sens dès lors que la nouvelle acquisition permet de créer des synergies et de la valeur", constate Isabelle André. Avant de tempérer : "cela requiert néanmoins une flexibilité financière que tous les groupes médias n'ont pas forcément." Conscients qu'ils doivent aller chercher la croissance ailleurs, les groupes médias se prêtent peu à peu au jeu et ne ménagent plus leurs efforts pour rentabiliser une marque qu'ils espèrent prescriptrice. Ainsi Lagardère louche-t-il du côté de l'e-commerce pour son site féminin Be ou des pure-players tels qu'Atlantico ou le Journal du Net s'essayent-ils aux e-books payants. Un virage nécessaire, pour s'affranchir des contraintes publicitaires, que le Monde semble également sur le point de prendre. "Vous n'en saurez pas plus mais il est évident que nous réfléchissons d'ores et déjà à la création de nouvelles sources de revenus", confirme Isabelle André.