Pierre-Luc Vogel (Conseil supérieur du notariat) "En 2016, nous digitalisons la relation client-notaire avec le site Notaviz"

Visioconférence entre offices, coffre-fort électronique, outil en ligne de création de baux… Le notariat fait sa révolution.

Pierre-Luc Vogel préside le Conseil supérieur du notariat. Pour lui, si les notaires de France veulent continuer à prodiguer leurs conseils, notamment, aux jeunes générations, ils doivent se rendre plus accessibles. Et cela passe par entre autres une dématérialisation de leurs relations avec leurs clients.

Pierre-Luc Vogel, président du Conseil supérieur du notariat. © Romuald Meigneux

JDN. Où en sont les notaires dans la digitalisation de leur pratique ?

Pierre-Luc Vogel. La profession a pris un premier virage numérique il y a un peu moins de 10 ans, avec l'acte authentique électronique et la signature électronique. Aujourd'hui, deux tiers des offices sont équipés et reçoivent ces actes authentiques électroniques, totalement dématérialisés, archivés dans un minutier central. Nous avons franchi le cap des deux millions d'actes électroniques en décembre dernier. C'est un produit qui connaît beaucoup de succès, les clients sont vraiment très satisfaits. Concrètement, les actes défilent sur un écran et la signature se fait à la fin sur une tablette graphique.

Nous n'en sommes donc pas encore au stade de la signature à distance…

Bientôt ! Avant la fin de l'année, nous allons lancer une grande opération d'équipement des offices en visioconférence. L'objectif est de rendre un meilleur service à nos clients qui pourront assister à un rendez-vous à distance avec leur notaire. L'acte authentique électronique doit permettre, avec la visioconférence, la signature à distance. Vous achetez un appartement à Paris, le notaire du vendeur est parisien. Vous, vous êtes chez votre notaire en Bretagne et vous pouvez, depuis son office, signer l'acte sans avoir à vous déplacer à Paris.

Les notaires amorcent donc un deuxième virage numérique, axé cette fois-ci sur les particuliers ?

Tout à fait ! Avec deux orientations : l'une vers le grand public et l'autre plus particulièrement dirigée vers nos clients. Nous allons lancer d'ici la fin de cette année une plateforme web qui va s'appeler Notaviz (la marque a été déposée en septembre dernier, NDLR). Sur ce site, le grand public disposera d'un certain nombre de services gratuits – des informations pratiques sur les ventes immobilières, sur les successions, mais également divers outils. L'un d'eux permettra de déterminer les frais d'achat dans l'immobilier, un autre de calculer les plus-values immobilières, un autre encore portera sur l'anticipation successorale. Ce dernier permettra d'effectuer des simulations en entrant les données générales de son patrimoine, de connaître la différence entre une transmission subie, pas préparée, donc par décès, et une transmission anticipée, avec une donation-partage, et la différence mettra en lumière les avantages procurés.

"La possibilité de créer une fonction prise de rendez-vous en ligne a été évoquée"

Les données personnelles ne seront pas exploitées. Nous restons donc bien dans l'esprit du notariat. Cela nous démarque beaucoup d'un certain nombre de sites. Il y aura également un espace client, sécurisé sur lequel, après avoir créé un compte avec un identifiant et un mot de passe, vous pourrez archiver un certain nombre d'actes personnels et vous pourrez également avoir accès à votre dossier en cours chez votre notaire. Et aussi avoir accès à votre compte financier personnel. Notre objectif, c'est de faire en sorte qu'Internet soit la nouvelle porte d'entrée des offices.

Est-ce qu'un outil de prise de rendez-vous en ligne est au programme ?

Nous l'avons évoqué. Nous étions en assemblée générale ces mardi 16 et mercredi 17 février. Ce n'est pas complètement finalisé mais, pour ma part, je milite pour qu'il y ait une possibilité de prise de rendez-vous quand on est au fond de son canapé, chez soi, quelle que soit l'heure et avec des plages horaires qui seraient rendues disponibles dans l'agenda des notaires. Il faut dématérialiser la relation avec nos clients. Dans la même logique, nous prévoyons aussi de mettre à leur disposition la possibilité de créer leur bail d'habitation, avec un outil dont le nom n'est pas définitivement arrêté. C'est un produit qui sera lui aussi mis en ligne d'ici à la fin de l'année. Il s'agira d'un outil très pratique qui permettra, depuis son ordinateur, de rédiger soit même un bail d'habitation sous seing privé.

"L'acte authentique électronique doit permettre, avec la visioconférence, la signature à distance"

Que de changements. Pourquoi autant et pourquoi maintenant ?

Nous avons présenté Notaviz ce mardi 16 février aux délégués du conseil supérieur du notariat, qui sont des représentants des régions au niveau national. Nous avons aussi présenté le module de création de bail d'habitation. Si toutes ces évolutions sont possibles c'est parce que, depuis 2003 et l'obtention de la signature électronique sécurisée, le notariat a bâti beaucoup d'outils qui permettent d'avoir aujourd'hui un réseau de notaires équipés et de s'ouvrir sur l'extérieur. Nous avons un réseau Intranet qui est extrêmement performant. Il fallait disposer des tuyaux pour permettre la visioconférence. Aujourd'hui, nous l'avons. L'ADN du notariat – sécurité, confidentialité, respect de la vie privée, secret professionnel – est ainsi préservé. Pour vous donner une idée du degré de sécurité en termes de signature électronique : nous sommes sur un référentiel RGS***. C'est le même que celui de la défense nationale. Nous sommes très peu à être sur ce niveau de sécurité. Les actes authentiques électroniques sont hébergés à trois endroits différents. Nous sommes sur deux plaques tectoniques. Ils sont donc beaucoup plus en sécurité que pouvait l'être un acte papier, qui était un exemplaire unique, qui allait se trouver dans des archives qui pouvaient être sujettes à un incendie, une inondation… On peut imaginer qu'un site ait un problème mais là, il y a vraiment trois sites différents qui hébergent l'ensemble des actes.

"Nous avons vraiment envie de travailler avec des start-up"

Est-ce que vous regardez du côté des start-up pour proposer de nouveaux services ?

Pour l'élaboration du site qui va permettre de rédiger les baux d'habitation, nous avons travaillé avec une start-up qui s'appelle FaberNovel. Notre objectif était de toucher une clientèle beaucoup plus jeune que notre clientèle habituelle, dans les 25/30 ans. Est-ce que nous allons créer un incubateur ? Nous n'en sommes pas là mais nous avons vraiment envie de travailler avec des start-up. Nous avons créé un socle extrêmement solide en termes de technologie sur notre cœur de métier avec le réseau, la signature électronique, l'acte authentique électronique, la dématérialisation de nos relations avec l'Etat. Désormais nous devons nous tourner vers l'extérieur et toucher une clientèle différente de celle qui peut entrer spontanément dans nos offices, qui est une clientèle, et c'est un peu logique, qui se situe dans des tranches d'âge plus élevées. Avec cette ouverture sur le net, nous allons toucher les jeunes.