Sandrine Lemery (ACPR) "La prise de conscience des assureurs sur les rendements n'est pas suffisante"

Pour le gendarme de la banque et de l'assurance, les acteurs de l'assurance-vie continuent d'offrir un rendement trop élevé, alors que les taux bas font peser un risque sur leur rentabilité future.

Sandrine Lemery, première secrétaire générale adjointe de l'ACPR. © ACPR

JDN. La baisse moyenne des fonds euros des contrats d'assurance-vie devrait atteindre 0,35 point en 2016. Est-ce suffisant vu les taux bas actuels des OAT ?

Sandrine Lemery. A l'ACPR, nous réalisons une enquête exhaustive sur les taux de revalorisation dont les résultats ne seront connus qu'à partir de juin prochain. L'estimation de la baisse qu'il nous est possible de commenter à l'heure actuelle est établie à partir des principales publications des assureurs. Celle-ci paraît de plus de 40 points pour l'ensemble du marché mais il faut attendre juin pour connaître précisément l'ampleur de la baisse.

Alors que le taux de l'OAT était de moins de 1% à 10 ans fin 2016, le niveau moyen de revalorisation des contrats en euros devrait se situer à 1,9% sur l'ensemble du marché, contre 2,3% en 2015. Mais encore une fois, il ne s'agit que d'une estimation. D'une manière générale, les assureurs communiquent davantage sur les taux des contrats phares dont les rendements sont souvent plus élevés que ceux des contrats sur lesquels ils communiquent peu.

"La baisse à l'heure actuelle paraît de plus de 40 points de base mais il faut attendre juin pour la connaître précisément"

Un assureur doit tenir ses engagements et honorer ses promesses à terme. Or, plus il donne aujourd'hui dans un contexte de taux bas, moins il pourra donner dans le futur. Bien sûr, c'est dans l'intérêt immédiat des assurés de bénéficier d'une rémunération conséquente, mais l'assureur doit pouvoir honorer ses contrats sur le long terme et constituer des provisions et des réserves pour y parvenir.

A 0,40 point de baisse, on peut dire qu'il y a eu un effort, une prise de conscience des assureurs mais celle-ci n'est pas suffisante compte tenu des retards pris les années précédentes et vu le faible niveau des taux et la possibilité qu'ils restent bas pendant encore longtemps. Bien sûr tout cela dépend de la situation individuelle de chaque assureur.

Ceux qui servent les meilleurs taux sont-ils ceux qui se trouvent dans les situations les plus favorables ?

Non, ce n'est pas corrélé. Ne serait-ce que parce que certains assureurs n'ont pas le choix. Ils doivent honorer des contrats qui contiennent une clause de participation aux bénéfices et ils ne peuvent pas faire autrement que de servir un certain taux.

"Les assureurs communiquent davantage sur les taux des contrats phares dont les rendements sont souvent plus élevés"

Nos messages répétés vis-à-vis des assureurs ont pour but d'appeler à la prudence et à la prise en compte d'un horizon de temps long. Nous essayons de faire en sorte qu'il n'y ait pas de mauvaise concurrence entre les assureurs par l'affichage de taux et qu'ils soient en capacité, sur le long terme, de servir des rendements corrects et en rapport avec l'économie.

Que pensez-vous des nouveaux acteurs tels que Yomoni, WeSave… qui ont apporté un peu de nouveauté dans un marché qui n'avait pas évolué depuis plusieurs décennies ?

A l'ACPR, nous avons mis en place un pôle Fintech, qui est un pôle d'accueil pour les nouveaux acteurs. Il a vocation à leur permettre de mieux comprendre nos attentes par rapport à la réglementation et à nous permettre de discuter avec eux sur les sujets de digitalisation des marchés. Qu'il y ait de nouveaux entrants, c'est une bonne chose. Cela aide le marché à se moderniser, à prendre en compte des nouvelles pratiques. A l'ACPR, notre rôle est de veiller à ce que les acteurs, les nouveaux comme ceux en place, tiennent leurs promesses, et ce qui les déstabilise est un facteur de risque à prendre en compte.

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