Un chœur chante généralement à l'unisson

Les fluctuations marquées des marchés étant, semble-t-il, appelées à se multiplier, il est devenu nécessaire de construire des portefeuilles capables de résister à ces événements extrêmes. Dépourvus de boule de cristal, la plupart des investisseurs ont tout intérêt à intégrer des amortisseurs de chocs peu gourmands en capital dans leurs portefeuilles sur un horizon à long terme.

De nombreux investisseurs nous ont confié que durant leur carrière ils avaient dû affronter bien plus fréquemment que prévu des évènements extrêmes censés n’arriver "qu’une fois dans une vie". Pour décrypter cette impression à l’aide de données, nous avons considéré que ces événements extrêmes correspondaient aux séances lors desquelles l’indice de la peur (le VIX) avait terminé en hausse d’au minimum cinq écarts-types. Entre 1993 et 2007, ce type de risque s’est matérialisé environ tous les deux ans. Depuis 2008, ce genre d’événement s’est concrétisé deux fois par an, soit 4 fois plus fréquemment ! Ces derniers mois, la pandémie de Covid-19 a entraîné le retournement macroéconomique et de marché le plus rapide de l’histoire, avec un nouveau record de l’indice VIX en mars 2020 (83).

Les fluctuations marquées des marchés étant semble-t-il appelées à se multiplier, il est selon nous devenu nécessaire de construire des portefeuilles capables de résister à ces événements extrêmes. Tout le monde sait qu’il est difficile de prévoir ces événements et encore plus d’ajuster rapidement la composition d’un portefeuille pour s’y préparer. Dépourvus de boule de cristal, la plupart des investisseurs ont tout intérêt à intégrer des amortisseurs de chocs peu gourmands en capital dans leurs portefeuilles sur un horizon à long terme. Nous savons de par notre expérience que cela est possible, en constituant un panier diversifié de stratégies de hedge funds capable de modeler le risque extrême d'un portefeuille et de jouer le rôle d’amortisseur lors des phases baissières prononcées.

Les avantages d’une allocation aux hedge funds en matière de construction de portefeuille sont largement acceptés, mais de nombreux portefeuilles que nous analysons sont selon nous sous-exposés à ce segment de marché, les professionnels le jugeant trop risqué. Certains hedge funds ont certes sous-performé, voire ont connu des faillites retentissantes, au plus fort de la crise financière de 2008, ou encore en mars dernier. Les investisseurs qui ont entendu parler des pertes de ces fonds, ou qui en ont souffert, pourraient tout simplement décider d’exclure tous les hedge funds de leurs portefeuilles, malgré la capacité de cette classe d'actifs à créer de la valeur. Cela est probablement dû à l’aversion au risque, c’est-à-dire cette réaction mentale qui fait que nous avons tendance à ressentir 3 fois plus intensément les pertes que des gains équivalents. Autre facteur en jeu selon nous, le biais de familiarité, à savoir la tendance à considérer les choses connues comme "inoffensives" (et inversement). 

Nous avons analysé la dispersion des performances individuelles des hedge funds sur les trois dernières années, dont le marché baissier de 2020 pour déterminer la capacité des investissements risqués dans les hedge funds à neutraliser les biais comportementaux susceptibles d’influencer l’image de la classe d’actifs auprès des investisseurs. Sur cette période, certains ont perdu jusqu’à 40%, une performance que les investisseurs ne peuvent tolérer. Mais de nombreux gérants ont toutefois enregistré des performances positives et assuré une bonne protection contre la baisse au mois de mars, preuve qu’ils portent bien leur nom ("hedge" signifie couvrir).

En outre, les caractéristiques de performance et de risque d’un portefeuille diversifié de hedge funds peuvent être plus prévisibles que celles d'un fonds individuel. Les performances historiques des hedge funds individuels sont très variables, ce qui est aussi le cas des autres classes d'actifs. En revanche, les performances des fonds de hedge funds ont été plus concentrées. Nous pensons que les portefeuilles diversifiés de hedge funds vont enregistrer une volatilité proche de 5%, un niveau plus faible que celle des actions ou des obligations à haut rendement.

Lors de la plupart des retournements de marché, les investisseurs qui étaient exposés aux actifs alternatifs ont subi des pertes plus faibles que ceux qui ne détenaient que des actions, tout en étant capables de participer aux phases de rebond ultérieures. Selon nous, les actifs alternatifs sont un support d’investissement efficace pour réduire le niveau de risque des portefeuilles, tout en restant investi.

Autrement dit, nous devons nous préparer à des nouveaux évènements extrêmes et à des épisodes inattendus de volatilité. Pour notre part, nous prévoyons une allocation de 5% à 10% à des hedge funds diversifiés, ainsi qu’une exposition raisonnable aux actifs obligataires core. La mise en œuvre des investissements dans ces hedge funds se devra d’être rigoureuse pour exploiter pleinement les atouts de cette classe d’actifs. Une stratégie diversifiée multi-stratégies vis-à-vis des hedge funds peut nous offrir la protection que nous recherchons en cas de baisse des marchés, tout en atténuant certaines des craintes qui poussaient des investisseurs à délaisser complètement cette classe d’actifs. Une analogie peut alors venir à l’esprit : une exposition largement diversifiée aux hedge funds s’apparente à un chœur, dont les fonds individuels seraient les solistes. Ce chœur est censé chanter à l’unisson, même si certains solistes font des fausses notes.