Inflation, hausse des taux… Quelles conséquences pour vos finances ?

Inflation, hausse des taux… Quelles conséquences pour vos finances ? Afin de contrer l'inflation galopante, les banques centrales revoient leur politique monétaire. Epargne de précaution, bourse, immobilier… Le Journal du Net fait le point sur les arbitrages qui vous attendent.

Prix du carburant, de l'alimentation… Vous l'avez sans doute constaté en consultant vos dernières factures, l'inflation s'est bel et bien installée. En décembre dernier, elle a atteint 2,8% sur un an en France. Selon les dernières évaluations de l'Insee, elle devrait se situer entre 3% et 3,5% dans les mois à venir. De quoi plomber le pouvoir d'achat. "L'inflation casse le pouvoir d'achat, mais également le pouvoir d'achat de l'épargne, note Marc Touati, économiste et président du cabinet ACDEFI, cabinet de conseil aux entreprises et aux professionnels de la finance. Avec un livret A à 1%, et une inflation à 3%, vous perdez de l'argent." Même son de cloche pour l'assurance-vie en fonds euros, privilégié par les épargnants pour sa garantie en capital. Dépendant des taux des emprunts d'Etat, le rendement des fonds euros continue de s'éroder. L'inflation fait désormais plonger le taux réel, à -0,5% en moyenne, si l'on se fie aux estimations d'inflation du dernier projet de loi de finances.

"La sortie de la politique monétaire s'est accélérée"

"On assiste à une forte poussée des prix, qui est induite par une hausse des prix de l'énergie : pétrole et gaz", explique Alexandre Baradez, chief market analyst chez IG France, courtier en ligne. Dans le cadre de la crise sanitaire, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a réduit la production d'or noir, et commence seulement à rouvrir les vannes. Le cours du pétrole (Brent) reste supérieur à 90 dollars. L'économie mondiale fait aussi face à des difficultés d'approvisionnement persistantes, car le transport maritime peine à se fluidifier.

Dans ce contexte, les banques centrales ont été contraintes de durcir leur rhétorique dès la fin de l'année 2021. "Nous avons connu une politique monétaire très accommodante, avec un soutien à l'économie, via des taux d'intérêt très faibles, et l'injection de liquidités très fortes, pour limiter les effets de la crise sanitaire, rappelle Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne, think tank dédié à l'épargne. Il fallait sortir de cette politique monétaire. Comme l'inflation est plus forte qu'attendue, la sortie de cette politique monétaire s'est accélérée."

Des banques centrales très prudentes

Fini le soutien à l'économie, place à la hausse des taux d'intérêt. Le président de la Fed, Jerome Powell, a indiqué que la banque centrale américaine est prête à augmenter ses taux directeurs lors de sa prochaine réunion, à la mi-mars. La Banque centrale européenne (BCE), elle, est restée mesurée. Malgré une inflation à 5,1% en zone euro, elle maintient ses taux directeurs à leur plus bas niveau historique. Sa présidente, Christine Lagarde, n'a toutefois pas exclu une hausse des taux durant l'année 2022. "Aux Etats-Unis, on assiste donc à un cycle de resserrement, tandis que la BCE procède à un cycle de recalibration, résume Frédéric Rollin de Pictet AM. L'objectif de la Banque centrale européenne est de retrouver des marges de manœuvre, beaucoup plus que de répondre à une crainte de l'inflation."

"Les banques centrales doivent surtout faire attention à ne pas aller trop vite, sous peine de casser la croissance et d'affoler les marchés", explique Alexandre Baradez d'IG France. Les marchés financiers ont d'ores et déjà réagi au changement de politique monétaire des banques centrales, à commencer par le marché obligataire. Les taux des obligations d'Etat à dix ans – en clair, le rendement de la dette des Etats – remontent. Le taux souverain français a atteint 0,76% au 11 février, un de ces niveaux les plus hauts depuis novembre 2018.

Une hausse des taux de crédit

Ces notions ne vous sont pas familières ? La remontée des taux va pourtant avoir un impact majeur, si vous projetez de réaliser des investissements immobiliers en 2022. Les taux des prêts immobiliers vont augmenter. En décembre 2021, le taux moyen des crédits immobiliers, toutes durées confondues, s'est établi à 1,06%, selon le dernier Observatoire du Crédit logement, pour le neuvième mois consécutif. Il devrait atteindre 1,3% à la fin de l'année 2022, prédisait l'économiste Michel Mouillart, lors d'une présentation presse en janvier.

Privilégiez des investissements immobiliers de qualité 

"Une légère hausse des taux d'intérêt des crédits est prévisible", confirme Philippe Crevel. Faut-il, dès lors, accélérer son projet d'achat immobilier ? "Il faut opérer ses investissements immobiliers maintenant, d'autant plus que les prix immobiliers ont cessé de grimper, souligne Marc Touati. Je pense que c'est la bonne fenêtre de tir." Le directeur du Cercle de l'Epargne, lui, reste mesuré. "Je ne pense pas qu'il faille s'alarmer : il est toujours mieux de profiter des taux d'intérêt qui restent encore extrêmement bas, mais ce qui compte c'est l'indexation de ses revenus par rapport à l'inflation, explique Philippe Crevel. Les gagnants sont ceux dont les revenus augmentent, puisque le coût des emprunts s'érode évidemment. Toute la problématique est lorsque le taux d'intérêt réel (taux obtenu après déduction du taux de l'inflation au taux d'intérêt nominal, ndlr) est positif. C'est ce que nous avons connu entre 1992 et 1997, lors de la dernière crise immobilière en France, les taux d'intérêt étaient alors à 17%. Ce n'est pas le scénario qui se profile actuellement."

"En manière d'investissement, il ne faut jamais être dirigé par des forces de panique, appuie Vincent Cudkowicz, cofondateur et directeur général de Bienprévoir.fr, société de conseil en gestion de patrimoine. Nous restons persuadés que nous évoluerons, à l'avenir, dans un univers de taux maîtrisés. Après, si on reste d'un point de vue purement patrimonial, si vous avez l'opportunité d'acheter votre résidence principale, que vous avez un bon dossier, la hausse des taux devrait entraîner un ajustement des prix immobiliers, ce qui va rendre l'accession à la propriété plus facile. Mais il ne faut pas agir dans la précipitation. Il faut s'assurer de la qualité du bien."

Des marchés financiers secoués

Philippe Parguey, directeur général de Nortia, distributeur de produits financiers pour les conseillers en gestion de patrimoine, acquiesce. "Dans les périodes de crise, il faut avoir misé sur des investissements de qualité, conseille-t-il. Par exemple, lorsqu'on investit en immobilier et qu'on achète des murs de magasin dans la banlieue d'une ville moyenne, il faut imaginer qu'en période de resserrement, ce ne sont pas les actifs qui vont le mieux résister."

Vous aviez prévu des investissements sur les marchés financiers ? Attendez-vous à ce qu'ils soient particulièrement volatils dans les mois à venir. "Ça va être les montagnes russes dans les six prochains mois", avance l'économiste Marc Touati. "La volatilité résulte d'un climat de somme de toutes les peurs : géopolitiques, monétaires, sanitaires et logistiques, analyse Alexandre Baradez d'IG France. De mon point de vue, on ne peut aller que vers du mieux dans les mois à venir. Cette somme de toutes les peurs peut toutefois aller encore un peu plus haut. Le seul risque qui persiste au premier trimestre serait une intervention de la Russie en Ukraine." "Il nous semble que l'intérêt de la Russie n'est pas d'envahir l'Ukraine, car les conséquences financières sont trop importantes, répond Frédéric Rollin de Pictet AM. On devrait aboutir soit à une forme d'accord, soit à une incursion minime des troupes russes, qui n'entraînera pas de sanctions massives de l'OTAN." 

Alexandre Baradez d'IG France reste, lui aussi, optimiste. "Pour le CAC 40, le risque ultime serait qu'on décroche à 6 500 points, avance-t-il. Il y a fort à parier qu'en réalité la situation se consolide. Nous ne sommes pas à l'abri de voir l'indice dépasser les 8 000 points, car tout l'argent injecté par les banques centrales n'aura pas été drainé. Il faut vraiment qu'il y ait un accident de politique monétaire, un risque géopolitique…Même si on flirte avec la récession, on ne risque pas de crise comme les subprimes. Il n'y a pas les fondements de cela aujourd'hui."

Etre sélectif et diversifier

Si les professionnels que nous avons contactés anticipent une forte volatilité des marchés, ils restent toutefois mesurés. "Il ne faut pas oublier que, sur le long terme, les marchés financiers restent le meilleur placement", rappelle Marc Touati. Philippe Parguey acquiesce : "C'est un monde d'opportunités qui s'ouvre". Toute la difficulté va consister à être "agile", estime le directeur général de Nortia. Objectif, identifier les secteurs qui pourront bénéficier de la reprise économique (tourisme, aéronautique…) et ceux qui pourront tirer profit de l'inflation (les banques par exemple).

Gardez un horizon à long terme pour éviter de paniquer aux moindres fluctuations du marché

"Il va falloir être davantage sélectif au niveau des actions, pour voir quels sont les secteurs qui peuvent le mieux challenger l'inflation", estime donc le directeur du Cercle de l'Epargne, Philippe Crevel. "Plus qu'être sélectif, il convient de diversifier davantage. Cela permet de passer un cap sans trop de risques, lui répond Frédéric Rollin de Pictet AM. Nous, on considère que ces niveaux de marché sont plutôt une opportunité de se réinvestir, parce que c'est le fondamental qui prime, et le fondamental, c'est la croissance économique. Je dirais : pas de panique."

L'agitation des marchés financiers vous donne des sueurs froides ? Rappelez-vous que le risque fait partie du jeu, et qu'il est nécessaire de garder la tête froide pour viser à long terme. "Lorsqu'on investit en Bourse, c'est sur un horizon de huit ans, martèle Vincent Cudkowicz, cofondateur de Bienprévoir.fr. "Le meilleur conseil que l'on puisse donner, c'est de gérer ses émotions, soutient Thomas Perret, fondateur de la start-up Mon Petit Placement, fintech qui désire démocratiser l'investissement sur les marchés financiers. Cela peut passer par un professionnel, qui va rétablir une forme de rationalité."