Aux Etats-Unis comme en Europe, le développement
des offres "premiums" parmi les services gratuits de messagerie
en ligne est en pleine explosion. Cherchant une diversification
de leurs sources de revenus, afin de diluer l'éventuel manque
à gagner de l'e-pub, bon nombre d'acteurs du marché
lancent des offres payantes de messagerie. Entre septembre 2001
et avril 2002, le service d'information anglophone EmailAddresses.com
recense pas moins de quinze annonces dans ce sens.
Aux Etats-Unis,
pays d'où est parti le mouvement, le sujet est toujours d'actualité.
Après Yahoo Mail et Hotmail, qui ont ouvert
la brèche, Terra Lycos vient d'annoncer l'arrivée
prochaine d'un service mail premium. Le quatrième portail
américain devrait proposer à ses 72 millions d'utilisateurs
des options payantes liées notamment à la capacité
de stockages de mails et à une absence totale de publicité.
AltaVista.com, en plein recentrage sur les activités
de recherche, a opté pour une solution encore plus radicale :
depuis fin mars, son service mail, qui disposait de 400 000
abonnés aux Etats-Unis, a été fermé.
Si les portails américains ont
dégainé les premiers sur le mail premium, aucune information
-ou preque- ne filtre sur les taux de conversion gratuit-payant.
Lisa Pollock, représentante de Yahoo Etats-Unis, récemment
intérrogée par USA Today, s'est contentée
de déclarer qu'elle était "agréablement
surprise" par le nombre d'internautes ayant accepté
le service facturé de re-routage des mails Yahoo vers un
compte courrier POP. Si le passage au payant demande du temps pour
être confirmé, ou non, reste à savoir si les
services mails premiums feront mieux que la moyemme. Aux Etats-Unis,
selon Borrel Associates, le taux de conversion gratuit-payant, tous
services confondus, serait de 2,6 %.
Le phénomène du mail
premium touche également les "pure-players" de
la messagerie gratuite. L'année dernière, Usa.net
a arrêté son offre gratuite de messagerie en ligne
destinée au grand public. Un changement de cap qui implique
des répercussions parmi les partenaires de la société,
positionnée en parallèle comme fournisseur B to
B de services mails. L'offre de messagerie gratuite co-brandée
Usa.net/American Express (AmExmail) va être suspendue
fin mai. Pour accéder au service à partir de juin,
les utilisateurs seront invités à verser 29,99 dollars
par an.
Dans l'ombre des grands portails,
des start-ups estiment que ce passage au payant est au contraire
une véritable opportunité. C'est le parti pris par
Ethan Diamond et Iain Lamb, deux programmeurs américains
qui ont lancé le service "haut de gamme" Oddpost.com.
Celui-ci propose une interface Web quasi-similaire à celle
d'un compte POP facturée 30 dollars l'année.
En Europe, les annonces se multiplient
depuis la rentrée 2001. Au début du mois, dans un
message diffusé à l'ensemble de ses abonnés,
le service européen NamePlanet, qui propose des adresses
mails personnalisées, a annoncé son passage au payat.
La société justifie cette décision en expliquant
que son "projet initial était d´offrir ce service gratuitement
à nos membres Malheureusement, dans la conjoncture d´Internet actuelle,
nos recettes publicitaires ne suffisent pas à couvrir les coûts
liés à la fourniture de ces prestations." Le service de messagerie
en ligne, lancé en Norvège en 1999, puis devenu européen
en février 2000, va néanmoins conserver un offre de
base gratuite avec 2 mégaoctets de stockage. Mais une fois
ce plafond dépassé, les internautes basculent en mode
payant.
L'exemple de NamePlanet n'est pas
unique en Europe. Au Royaume-Uni, Another.com, un site très
populaire parmi les internautes britanniques, a enclenché
son plan premium. Les 1,4 million d'utilisateurs
ont le choix entre deux formules d'abonnement : 15 livres sterling
pour un an ou 1,50 livre sterling par mois.
En France, à l'exception de Yahoo
qui a annoncé le lancement pour la fin du deuxième
trimestre de la déclinaison américaine de Yahoo Storage,
les portails restent prudents sur les options premiums de messagerie.
Le portail multi-services iFrance (Vivendi Universal Net)
a récemment ouvert la nouvelle version de son service de
messagerie. Aucune trace de premium n'y est décelable. Cette stratégie
du "wait and see" peut se justifier par le manque de maturité
éventuel du marché français : en mars dernier,
dans un sondage JDNet, 12,7 % des lecteurs acceptaient l'idée
de payer un service type Webmail s'il était de qualité
et si le prix était abordable. Une équation qui demande
du travail.
[Philippe Guerrier, JDNet]