ADSL : pourquoi
la France est en retard
Par le JDNet
(Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0205/020514adsl2.shtml
Mardi 14 mai 2002
(Article modifié le 16/05/02)
Grande distribution, automobile ou haut débit, les recettes
commerciales du succès restent les mêmes : des
prix attractifs, un service séduisant, disponible partout.
Oui, mais... Il y a ceux qui appliquent la leçon et ceux
qui, faute d'univers concurrentiel, la négligent. A
ce petit jeu, selon le rapport annuel Point Topic sur le marché
de l'ADSL, la zone Asie-Pacifique fait figure de bon élève
avec un total 7,948 millions d'abonnés. Un record.
Pour
la France et l'Europe, c'est une autre paire de manches. Avec ses
4,245 millions d'abonnés ADSL, le Vieux Continent est une
terre de contrastes en matière de haut débit téléphonique.
Si certains pays comme le Danemark, la Belgique et l'Allemagne figurent
parmi les "success stories" de l'ADSL, le gros des troupes
européennes, à l'image de la France, se retrouve englué
dans des marchés aux mensurations balbutiantes. Une simple
comparaison permet de traduire le décalage : tandis que la
Corée du Sud caracole en tête avec un taux de pénétration
de l'ADSL de 10,95%, la France plafonne à 0,71%, soit la
dix-neuvième place mondiale. Le meilleur pays européen,
le Danemark, situé à la cinquième place mondiale,
enregistre un taux de pénétration de 2,85%.
Classement
européen des taux de pénétration ADSL
(source Point Topic - janvier 2002)
|
Pays |
Taux
de pénétration ADSL
(en
%)
|
Nombre d'abonnés ADSL
(en
million)
|
Danemark |
2,85
|
0,152
|
Belgique |
2,76
|
0,280
|
Suède |
2,18
|
0,194
|
Allemagne |
2,23
|
1,837
|
Autriche |
1,41
|
0,115
|
Norvège |
1,16
|
0,050
|
Espagne |
0,95
|
0,376
|
Pays-Bas |
0,92
|
0,146
|
France |
0,71
|
0,430
|
Italie |
0,67
|
0,390
|
Suisse |
0,56
|
0,040
|
Luxembourg |
0,45
|
0,002
|
Royaume-Uni |
0,24
|
0,142
|
Portugal |
0,02
|
0,002
|
Le
poids des opérateurs historiques européens
|
Pourquoi un tel écart entre
l'Asie et l'Europe ? Face à une dérégulation
du secteur des télécoms qui patine, tous les pays
européens, ou presque, affichent un point commun : le
poids prédominant des opérateurs historiques. Selon
Point Topic, 88,1% du marché européen de l'ADSL serait
détenu directement par les opérateurs nationaux. Le
reste du marché se partage entre des offres FAI basées
sur la vente en gros de trafic ADSL par les opérateurs historiques
(8,9%) et quelques offres d'accès réellement développées
à partir du dégroupage (3,1%, essentiellement en Allemagne
et au Danemark). La situation que doit affronter Korea Telecom
en Corée du Sud est bien différente. Sur un marché
national total de 5,17 millions d'abonnés ADSL, l'opérateur
ne capte "que" 3,34 millions d'abonnés, 1,8 million
partant à la concurrence.
Cette prédominance des opérateurs
historiques sur le marché européen, estime le rapport,
ne favorise pas la pression concurrentielle. Donc, une guerre des
prix. Certes Deutsche Telekom et Belgacom se sont
montrés plus véloces en attaquant le marché
avec des tarifs davantage accessibles, inférieurs à
45 dollars par mois. Mais ces exceptions confirment la règle :
alors que les opérateurs
asiatiques ont largement dopé leur marché ADSL avec
des abonnements planchers (entre 20 et 40 dollars par mois), les
européens continuent d'afficher des tarifs mensuels situés
dans la fourchette des 40-75 dollars.
Des
offres ADSL encore trop chères
|
Au classement mondial des tarifs pratiqués
par les quatorze principaux opérateurs ADSL, France
Télécom arrive en dixième position avec
un coût mensuel de base de 50,88 dollars, coût d'installation
et coût matériel compris. Tout comme Telefonica,
Telecom Italia et BT, l'opérateur historique
français se caractérise par des coûts d'installation
(ou d'acquisition du pack d'abonnement) supérieurs à
130 dollars (140 dollars). De quoi rebuter l'internaute qui vient,
en plus, de s'offrir un ordinateur pour faire ses premiers pas dans
le cyber-monde... Et pourtant,
ces mêmes opérateurs européens, lorsqu'ils sont
soumis à une pression concurentielle, sont capables de faire
des étincelles. Le marché de la téléphonie
mobile, sur lequel la France affichait en 1998 un retard initial,
a été largement soutenu par la surenchère sur
les packs GSM gratuits.
Comparaison
des tarifs ADSL de base pratiqués
par les principaux opérateurs
(source Point Topic - janvier 2002)
|
Pays |
Opérateur |
Coût
d'installation
(en
dollars)
|
Coût
matériel (en
dollars)
|
Coût
global par mois*
(en
dollars)
|
Débit
(en
Kbits)
|
Japon |
Yahoo
Japan |
68,64
|
0,00
|
23,50
|
2 000
|
Canada |
Bell
Canada |
15,75
|
0,00
|
29,64
|
1 000
|
Corée
du Sud |
Korea
Telecom |
0,00
|
0,00
|
31,29
|
2 000
|
Taïwan |
Chunghwa |
48,65
|
0,00
|
41,23
|
512
|
Belgique |
Belgacom |
16,67
|
78,07
|
42,58
|
750
|
Allemagne |
Deutsche Telekom
|
45,24
|
0,00
|
43,23
|
768
|
Italie |
Telecom Italia |
135,79
|
0,00
|
46,36
|
256
|
Japon |
NTT |
29,91
|
0,00
|
47,35
|
--
|
Etats-Unis |
Verizon |
0,00
|
0,00
|
49,95
|
768
|
France |
France
Télécom |
132,39
|
0,00
|
50,88
|
500
|
Etats-Unis |
SBC |
50,00
|
0,00
|
54,12
|
768
|
Pays-Bas |
KPN |
29,85
|
122,81
|
56,73
|
512
|
Royaume-Uni |
BT |
91,81
|
120,06
|
60,01
|
500
|
Espagne |
Telefonica |
134,44
|
0,00
|
76,98
|
512
|
* : Le coût global par mois
correspond à l'abonnement mensuel auquel s'ajoutent le coût
d'installation et le coût matériel amortis sur une
période de 12 mois.
Les succès du Japon (1,510 million
d'abonnés en plus en un an) et de la Corée du Sud
sur l'ADSL, construits sur des abonnements aux prix attractifs (23,50
et 31,39 dollars par mois), confirment le rôle essentiel de
la tarification dans l'essor du haut débit. Depuis
la réalisation du classement Point Topic, effectué
en début d'année, le message semble avoir été
reçu -pour partie- chez France Télécom.
Sous la pression commerciale de Club-Internet, qui offre le modem
haut débit à ses nouveaux abonnés, Wanadoo
a réduit en février dernier de 45 euros le prix de
son pack ADSL, soit un nouveau coût global mensuel de 47,92
en dollars constants. Un tarif qui permet à France Télécom
de décrocher la neuvième place du classement, derrière
NTT.
Mais le différentiel tarifaire
entre l'Asie et l'Europe masque une autre problématique :
celle de la qualité de l'offre. Yahoo Japan et Korea
Telecom, qui ont noué des partenariats très forts
avec leurs équimentiers télécoms (tant sur
les coûts que sur les technologies), commercialisent des débits
de base de 2 Mbits. En Europe, les offres de base proposent des
flux compris entre 256 et 768 Kbits. Telecom Italia, BT
et France Télécom ferment ici la marche avec
des offres d'entrée de gamme à 256 et 500 Kbits. Si
ces débits permettent aux abonnés de se libérer
de la lenteur du modem téléphonique, ils n'offrent
pas, contrairement à l'Asie, un fort potentiel de consommation
des contenus multimédias (musique, vidéo, streming...).
Pourtant, cette même consommation multimédia est en
Asie la meilleure publicité pour le développement
commercial de l'ADSL.
60 %
du territoire couvert
|
Autre aspect que soulève le
rapport Point Topic : la couverture ADSL. Tandis que le Danemark,
la Belgique ou l'Allemagne affichent des taux de pénétration
ADSL tous supérieurs à 2 % (lire les classements
mondiaux), la France apparaît en très
net retrait avec 430 000 abonnés au début de
l'année. Or, au plan européen, France Télécom
se classe parmi les retardataires en matière de déploiement
ADSL. Fin 2001, l'opérateur disposait d'un taux de couverture
national de 60 %. Une performance bien en-dessous de Deutsche
Telekom ou de Belgacom qui sont à 90 % et
plus.
Comparaison
des taux de couverture ADSL des opérateurs européens
(source Point Topic - fin 2001)
|
Pays |
Opérateur |
Date
de lancement de l'offre
|
Taux
de couverture ADSL sur le réseau
|
Nombre
de lignes ADSL déployées
|
Belgique |
Belgacom |
T2 1999
|
92 %
|
5,142
|
Allemagne |
Deutsche Telekom
|
T2 1999
|
90 %
|
48,500
|
Espagne |
Telefonica |
T3 1999
|
88 %
|
16,480
|
Danemark |
Tele Danmark |
T4 1999
|
83 %
|
3,638
|
Italie |
Telecom Italia |
T1 2000
|
80 %
|
26,506
|
Royaume-Uni |
BT |
T2 2000
|
70 %
|
33,750
|
Autriche |
Telekom Austria
|
T4 1999
|
70 %
|
3,863
|
Suède |
Telia |
T2 1999
|
70 %
|
5,889
|
France |
France
Télécom |
T4
1999
|
60 %
|
34,100
|
Pays-Bas |
KPN |
T4 1999
|
55 %
|
9,610
|
Tarifs, niveau de débit, taux
de couverture... L'opérateur français a encore du
pain sur la planche. L'année dernière, pendant que
Deutsche Telekom enregistrait une croissance de 900 % de son nombre
d'abonnés ADSL, France Télécom affichait une
progression de 590 % (Ndlr : et non pas, après vérification
des chiffres officiels, 64 % comme précédemment
indiqué). Il y a donc urgence. A terme, c'est le périmètre
même du marché Internet hexagonal qui est en jeu.
[Ludovic Desautez, JDNet]
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