Spécial
Moteurs de recherche
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Quand l'un des portails stars de l'Internet
mondial mène une consultation pour savoir quel sera son prochain
"motoriste", la tension monte parmi les spécialistes
de la recherche. D'ici la fin juin, Yahoo devrait annoncer le nom
de celui qui aura le quasi privilège d'être son moteur
de recherche intégré. A la clef, pour l'heureux élu,
un contrat annuel évalué à 20 millions de dollars
par la banque d'affaires Bear Stearns, un accès direct à
plus de 25 pays et à une audience mondiale mensuelle de 125,8
millions de visiteurs uniques (source Nielsen//NetRatings, avril
2002). Ajoutés à la notoriété naturelle
de Yahoo, client que chacun hisse bien en vue dans la liste de ses
références, tous ces éléments ont de
quoi accélérer la carrière d'un moteur.
Depuis
deux ans, cette place de motoriste est détenue par Google.
Avant lui, se sont succédés à ce poste AltaVista,
jusqu'en 1998, et Inktomi, jusqu'en 2000. Entre le souci de s'offrir
le meilleur moteur du moment et la crainte de voir le partenaire
sortant devenir un portail à part entière, Yahoo a
préféré changer de cavalière tous les
deux ans. Le cas d'AltaVista est exemplaire : en juin 1998,
Yahoo n'a pas renouvelé son contrat avec le moteur pionnier
qui commence à démontrer quelques velléités sur le
marché des portails. Un an plus tard, en juin 1999, AltaVista
est racheté par CMGI à Compaq qui souhaite en faire
un portail alternatif face à Yahoo omnipotent.
Pour l'appel d'offres 2002, quatre
prétendants sont aujourd'hui identifiés. Trois anciens
motoristes de Yahoo et un nouveau venu seraient en lice pour décrocher
le poste, dont la mission s'est désormais élargie
avec l'avénement des liens et des mots-clefs sponsorisés :
Google : la star qui agace. Installé depuis 2000
dans le rôle du moteur de recherche officiel de Yahoo, Google
a connu depuis une accélération phénoménale en notoriété
et en trafic. Selon une étude réalisée par
WebSideStory en avril dernier, Google est passé au cours de cette
période de 1 à 32 % de part de marché sur le trafic
mondial généré par les outils de recherche. Yahoo a pendant ce temps
fait le chemin inverse en voyant sa part de marché reculer de 46 %.
Avec près de deux milliards de pages indexées, un
culte voué à l'innovation permanente et des internautes
devenus pour certains des aficionados, Google reste la référence
sur le marché. Mais sa prise de poids sur le trafic et ses
récents accords de motorisation signés avec Earthlink
et AOL aux Etats-Unis pourraient motiver Yahoo à choisir
un partenaire plus discret.
Fast : l'étoile montante. Pour les spécialistes
du secteur de la recherche, Fast pourrait être "l'acteur
qui crée la surprise". Cette société norvégienne,
cotée à la Bourse dOslo depuis juin 2001, est l'une
des pépites du marché des moteurs de recherche. Très
discrète, la société s'est spécialisée
dans les offres de motorisation en marque blanche. Fast équipe
aujourd'hui Terra Lycos, eBay, Tiscali ou encore T-Online. En tout,
70 millions d'internautes dans le monde utilisent ce moteur dont
l'index chatouille le milliard de pages. Anonyme et très
actif sur le plan de la R&D (la société est une
excroissance de l'Université norvégienne de sciences
et technologie), Fast pourrait séduire un Yahoo qui aime
rester maître à bord. Mais pour réussir ce changement,
il faudra persuader la famille des internautes "Google-centric".
Inktomi : le réincarné. Avec plus d'un milliard de pages dans
son index, Inktomi a depuis deux ans déployé ses services
de recherche dans l'univers professionnel en équipant des
intranets, notamment dans le cadre des solutions Yahoo pour les
portails d'entreprise. Inktomi a aujourd'hui la préférence
des analystes financiers pour reprendre la place qu'il a cédée
à Google il y a deux ans. En avril dernier, Yahoo a renouvelé
son contrat de trois ans avec Overture sur les mots-clefs sponsorisés.
Un accord qui, par nature, ferme la porte à la propre offre
de Google dans ce domaine baptisée "AdWords". Or chez AOL
Etats-Unis, avant l'arrivée de Google début mai, Overture
et Inktomi travaillaient en duo.
AltaVista : le vieux routard. AltaVista n'a plus à faire
ses preuves sur le marché de la recherche avec son index
supérieur au milliard de pages. Moins véloce que Google
ou Fast, le moteur a vécu une période de pénitence
après avoir partagé un bout de chemin avec Yahoo.
Suite à sa carrière de portail, AltaVista est même
passé à deux doigts de la disparition pure et simple.
Aujourd'hui, la société est revenue à son activité
d'origine : le moteur. Peu d'observateurs imaginent que Yahoo
opte pour ce retour aux sources, même si AltaVista est sans
nul doute prêt à de grands sacrifices pour retrouver
un tremplin.
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Reste que les facteurs technologiques,
commerciaux et stratégiques ne sont pas les seuls à
prendre en compte dans cet appel d'offres. Les liens qui unissent
les deux partenaires actuels, Google à Yahoo, sont également
de nature financière et humaine. Le portail disposerait aujourd'hui
d'une participation d'environ 5 % dans le capital du moteur
de recherche. Une information que Yahoo n'a jamais confirmée
ou démentie. A ce lien capitalistique s'ajoutent des relations
étroites, voire amicales, entre David Filo, cofondateur de
Yahoo, et le tandem Larry Page - Sergey Brin, les deux créateurs
de Google. Cette proximité s'est traduite depuis 1998 par
plusieurs offres de rachat de Yahoo sur Google. Le sujet est devenu
un véritable serpent de mer : pas un trimestre ne se
passe aux Etats-Unis sans que des sources "bien informées"
annoncent que Yahoo serait sur le point d'acquérir Google.
Fin juin, les fiançailles seront rompues ou confirmées.
[Ludovic Desautez, JDNet]