Trois moteurs pour déloger Google de chez Yahoo
Par le JDNet (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0206/020613yahoo.shtml
Jeudi 13 juin 2002

Spécial Moteurs de recherche

Quand l'un des portails stars de l'Internet mondial mène une consultation pour savoir quel sera son prochain "motoriste", la tension monte parmi les spécialistes de la recherche. D'ici la fin juin, Yahoo devrait annoncer le nom de celui qui aura le quasi privilège d'être son moteur de recherche intégré. A la clef, pour l'heureux élu, un contrat annuel évalué à 20 millions de dollars par la banque d'affaires Bear Stearns, un accès direct à plus de 25 pays et à une audience mondiale mensuelle de 125,8 millions de visiteurs uniques (source Nielsen//NetRatings, avril 2002). Ajoutés à la notoriété naturelle de Yahoo, client que chacun hisse bien en vue dans la liste de ses références, tous ces éléments ont de quoi accélérer la carrière d'un moteur.

Depuis deux ans, cette place de motoriste est détenue par Google. Avant lui, se sont succédés à ce poste AltaVista, jusqu'en 1998, et Inktomi, jusqu'en 2000. Entre le souci de s'offrir le meilleur moteur du moment et la crainte de voir le partenaire sortant devenir un portail à part entière, Yahoo a préféré changer de cavalière tous les deux ans. Le cas d'AltaVista est exemplaire : en juin 1998, Yahoo n'a pas renouvelé son contrat avec le moteur pionnier qui commence à démontrer quelques velléités sur le marché des portails. Un an plus tard, en juin 1999, AltaVista est racheté par CMGI à Compaq qui souhaite en faire un portail alternatif face à Yahoo omnipotent.

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Pour l'appel d'offres 2002, quatre prétendants sont aujourd'hui identifiés. Trois anciens motoristes de Yahoo et un nouveau venu seraient en lice pour décrocher le poste, dont la mission s'est désormais élargie avec l'avénement des liens et des mots-clefs sponsorisés :

Google : la star qui agace. Installé depuis 2000 dans le rôle du moteur de recherche officiel de Yahoo, Google a connu depuis une accélération phénoménale en notoriété et en trafic. Selon une étude réalisée par WebSideStory en avril dernier, Google est passé au cours de cette période de 1 à 32 % de part de marché sur le trafic mondial généré par les outils de recherche. Yahoo a pendant ce temps fait le chemin inverse en voyant sa part de marché reculer de 46 %. Avec près de deux milliards de pages indexées, un culte voué à l'innovation permanente et des internautes devenus pour certains des aficionados, Google reste la référence sur le marché. Mais sa prise de poids sur le trafic et ses récents accords de motorisation signés avec Earthlink et AOL aux Etats-Unis pourraient motiver Yahoo à choisir un partenaire plus discret.

Fast : l'étoile montante. Pour les spécialistes du secteur de la recherche, Fast pourrait être "l'acteur qui crée la surprise". Cette société norvégienne, cotée à la Bourse dOslo depuis juin 2001, est l'une des pépites du marché des moteurs de recherche. Très discrète, la société s'est spécialisée dans les offres de motorisation en marque blanche. Fast équipe aujourd'hui Terra Lycos, eBay, Tiscali ou encore T-Online. En tout, 70 millions d'internautes dans le monde utilisent ce moteur dont l'index chatouille le milliard de pages. Anonyme et très actif sur le plan de la R&D (la société est une excroissance de l'Université norvégienne de sciences et technologie), Fast pourrait séduire un Yahoo qui aime rester maître à bord. Mais pour réussir ce changement, il faudra persuader la famille des internautes "Google-centric".

Inktomi : le réincarné. Avec plus d'un milliard de pages dans son index, Inktomi a depuis deux ans déployé ses services de recherche dans l'univers professionnel en équipant des intranets, notamment dans le cadre des solutions Yahoo pour les portails d'entreprise. Inktomi a aujourd'hui la préférence des analystes financiers pour reprendre la place qu'il a cédée à Google il y a deux ans. En avril dernier, Yahoo a renouvelé son contrat de trois ans avec Overture sur les mots-clefs sponsorisés. Un accord qui, par nature, ferme la porte à la propre offre de Google dans ce domaine baptisée "AdWords". Or chez AOL Etats-Unis, avant l'arrivée de Google début mai, Overture et Inktomi travaillaient en duo.

AltaVista : le vieux routard. AltaVista n'a plus à faire ses preuves sur le marché de la recherche avec son index supérieur au milliard de pages. Moins véloce que Google ou Fast, le moteur a vécu une période de pénitence après avoir partagé un bout de chemin avec Yahoo. Suite à sa carrière de portail, AltaVista est même passé à deux doigts de la disparition pure et simple. Aujourd'hui, la société est revenue à son activité d'origine : le moteur. Peu d'observateurs imaginent que Yahoo opte pour ce retour aux sources, même si AltaVista est sans nul doute prêt à de grands sacrifices pour retrouver un tremplin.

Spécial Moteurs de recherche

Reste que les facteurs technologiques, commerciaux et stratégiques ne sont pas les seuls à prendre en compte dans cet appel d'offres. Les liens qui unissent les deux partenaires actuels, Google à Yahoo, sont également de nature financière et humaine. Le portail disposerait aujourd'hui d'une participation d'environ 5 % dans le capital du moteur de recherche. Une information que Yahoo n'a jamais confirmée ou démentie. A ce lien capitalistique s'ajoutent des relations étroites, voire amicales, entre David Filo, cofondateur de Yahoo, et le tandem Larry Page - Sergey Brin, les deux créateurs de Google. Cette proximité s'est traduite depuis 1998 par plusieurs offres de rachat de Yahoo sur Google. Le sujet est devenu un véritable serpent de mer : pas un trimestre ne se passe aux Etats-Unis sans que des sources "bien informées" annoncent que Yahoo serait sur le point d'acquérir Google. Fin juin, les fiançailles seront rompues ou confirmées.

[Ludovic Desautez, JDNet]