Disparition de la bulle Internet et
du cybersquatting aidant, la folie des ".com" n'aura duré
que 18 mois. Après un engouement marqué pour l'enregistrement
de noms de domaines en tout genre au cours de l'année 2000
et début 2001, la tendance s'est brutalement depuis l'été
dernier. Le tout premier registrar
mondial, VeriSign, a ainsi enregistré près de 1,3
million de noms de domaines non renouvelés rien qu'en décembre
dernier. Selon le baromètre édité par le site
américain State of the Domain (SnapNames.com), pour les dix
premiers registrars de la planète, ce
sont ainsi 2,37 millions de noms de domaines qui ont été
supprimés sur l'ensemble de l'année 2001 Un temps
paranoïaques sur Internet, les entreprises délaissent peu
à peu les multiples URL achetées, comme autant de
pions défensifs, pour se centrer sur les adresses les plus
viables.
Les
dépôts et les suppressions de noms de domaines
".com", ".org" et ".net" dans
le monde en 2001
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Source :
State of the Domain (SnapNames), www.sotd.info
Après
un pic en décembre 2001, ce mécanisme d'épuration
poursuit son bonhomme de chemin en 2002. En moyenne, 10 000
noms de domaines en ".com" sont supprimés chaque
jour sur Internet depuis janvier dernier. Sur les quatre premiers
mois de l'année, le nombre total de noms de domaines en ".com"
a baissé de 6 %, tandis que les ".net" et
".org" ont reculé de 7,4 % sur la même
période. Une bascule complète : en pleine euphorie
Internet, fin 2000, pas moins de
20.000 noms de domaines étaient déposés chaque
jour dans le monde.
Du côté de l'extension française,
la situation s'avère différente. Le ".fr"
ne connaît pas pour l'instant de réduction de son périmètre.
Il continue même à croître doucement avec environ
1 000 nouveaux noms déposés d'un mois sur l'autre.
"Les '.fr' sont des noms de domaine opérationnels dont
le mode d'enregistrement assure la qualité des souscripteurs,
explique Marine Chantreau, responsable de la communication de l'Afnic,
l'association française pour le nommage Internet en coopération.
Les personnes qui font la démarche de déposer un nom
de domaine en '.fr' ont l'intention de l'exploiter. En revanche,
nous avons enregistré plus de 5 000 suppressions pour
les extensions '.nom.fr' qui avaient été proposées
gratuitement pendant un an. Au moment du renouvellement, les particuliers
n'ont pas suivi." Entre le mois de septembre 2001 (9 384
noms enregistrés) et le mois de juin (3 765), plus de
5 600 noms de domaines en ".nom.fr" sont ainsi retombés
dans le domaine public.
Evolution du nombre de
noms de domaines
en CNO (".com", ".net", ".org")
et ".fr"
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"
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".com"
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".net"
|
".org"
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".fr"
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Noms de domaines
déposés en avril 2002
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21,44 millions
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3,68 millions
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2,36 millions
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151.550
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Noms de domaines
déposés fin décembre 2001
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22,77 millions
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4,03 millions
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2,52 millions
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147.617
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Noms de domaines
déposés fin décembre 2000
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20,82 millions
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3,92 millions
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2,47 millions
|
115.700
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Source :
State of the Domain (SnapNames), www.sotd.info et l'Afnic
Le cas de l'Afnic avec l'extension ".nom.fr"
est loin d'être unique. De manière générale,
ce sont principalement les noms de domaine obtenus grâce à
des offres promotionnelles qui nourrissent aujourd'hui le bataillon
des URL abandonnées, quelle que soit l'extension en jeu.
Très logiquement, les registrars qui ont le plus usé
de ce procédé accusent depuis un an les contractions
d'activité les plus marquées. Register.com a par exemple
perdu 17,4 % de sa base de noms de domaine CNO (".com", ".net"
et ".org") enregistrés entre les mois novembre et d'avril
derniers. Pour ces acteurs, la question de la rentabilité
se pose de plus en plus crûment.
"L'activité de registrar n'a
jamais été très rentable, estime Loïc
Damilaville, co-fondateur de CVFM. Aujourd'hui, seulement trois
des principaux registrars gagnent de l'argent. Mais cela devient
de plus en plus difficile. Il leur faut trouver des produits de
substitution pour pallier cette baisse des revenus sur l'achat et
le renouvellement de noms de domaines. Certains se tournent vers
le conseil en marque, mais leur crédibilité est limitée
puisqu'ils ne sont pas neutres et qu'ils ont moins de légitimité
que les véritables cabinets en propriété intellectuelle.
D'autres suivent les traces de Verisign et ont opté pour
des services à valeur ajouté comme la sécurisation
et l'authentification. Cela me semble être une bonne voie
car les registrars possèdent un savoir-faire technologique
très développé sur lequel ils peuvent s'appuyer
en toute légitimité."
Un temps, les registrars ont espéré
endiguer la baisse des enregistrements grâce aux nouvelles
extensions créées par l'ICANN.
Mais ce nouvel eldorado a bien vite été battu en brèche.
Les extensions "BIN" (".biz", ".info"
et ".name") ne rencontrent pas le succès attendu,
loin de là. Au mois d'avril, le consortium Afilias, en charge
de la gestion des ".info", a enregistré moins de
1 000 nouveaux noms par jour. NeuLevel, pour les ".biz",
affichait de son côté 700 nouveaux noms par jour et
GNR, pour les ".name", 125.
Derrière les "BIN",
d'autres nouvelles extensions se présentent d'ores et déjà
comme de véritables fiascos. Les noms de domaines accentués,
pourtant tant annoncés, ne sont toujours pas opérationnels.
Quant à la ruée sur les ".coop", elle n'a
jamais eu lieu. 5 000 de ces extensions auraient été
enregistrées aux Etats-Unis depuis le lancement fin janvier
2002. Le futur ".eu" (pour Europe), prévu pour
2003, devra donc trouver une valeur ajoutée suffisamment
intéressante pour inciter les sociétés à
ajouter cette extension à leurs ".com" et ".fr".
Du côté du cybersquatting,
la tendance est là aussi à un ralentissement. Même
si un quart des sociétés du CAC 40 ont laissé
passer leur URL en ".us" (pour USA), ce passe-temps a
de moins en moins d'adeptes. Les pirates du nommage ont compris
que les protections juridiques devenaient de plus en plus efficaces
envers les propriétaires légitimes. Selon l'Ompi (Organisation
mondiale de la propriété intellectuelle), le nombre de litiges traités
sur les ".com", ".net" et ".org" a
décru de 16 % en 2001. L'année dernière, 6 000
noms de domaines ont été traités par l'Ompi, en majorité des ".com".
Dans 95 % des cas, les décisions ont été rendues en faveur
des détenteurs de marques.
[Florence Santrot, JDNet]