L'imagination ne manque désormais pas
aux députés américains quand il s'agit de réguler
les débordements de l'Internet. Certains ont proposé
de criminaliser les fausses déclarations dans les fiches d'inscription
de nom de domaines. Mais l'histoire informatique retiendra plutôt
le projet de Howard Berman, député démocrate
du district de Los Angeles (Hollywood n'est pas loin). Son idée ?
Autoriser labels de musique et studios de cinéma à inspecter
ordinateurs et serveurs pour y interdire, détruire, bloquer
ou neutraliser les fichiers illégaux, téléchargés
notamment depuis les réseaux peer-to-peer. Bref, "pirater
les pirates".
Cette proposition de loi, qu'a pu consulter le site CNet,
délierait les mains de la Motion Picture Association of American
(MPAA) et de la Recording Industry Association of America (RIAA),
puissants lobbies industriels en guerre depuis plus de trois ans
contre le piratage musical et vidéo qui, au-delà des
moyens juridiques, ne voient comme moyen de lutter contre des réseaux
peer-to-peer éternellement recomposés que la contre-attaque
technologoqique.
Le projet de Howard Berman protège
soigneusement les pirates "officiels" dont les techniques
précises d'intervention, comme les "Cuckoo Eggs"
ou les solutions d'Overpeer pour rajouter du bruit aux fichiers,
seraient communiquées aux seuls procureurs fédéraux,
tenus au secret professionnel. Et
si destructions inexpliquées de fichiers privés il
y a, le particulier ne pourra poursuivre les auteurs qu'à
condition de prouver que le montant des dommages dépasse
250 dollars.
Avec le renouvellement partiel du Sénat
américain, Démocrates et Républicains s'empressent
de montrer leur efficacité dans la lutte anti-piratage. Le
projet a déjà suscité un vif intérêt
du Républicain Howard Coble, également président
de la Commission de la Propriété Intellectuelle à
la Chambre des Représentants. Le Broadcast Protection Discussion
Group (BPDG) soutient également l'initiative. Ce groupe réunit
un panel d'industriels dont Microsoft, Intel, ou encore la MPAA.
L'empressement politico-économique
n'est pas du goût de tout le monde, surtout pas à celui
de la Electronic Frontier Fondation (EFF). L'association de défense
de la gratuité vient d'écrire au député
républicain Billy Tauzin pour condamner "le manque de
transparence" et le sommer d'inclure dans les groupes de discussions
du type BPDG des organisations de consommateurs. Au nom de l'innovation
amenée par le peer-to-peer, des chercheurs, des informaticiens
s'élèvent également contre le projet de loi.
[Thuan Huynh, JDNet]