Ouverte le 10 juillet dernier, et aussitôt
engorgée, la boîte e-mail spam@cnil.fr
a été victime de son succès. Depuis le lancement
de l'opération, la Commission nationale Informatique et Libertés
a reçu 100 000 messages d'alerte envoyés par les internautes
français. Un début sur les chapeaux de roue qui semble
ne refléter qu'une partie de l'ampleur du phénomène
"spam" en France. La CNIL,
qui a déjà redimensionné la taille de sa "boîte
à spam", compte utiliser ces messages pour initier ses
enquêtes et débusquer les entreprises aux pratiques
illégales. Thierry Jarlet, son directeur de l'administration
et de la communication, fait le point.
Vous
avez reçu énormément de spams en très
peu de temps en lançant cette boîte mail. Comment
peut-on expliquer cette sous-évaluation du phénomène
en France ?
Thierry Jarlet. On
ne peut pas dire
que nous l'avions sous-évalué. Nous ne l'avions simplement
pas évalué. Nous savions que le phénomène
était très fréquent dans le monde anglo-saxon,
mais nous n'avions aucun chiffre pour la France. C'est pourquoi
nous avons lancé cette opération, que je qualifie
d'observatoire, pour voir déjà à quoi ressemble
la situation française. Pour le moment, on en est encore
au grand classement, des e-mails arrivant tous les jours. On sait
qu'une grande partie des messages sont rédigés en
anglais et que près la moitié sont en liaison avec
des sites érotiques ou pornographique - un pourcentage un
peu attendu quand même. Environ 10 % sont écrits
en langue chinoise ou japonaise. Beaucoup de messages concernent
la même chose. Actuellement, nous étudions quels spams
se réfèrent à la même, aux mêmes
personnes, et nous catégorisons les spams.
Qui
sont les spammeurs que vous avez déjà repérés
?
Il y a quelques grosses entreprises
qu'on connaissait, qu'on étudie et qui vont devoir arrêter
assez rapidement leurs activités de spamming sous peine d'en
subir les conséquences commerciales et juridiques. Mais le
spam est beaucoup le fait de petites entreprises. Celles-ci veulent
vendre, ou survivre tout simplement, par la vente de leurs fichiers.
Ou elles n'ont pas les moyens ou les connaissances pour construire
des fichiers parfaitement sûrs. Un bon fichier ne se fabrique
qu'en collectant les informations de manière loyale et légale.
Quelles
sont les actions aujourd'hui envisagées par la CNIL ?
Nous allons utiliser nos instruments
juridiques comme la dénonciation au parquet pour collecte
déloyale d'informations privées. Après, il
y a d'autres arguments. Si j'écris à un spam pour
ne plus le recevoir sans que cela fonctionne, je peux faire jouer
le droit d'opposition et de rectification. Mais pour le moment,
il est encore trop tôt pour dire les actions à entreprendre.
Nous attendons de voir comment cela se déroule en période
"normale" pour voir ce qui se passe et nous verrons, au
plus tard fin septembre, qui nous allons dénoncer au parquet.
A côté
de cela, nous allons construire quelques pages pour montrer les
gestes à suivre pour se prémunir des spams. Par
exemple, comment on peut installer
des filtres dans les logiciels d'e-mail. Des choses qui ne sont
pas toujours connues du grand public. De toute manière, c'est
surtout une navigation prudente sur le Net qui permet d'éviter
les spams.
[Thuan Huynh, JDNet]