L'Irepp (Institut de recherches et
prospectives postales), l'Acsel (Association pour le commerce et
les services en ligne) et la Fevad (Fédération des entreprises de
vente à dstance) viennent de publier un livre blanc titré
"Mille milliards d'e-mails". Son objectif : faire le point
sur les attentes des internautes et les stratégies des acteurs
de l'e-mail marketing ainsi que sur les forces et faiblesses de
ce nouveau média. Or, en même temps que ce nouveau
canal de communication commence à se structurer en Europe,
celui-ci est menacé par son avatar, le spamming. Jean-Rémi
Gratadour, chargé de mission à l'Irepp et co-auteur
du livre blanc, revient sur l'importance du spam dans le paysage
de l'e-mailing et aborde les moyens qui pourraient être mis
en place pour l'endiguer.
Que
représente le spam aujourd'hui en France ?
Jean-Rémi Gratadour. Fait nouveau, le spam revêt
aujourd'hui des formes de plus en plus variées qui brouillent
son image et gène son
identification. Il ne se limite plus aux e-mails non sollicités
à caractère pornographiques ou à ceux vantant
les mérites d'un nouveau jeux. Si l'on en croît les
statistiques fournies par BrightMail, société américaine
spécialisée dans le filtrage pour les fournisseurs
d'accès et les grandes entreprises, le spam fait des émules
parmi les petits commerçants et concerne désormais
des produits très variés. Par ailleurs, il connaît
une très forte croissance. En un an, entre avril 2001 et
avril 2002, il a augmenté de 600% selon BrightMail. Et si
l'on croise plusieurs sources, on peut estimer que le spam représente
20 à 30% des flux d'e-mails dans le monde, soit entre 240
et 360 millions d'e-mails. Des proportions valables pour les Etats-Unis
mais aussi pour la France. Ce schéma de développement
est actuellement extrêmement préoccupant, non seulement
pour l'avenir de l'e-mailing, mais aussi plus largement pour Internet
et l'e-commerce.
En
quoi le spam menace-t-il l'avenir de l'e-mailing et
Internet ?
On peut penser que le développement du spam n'est pas étranger
aux problèmes financiers que connaissent certains acteurs
de ce secteur. Alors que l'e-mail marketing semble de plus en plus
utilisé, il ne représente, selon l'IAB, que 3 % des
dépenses publicitaires qui se sont élevées
à 171 millions d'euros. Ce déséquilibre s'explique
par le fait que le marché est tiré par le bas par
des acteurs peu scrupuleux, pratiquant des prix défiant toute
concurrence. Car le spamming n'est pas inefficace... De fait, comme
la mauvaise monnaie chasse la bonne, le spam empêche le marché
de l'e-mailing de se développer. Un autre effet pervers du
spam est le développement des systèmes de filtrage
mis en place par les FAI ou les internautes eux-mêmes. Ceux-ci
fonctionnent souvent comme pour la détection de virus. Or
si ces systèmes peuvent être efficaces, leur développement
anarchique bloque parfois des envois massifs d'e-mails qui ne sont
pas du spam, mais, par exemple des newsletters. Charge ensuite à
l'émetteur de bonne foi de faire les démarches nécessaires
pour ne plus être référencé comme spammeur.
Autant d'effets qui, dans l'avenir, peuvent handicaper fortement
le développement de l'e-mailing.
Quelles sont
les propositions de l'Acsel et de l'Irepp pour tenter d'endiguer
le spam ?
On s'est aperçu assez vite qu'il existait un
dispositif permettant de distinguer le spam des envois massifs qui
n'en étaient pas. Il s'agit d'un marquage électronique
des e-mails envoyés en nombre qui permettra la mise en place
d'un filtrage légal. Le système repose d'abord sur
une identification et une déclaration des annonceurs faisant
des envois en nombre. En échange de cette déclaration,
ils recevront un marquage électronique qui leur permettra
d'être distribués sans encombre. Les FAI et les prestataires
de messagerie restent toutefois libres ou non d'adhérer au
système. Mais aujourd'hui, rien est arrêté.
Par exemple, on ne sait pas si ce système sera payant ou
gratuit. Pour le moment, nous n'avons émis que des pistes
de réflexion qui nécessitent, pour leur mise en oeuvre,
une concertation entre les acteurs. C'est pourquoi nous appelons
à la création d'une cellule de réflexion sur
le sujet. Elle devrait regrouper les autorités de régulation,
les représentants des consommateurs, ceux des FAI, les prestataires
du marketing direct, les prestataires de messagerie et les annonceurs.
[Anne-Laure Béranger, JDNet]