Sophie Nerbonne (Cnil) : "La Cnil va s'attaquer à la collecte automatique des mails"
Par le Journal du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0210/021017cnil.shtml
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Jeudi 17 octobre 2002

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Cnil.fr
"Contactez gratuitement vos prospects. Notre logiciel cible et capture les e-mails professionnels figurant sur un site public de vos prospects." Les mails commerciaux de ce type se multiplient sur l'Internet français, les sociétés éditrices pensant être à la limite de la légalité. Sophie Nerbonne, chef de la division des affaires économiques à la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), revient sur ce phénomène et sur les risque encourus par les entreprises positionnées sur ce créneau.

JDNet. Des offres de collecte d'adresses mail B to B directement sur les sites Internet se multiplient depuis quelque temps. Est-ce une pratique légale ?
Sophie Nerbonne. Absolument pas. Les robots aspirateurs de mails vont à l'encontre de l'article 25 de la loi "Informatique et Liberté" qui prohibe une collecte par un moyen déloyal, illicite ou frauduleux. En effet, pour utiliser les adresses électroniques pour faire des campagnes e-mailing, il faut avoir informé les personnes qu'il y aurait une cession et une utilisation à des fins commerciales de leurs mails et avoir permis à ces personnes de manifester leur consentement ou leur opposition.
La préconisation de la Cnil à cet égard, c'est un clic que la personne doit cocher au moment où les données la concernant sont collectées. Or, dans le cadre de notre opération "boîte à spam", nous avons repéré plusieurs entreprises qui pratiquent la collecte en ligne de mails et pensent avoir ainsi trouvé un activité rémunératrice. Ce n'est pas le cas.

Qu'encourent concrètement ces sociétés ?
Certaines personnes pensent qu'il est possible de collecter les mails d'entreprise. La loi "Informatique et Liberté" protège effectivement les personnes physiques et non les entreprises mais la loi couvre à la fois les adresses électroniques directement nominatives (lorsqu'elles comprennent le nom de la personne physique dans son intitulé) et les adresses indirectement nominatives, ce qui est le cas dans les adresses professionnelles du type "webmaster@xxx.fr".
En effet, derrière cette adresse mail, il y a toujours l'association à un nom et à une adresse physique. Même si le spam est envoyé à une adresse professionnelle, c'est toujours une personne physique derrière qui est importunée.
Très concrètement, les entreprises qui pratiquent la collecte en ligne d'adresses mail vont à l'encontre l'article 226-18 du code pénal. Ils encourent un maximum de 5 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.

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Plus largement, concernant l'opération "boîte à spam", où en êtes-vous ?
Nous allons faire un premier bilan quelque temps après notre séance plénière du 24 octobre. Nous avons reçu plus de 200 000 messages en deux mois. Il faut donc que les gens comprennent que nous ne pouvons pas faire un traitement individualisé des messages.
Les mails reçus depuis cet été nous ont permis de faire un premier état des lieux du spam en France et de mieux appréhender ce phénomène. En conséquence, nous allons communiquer très prochainement autour de deux thématiques : un volet de conseils pratiques pour expliquer aux internautes (grand public et professionnels) quelles sont les recettes pour qu'ils prennent conscience des risques de captation de leur adresse mail en ligne, et un autre volet qui sera, lui, répressif et concernera les entreprises à l'origine des spams.
Il est évident qu'on ne peut pas laisser se développer ce type de pratique. Depuis le mois de juillet 2002 a d'ailleurs été adoptée une directive européenne sur les communications électroniques qui prévoit que le régime du consentement de l'internaute prime alors que, pour l'instant, nous sommes encore sous le régime de l'opposition.

[Florence Santrot, JDNet]