"Contactez gratuitement vos prospects.
Notre logiciel cible et capture les e-mails professionnels figurant sur
un site public de vos prospects." Les mails commerciaux de ce type
se multiplient sur l'Internet français, les sociétés
éditrices pensant être à la limite de la légalité.
Sophie Nerbonne, chef de la division des affaires économiques à
la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), revient
sur ce phénomène et sur les risque encourus par les entreprises
positionnées sur ce créneau.
JDNet.
Des offres de collecte d'adresses mail B to B directement sur
les sites Internet se multiplient depuis quelque temps. Est-ce une pratique
légale ?
Sophie Nerbonne.
Absolument pas. Les robots aspirateurs de mails vont à l'encontre
de l'article 25 de la loi "Informatique et Liberté" qui
prohibe une collecte par un moyen déloyal, illicite ou frauduleux.
En effet, pour utiliser les adresses électroniques pour faire des
campagnes e-mailing, il faut avoir informé les personnes qu'il
y aurait une cession et une utilisation à des fins commerciales
de leurs mails et avoir permis à ces personnes de manifester leur
consentement ou leur opposition.
La préconisation de la Cnil à cet égard, c'est un
clic que la personne doit cocher au moment où les données
la concernant sont collectées. Or, dans le cadre de notre opération
"boîte à spam", nous avons repéré
plusieurs entreprises qui pratiquent la collecte en ligne de mails et
pensent avoir ainsi trouvé un activité rémunératrice. Ce n'est
pas le cas.
Qu'encourent
concrètement ces sociétés ?
Certaines personnes
pensent qu'il est possible de collecter les mails d'entreprise. La loi
"Informatique et Liberté" protège effectivement
les personnes physiques et non les entreprises mais la loi couvre à
la fois les adresses électroniques directement nominatives (lorsqu'elles
comprennent le nom de la personne physique dans son intitulé) et
les adresses indirectement nominatives, ce qui est le cas dans les adresses
professionnelles du type "webmaster@xxx.fr".
En effet, derrière cette adresse mail, il y a toujours l'association
à un nom et à une adresse physique. Même si le spam
est envoyé à une adresse professionnelle, c'est toujours
une personne physique derrière qui est importunée.
Très concrètement, les entreprises qui pratiquent la collecte
en ligne d'adresses mail vont à l'encontre l'article 226-18 du
code pénal. Ils encourent un maximum de 5 ans d'emprisonnement
et 300 000 euros d'amende.
Plus
largement, concernant l'opération "boîte à spam",
où en êtes-vous ?
Nous allons faire un
premier bilan quelque temps après notre séance plénière
du 24 octobre. Nous avons reçu plus de 200 000 messages en
deux mois. Il faut donc que les gens comprennent que nous ne pouvons pas
faire un traitement individualisé des messages.
Les mails reçus depuis cet été nous ont permis de
faire un premier état des lieux du spam en France et de mieux appréhender
ce phénomène. En conséquence, nous allons communiquer
très prochainement autour de deux thématiques : un
volet de conseils pratiques pour expliquer aux internautes (grand public
et professionnels) quelles sont les recettes pour qu'ils prennent conscience
des risques de captation de leur adresse mail en ligne, et un autre volet
qui sera, lui, répressif et concernera les entreprises à
l'origine des spams.
Il est évident qu'on ne peut pas laisser se développer ce
type de pratique. Depuis le mois de juillet 2002 a d'ailleurs été
adoptée une directive européenne sur les communications
électroniques qui prévoit que le régime du consentement
de l'internaute prime alors que, pour l'instant, nous sommes encore sous
le régime de l'opposition.
[Florence Santrot, JDNet]