15 questions à un webmaster : Christophe Bovio (photo-de-classe)
Par le Journal du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0212/021218photo.shtml
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Mercredi 18 décembre 2002

Piloter une aventure Internet en solo, en marge de ses activités salariées et en contestant les logiques économiques traditionnelles, c'est encore possible : Christophe Bovio, webmaster et fondateur de photo-de-classe.com, édite et développe son site en indépendant depuis trois ans. A la clef, beaucoup de sacrifices personnels mais aussi d'immenses satisfactions. Le tour de son aventure en 15 questions.

Quelle est la genèse du site Photo-de-classe ?
Christophe Bovio
. Une discussion en famille un dimanche nous a amené à la nostalgie de nos années d'école. Ingénieur en informatique, j'ai toujours utilisé l'outil internet depuis ses débuts en France. J'ai immédiatement pensé qu'un site internet dédié à ce type de recherche serait apprécié et utile. Le site photo-de-classe.com était en ligne en 1999, et dans une version très peu éloignée de celle d'aujourd'hui.

Quel est le statut de la société éditrice, son chiffre d'affaires, ses effectifs ?

Photo de Classe est une SAS au capital de 40 000 euros. Nous avons retenu ce statut pour sa souplesse d'administration. Nous sommes trois associés à part égale mais je suis la seule personne à travailler sur le projet depuis le début. J'ai créé la structure en 2000. A l'inverse de tous, je n'ai pas cherché d'investisseurs. J'ai donc décidé que la structure tournerait en régime minimum pour ne jamais être mise en danger de dépôt de bilan. Le premier exercice a été déficitaire de 4 000 euros et le second va être équilibré. Je suis salarié en dehors de photo de classe pour me permettre d'intervenir en tant que président bénévole sur le site. Comme je fais tout tout seul sans me salarier sur la structure, les coûts sont dérisoires et les besoins de revenus en rapport. Cela veut tout de même dire 3 ans de travail acharné à raison de 18 heures par jour, sept jours sur sept. Il est évident que mon rêve est que Photo de classe génère un jour de l'emploi comme toute société saine.

Quelle est l'audience du site ?
Pour des raisons de coûts, je n'ai pas de mesures externes et officielles, toutes les statistiques sont internes. Ma fréquentation est celle d'un site connu médiatiquement dans son secteur. Mais la progression est exponentielle et les accès directs, par le bouche à oreille ou la presse, représentent 70% de mes visites...

Quelles sont vos sources de revenus aujourd'hui... et dans 2 ans ?
Pour l'instant mon modèle économique est ultra simple : me battre pour la gratuité de mon service sur internet, me payer avec les remerciements des gens et développer quelques sites (fort de la marque photo de classe et de son enseigne P2C) pour rentabiliser ce qui n'est pas rentable. Les deux seules choses payantes sur mon site, ce sont le support technique et le service "la bouteille à la mer". Le premier me permet de faire barrage pour simplement dormir plus car en mode gratuit je recevais plus de 500 mails par jour... Le second est pour les plus motivés : passer une annonce qui reste à vie sur le site. Ces deux services payants suffisent à financer mon hébergement dédié. Demain, je suis persuadé de trouver un sponsor officiel. Je n'ai toujours pas trouvé depuis un an, mais je ne désespère pas. Avec une couverture médiatique importante, en moyenne de 2 articles de presse tous les mois et quelques passages télé, photo de classe trouvera son sponsor officiel. L'appel est lancé !

Comment commercialisez-vous l'espace publicitaire de photo-de-classe ?
Comme beaucoup j'ai démarré en régie publicitaire propre, mais les revenus sont dérisoires. Mais cela suffit encore à financer quelques coûts en interne. Il y a pourtant 10 fois plus d'avantages à annoncer sur un espace Web qu'un espace presse. Il serait temps de retrouver une logique économique dans la net-économie...

Comment réglez-vous les problèmes juridiques de copyright des images de photo-de-classe vis-à-vis des auteurs et de droit à l'image des personnes représentées, a fortiori quand il s'agit de mineurs ?
Pour respecter le droit à l'image des mineurs, je ne mets pas en ligne les photos avec des élèves encore mineurs aujourd'hui. Photo de classe a fait l'objet d'un dépôt à la CNIL et auprès d'un organisme qui gère les droits d'auteurs de photographies. Dans le principe, une photo de classe est mise en ligne avec un copyright internet du site (pour identifier la source de fond documentaire et éviter le vol de ces images par une tierce personne). Il y a, avec cette photo, les liens nécessaires pour revendiquer un copyright. Si un photographe est l'auteur de cette photo et qu'il peut le prouver, ses coordonnées sont affichées. Sachant que seuls les noms des personnes inscrites apparaissent sur une photo, un visage n'est clairement identifié que si la personne l'a souhaité. Sans nom mentionné, avec un visage qui ne ressemble en rien à celui du présent et avec un droit de rectification, je préserve le droit à l'image de chacun.

Combien de photos de classe contient le site ?
Aux alentours de 20 000 photos publiées. 20 000 autres attendent de pouvoir l'être dans un ou deux ans pour les raisons juridiques évoquées ci-dessus de défense du droit à l'image des mineurs.

Comment assurez-vous votre promotion ?
Je n'ai aucun budget publicité. J'utilise essentiellement les relations-presse et le bouche à oreille.

Faites-vous de l'affiliation ?
Non. Je ne veux pas entrer dans ce système.

Avez-vous essayé les liens promotionnels ? Que pensez-vous du principe ?
Non, et je les condamne fermement ! Ils mettent en danger la gratuité sur internet. Le service de base d'un moteur est de diriger l'internaute vers le meilleur site qui répond de manière pertinente à sa requête. Ici, il oriente délibérément ses visiteurs vers un service payant alors qu'ils peuvent trouver le même service gratuitement deux réponses plus bas ! C'est à mon sens manquer de respect aux utilisateurs et ce modèle ne durera pas.

Croyez-vous au modèle payant ? Que peut-on faire payer sur Internet selon vous ?
Faire payer un service comme photo-de-classe est illusoire et sans avenir. C'est à un sponsor de payer l'offre de service. Les internautes n'achèteront tout au plus que quelques produits dérivés.

Quelle est la plate-forme technologique de photo-de-classe ?
Je développe avec un simple éditeur de texte. Je ne veux pas de solutions RAD qui vous produisent 1000 lignes de code pour afficher "Bonjour". Le site est en pages HTML, générées dynamiquement en PHP et exploite une base MySQL. Le tout sur un serveur sous Linux Slackware et Apache. Là encore, je suis un fervent défenseur des outils gratuits et contributifs. C'est un milieu d'entraide fort : ajouter une nouvelle fonctionnalité prend quelques heures; le temps de trouver qui l'a déjà développée et comment l'adapter à vos besoins. Avec des solutions intégrées, vous passez plus de temps à contourner les bugs et à mettre à jour les trous de sécurités que de travailler efficacement...

Quels outils utilisez-vous pour vos statistiques d'audience et le traitement des images ?
Ce sont des développements internes. Des modules en PHP pour les statistiques en temps réel. Des modules en Java et Servlet pour le traitement des images. Au début, il me fallait 10 minutes pour mettre en ligne une photo de classe avec le positionnement de chaque zone sensible sur les visages. Aujourd'hui, il me faut moins de 5 secondes !

Quel prestataire utilisez-vous pour l'hébergement ?
L'hébergement est un serveur dédié que je migre au gré des tarifs qui baissent à vue d'oeil. Le but est d'avoir toujours la plus grande puissance au prix le plus bas. Tant que le service assure une disponibilité 24/24 du réseau, j'administre le reste. Ce qui me donne une grande liberté et une grande réactivité. Je suis depuis quelques mois chez kilio.fr qui fait les meilleures offres du moment. Si ça change dans un an, je changerai de fournisseur.

Quel est votre parcours personnel ? Quelle place tient P2C dans votre vie aujourd'hui ?
L
'ESTE (Ecole supérieure de technologie électronique) du groupe ESIEE d'abord. C'est une formation en informatique industrielle que j'ai immédiatement déviée vers le monde multimédia. J'ai ensuit été responsable Informatique pendant 4 ans à Paris chez Andassa. Après quelques courtes missions salariées, je me suis mis à mon compte en freelance. Erreur de jeunesse quand on connaît la fiscalité de notre pays ! J'ai depuis repris une activité salariée.

Songez-vous à céder photo de classe, maintenant ou plus tard ?
Je ne veux pas que photo-de-classe devienne un service payant. Qui d'autre pourrait investir dans photo-de-classe qu'une société qui a en tête des modèles économiques ? Je ne serai vendeur qu'à une société qui souhaitera utiliser photo de classe comme carte de visite pour promouvoir ses produits. Et je négocierai des parts dans le capital suffisantes pour pouvoir mettre mon veto.

[Rédaction, JDNet]