La lutte contre les camera-phones s'organise à travers le monde
Par le Journal du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0308/030804phonecamera.shtml
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Lundi 4 août 2003

Les sites
Chosun Ilbo
Edinburg News
Channel New Asia
Les téléphones cellulaires munis d'un objectif photo numérique menaceraient-ils, pêle-mêle, les secrets industriels, la vie privée de chacun et les règles du copyright ? C'est en tout cas ce que laisse penser la multiplication des interdictions visant ces téléphones à travers le monde. Explications.

Naissance du phénomène en Corée du Sud
C'est en Corée du Sud qu'est apparu le phénomène. La Corée est l'un des principaux producteurs de camera-phones mais aussi le pays pionnier dans la diffusion de cette technologie. Plus de quatre millions de ces téléphones sont d'ores et déjà en circulation dans le pays. Samsung, quatrième producteur mondial de téléphones mobiles, lesquels représentent 10 % de son chiffre d'affaires, a néanmoins interdit l'utilisation de ces appareils dans ses usines et bureaux de recherche depuis le 14 juillet dernier.

L'objectif de Samsung est de se protéger contre les risques d'espionnage industriel. L'amélioration constante de la définition des clichés réalisés avec ces téléphones permettrait, selon le constructeur, de photographier rapidement et discrètement des détails ou des documents stratégiques pour l'entreprise.

Quelques mois avec Samsung, les constructeurs automobiles coréens ont été les premiers à se lancer dans cette lutte. Hyundai et Kia Motors ont interdit de séjour les mobiles équipés d'un objectif photo dans les usines et centres de recherche. Seul Samsung Motors, aujourd'hui filiale de Renault, n'a pas encore pris lune telle mesure.

Depuis le début de l'année, la Corée du Sud est ainsi devenue une sorte de laboratoire expérimental mondial des risques de dérives liés aux camera-phones. Selon le quotidien Chosun Ilbo, le très sérieux parti démocrate Sud-Coréen doit d'ailleurs déposer prochainement un projet de loi pour imposer aux constructeurs de ces téléphones la présence d'un bruit au moment de la prise de cliché afin de prévenir l'entourage. Clic-clac.

Après la Corée, l'Australie et l'Arabie Saoudite
La Corée n'est pas le seul pays dans ce cas. Les parlements de plusieurs provinces australiennes se prononceront au mois d'août sur l'interdiction pure et simple des camera-phones dans les lieux publics, les vestiaires, les piscines, les saunas et les clubs de sport. Pour lutter contre l'utilisation de l'appareil par les voyeurs, certaines auberges de jeunesse du pays, gestionnaires de nombreuses piscines et salles de sport, ont déjà institué cette prohibition. La Suisse alémanique et la Norvège ont, elles aussi, interdit l'utilisation de ces mobiles dans les piscines publiques.

De façon plus anecdotique, le quotidien écossais Edinburgh News rapporte qu'une boîte de strip-tease de la ville a interdit son établissement aux camera-phones afin de protéger la discrétion de ses hôtesses... et de ses clients. Plus radicale encore, l'Arabie Saoudite a purement et simplement interdit la présence de ces téléphones dans le pays. Le téléphone mobile avec objectif photo s'ajoute ainsi à la liste des équipements de communication interdits ou très réglementés dans le pays.

Un arsenal répressif généralement suffisant
Pourtant, dans la plupart des pays du monde, le détournement de ces appareils pour des utilisations contestables peut être réprimé sans l'adoption de lois spécifiques. Au Japon, un instituteur d'école primaire a ainsi été suspendu pour trois mois après avoir été surpris photographiant sous les jupes de l'une de ses élèves à l'aide de son téléphone. Suite au scandale, l'enseignant a finalement démissionné.

Sensible à ces nouveaux risques, l'autorité judiciaire peut également prendre les devants : la filiale Néo-Zélandaise de Vodafone a ainsi mis en place un processus interne d'interception des photos transmises sur son réseau de téléphonie mobile à la demande des services de police. Mais la garantie des libertés individuelles des utilisateurs nécessite, au préalable, l'autorisation de l'autorité judiciaire.

Le problème juridique du droit à l'image
La discrétion des camera-phones pose également le risque d'une explosion de la violation des règles de chaque pays sur le droit à l'image.
Les fans sont aujourd'hui nombreux à brandir leur cellulaire afin de garder le souvenir de tel ou tel concert. Les services d'ordre chargés d'empêcher l'introduction d'appareils photo n'empêchent pas encore l'entrée des camera-phones dans les concerts.

Dernière usage susceptible d'inquiéter la fine-fleur du show-biz mondial : le camera-phone pourrait bien à terme faire de chaque utilisateur un paparazzi en puissance. Toujours dans la poche, l'appareil discret permet d'immortaliser la rencontre inopinée d'une star au bras d'une nouvelle conquête. Pour les cerbères chargés de la sécurité des stars, une nouvelle difficulté s'ajoute : impossible de récupérer le cliché ou la pellicule. Aussitôt pris, le fichier peut être transmis dans la nature par le biais du réseau téléphonique.

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Chosun Ilbo
Edinburg News
Channel New Asia

Encore peu abordé aux Etats-Unis et en France, le problème ne manquera pas d'être posé avec la rapide propagation de ce nouveau gadget. 1,9 million d'appareils auraient été vendus depuis de début de l'année sur le seul territoire américain. Le marché français devrait rapidement lui emboîter le pas avec la diffusion des mobiles de troisième génération.

[Fabien Claire, JDNet]