Loi numérique :
les députés ratissent large
Par le Journal
du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0401/040109len.shtml
Lancer l'impression
Vendredi 9 janvier 2004
C'était le premier grand débat Internet
attendu cette année. Mercredi et jeudi, les député
ont examiné en deuxième lecture le projet de loi pour la confiance
dans l'économie numérique (LEN), qui avait pour but de retranscrire en droit
national une directive européenne sur des volets divers liés
aux nouvelles technologies de l'information et des communications. Dans
les grandes lignes, on peut citer l'élaboration d'un droit Internet
spécifique, la responsabilité commerciale élargie des
e-commerçants, la responsabilité éditoriale des hébergeurs,
la prospection directe en ligne ou les prérogatives étendues
des collectivités locales dans le domaine de la gestion d'infrastructures
haut débit.
Création
d'un droit de l'Internet Le projet de loi fait apparaître
une rupture juridique. Sur proposition de Jean Dionis du Séjour, l'Assemblée
nationale a voté un amendement qui définit un droit de l'internet autonome
par rapport à la communication audiovisuelle (loi du 30 septembre
1986). Jusqu'ici, les deux notions étaient intimement liées
dans le droit français. Le député UDF, rapporteur
de la commission des affaires économiques et rapporteur du projet
de loi LEN a défendu "un texte fondateur du droit de l'internet
en France". Pour Jean Dionis du Séjour, son initiative de "créer
un corpus législatif Internet est nécessaire, notamment
pour lutter contre le piratage qui porte une grave préjudice à
nos industries culturelles." Cette proposition va à l'encontre
de la position du gouvernement, qui aurait préféré
maintenir la communication en ligne dans le cadre de la communication
audiovisuelle. Nicole Fontaine, ministre délégué
à l'Industrie, a estimé que "la création d'un
droit distinct risquerait d'aboutir à des régimes juridiques
différents pour des contenus et services de même nature,
notamment selon le support de diffusion ou de distribution".
Compétences
renforcées des collectivités dans le domaine des télécommunications.
Les collectivités locales pourront jouer le rôle "d'opérateur
d'opérateur" mais aussi aussi exploiter ces réseaux en "confiant à un
autre opérateur le soin de fournir un service aux utilisateurs finaux".
Pour jouer le rôle d'opérateur à part entière et donc fournir un service
directement aux consommateurs, un "constat préalable de carence" des opérateurs
privés est nécessaire. "L'insuffisance d'initiatives privées est constatée
par un appel d'offre déclaré infructueux", précise l'amendement.
Facturation
à la seconde obligatoire. A l'unanimité, mais contre
l'avis du gouvernement, les députés ont décidé
d'imposer la tarification à la seconde sur toutes les communications téléphoniques,
mettant fin à la "première minute indivisible".
La
prospection directe en ligne acceptée uniquement avec des bases
en mode opt-in. Pour lutter contre le spamming, les députés
ont décidé que l'activité de prospection directe
en ligne nécessite le consentement au préalable des internautes
destinataires. Une mesure qui s'adresse uniquement aux particuliers. Les
détenteurs de fichiers commerciaux déjà constitués disposeront d'un délai
de six mois, à partir de la publication de la loi, pour solliciter le
consentement des consommateurs par courrier électronique. Ce consentement
devra être exprimé explicitement, le silence des consommateurs valant
refus. Du côté des entreprises et des professionnels, ils
disposent d'un droit de désabonnement a posteriori. Enfin, les
députés ont renforcé les pouvoirs de la Commission nationale de l'informatique
et des libertés (Cnil) en termes de saisine du parquet.
Responsabilité
étendue des e-commerçants. L'Assemblée a élargi
le champ des responsabilités des exploitants de sites marchands en adoptant
un amendement qui les engage par rapport au client quels que soient les
acteurs qu'ils mettent en oeuvre, notamment pour la livraison de produits.
Le vendeur sera donc "responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur
de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations
soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services".
Cet amendement précise que l'exploitant d'un site marchand "peut
s'exonérer de toute ou partie de sa responsabilité en apportant le preuve
que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit
à l'acheteur, soit au fait imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger
à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force
majeur."
Les
hébergeurs priés d'être plus vigilants sur les contenus
illicites. Les hébergeurs devront supprimer les sites internet
pédophiles, négationnistes et racistes, sans attendre d'avoir été alertés.
Cet amendement du rapporteur Jean Dionis du Séjour impose de fait aux
hébergeurs de surveiller le contenu des sites qu'ils abritent. Il n'a
pas été soutenu par la gauche, qui regrette que la responsabilité
des prestataires techniques se substitue au rôle de l'autorité judiciaire.
Jusqu'ici, il était entendu que les hébergeurs avaie'nt
pour obligation de supprimer un contenu illicite uniquement si celui-ci
leur est signalé. Nicole Fontaine a rappelé qu'une directive européenne
interdisait aux Etats membres d'imposer aux prestataires techniques (hébergeurs
et fournisseurs d'accès) la recherche de faits illicites.
Navette parlementaire oblige, les nouvelles dispositions
du projet de loi devraientt faire l'objet d'une deuxième lecture
au Sénat. Seuls restent en discussion les articles du texte pour
lesquels les deux assemblées ne sont pas parvenus à l'adoption d'un texte
identique. Certains dossiers sensibles comme le piratage sur Internet
devraient faire l'objet de discussions plus approfondies à l'occasion
des prochains rounds parlementaires comme l'étude des projets de
loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication
audiovisuelle ou celui dédié aux droits d'auteurs et aux
droits voisins dans la société de l'information. Judicieusement, les députés
ont préféré repousser les débats portant sur
la copie privée et les échanges de fichiers peer to peer.
Un sujet qui crispe les fournisseurs d'accès
Internet. Dans une lettre ouverte aux députés diffusée
en début de semaine, les membres de l'Association des fournisseurs
d'accès et de services Internet (AFA) évoquaient les risques
de "mesures de filtrage à l'accès".
Rendez-vous avec le "Paquet télécom" le 6 février
|
Nicole Fontaine, la ministre déléguée à l'Industrie,
a annoncé en séance publique de l'Assemblée que
la transposition de la nouvelle réglementation européenne sur les
télécommunications, dit "paquet télécoms", sera soumise aux députés
en première lecture le 6 février. Le "paquet télécoms" vise notamment
à renforcer la concurrence sur le marché de l'internet haut débit
(large bande). |
[Rédaction, JDNet]
|
|