JDN. Comment positionnez-vous
la publicité en ligne par rapport aux autres types de publicité ?
Loïck Clermonté.
Aujourd'hui, nous avons un très sérieux avantage par rapport à la communication
classique, car nous sommes un média animé. Nous avons la possibilité de
mixer l'image, la vidéo, le son et l'interactivité. C'est un des points
essentiels de la publicité en ligne. Cela nous permet de faire réellement
vivre les attributs du produit que nous devons promouvoir. Contrairement
à la publicité en affichage où le visuel ne permet pas de donner d'expérience
du produit au public, cela est possible en ligne grâce aux technologies
et à la création de mini-sites dédiés vers
lesquels renvoient les bannières de pub.
Malgré
ces avantages, la publicité en ligne n'a semble-t-il pas encore donné
toute sa puissance
Il est clair qu'Internet rencontre encore des freins par
rapport à ce qu'il peut offrir. Cela vient notamment du fait que c'est
un média qui requiert des compétences différentes. Et pour être véritablement
à la pointe en matière de publicité en ligne, il
faudrait que les directeurs artistiques aient un peu plus une culture
Internet. Aujourd'hui, ils ont encore souvent une vue trop "papier"
ou "vidéo". Il manque la touche d'interactivité
qui fait la particularité d'Internet. Côté technologie,
si à une époque les annonceurs étaient un peu rétifs
à l'emploi de technos très évoluées, ce n'est
plus le cas aujourd'hui. Ils commencent à avoir une véritable
culture Internet et se sont habitués aux différentes technologies.
La seule contrainte aujourd'hui que nous rencontrons aux niveaux des différentes
technologies, c'est le taux d'équipement des internautes en plug-ing
permettant de lire ces publicités, notamment pour la 3D.
Et les formats ?
Ce n'est pas une gêne selon moi. Ce n'est pas le
format qui pose problème mais plutôt le poids. Rentrer une
publicité dans une bannière standard, c'est-à-dire
468x60 pixels, ce n'est pas trop gênant. En revanche, être
limité à un poids de 12 Ko, ça restreint la créativité
car nous ne pouvons pas utiliser toutes les technologies à notre
disposition et nous sommes obligés de diminuer la qualité
des images pour rentrer dans le carcan du poids. Cela limite aussi les
initiatives en matière d'interactivité. Avec la solution
du Flash transparent, cela devient vraiment intéressant car, même
avec un poids limité, nous pouvons laisser libre cours à
notre imagination et nous exprimer pleinement.
La question du budget
des campagnes, plus limité sur Internet que sur d'autres supports,
est-il aussi un handicap ?
Je ne pense pas que ce soit réellement un problème
à notre niveau. Un directeur artistique ne va pas se dire "si
l'annonceur consacre 10 % de son budget pub à la création,
alors je vais passer un temps limité à la création".
Nous prenons le temps qu'il faut pour avoir l'idée qui satisfera
l'annonceur. Pour autant, il est vrai que le temps de création
et de déclinaison d'une publicité en ligne est souvent réduit.
C'est souvent de l'ordre d'une semaine à quinze jours pour la création,
la production et la déclinaison sous différents formats.
N'avez-vous pas aussi
le sentiment d'une certaine paresse en terme de publicité en ligne
vu le nombre de reprise de spots TV sur Internet ?
C'est vrai que c'est une des tendances du moment mais je
pense que c'est un phénomène éphémère.
C'est un peu comme il y a trois-quatre ans quand les entreprises se contentaient
de mettre leur plaquette papier en ligne pour faire leur site institutionnel.
Il va falloir un peu de temps pour comprendre que l'atout majeur d'Internet
est qu'il permet de faire vivre l'expérience d'un produit.
Comment peut-on faire
vivre l'expérience d'un produit en ligne ?
Par exemple, pour la nouvelle campagne pour la Renault
Twingo [voir
la pub
, intégrée lors de son lancement sur le site Voila.fr,
ndlr ], nous sommes partis de l'esprit
des spots TV pour adapter le concept sur Internet. Nous avons créé
un mini-site
où l'internaute retrouve l'esprit de la campagne mais dans un univers
différent. Dès la page d'accueil, nous avons voulu éviter
la page d'intro classique pour une animation associée à
un menu de navigation innovant. C'est un site vertical avec un ascenceur
escamotable sur la droite de l'image. Pour la dernière campagne
Renault Mégane où nous mettions l'accent sur sa tenue de route, nous avons
créé en accompagnement des bannières publicitaires un mini-site
avec un jeu vidéo permettant à l'internaute de piloter la Mégane sur la
lune. Il s'agit d'un circuit très travaillé au niveau des courbes mais
la voiture a une tenue de route parfaite en toute circonstance. De la
sorte, nous pouvions donner une certaine expérience des performances de
la voiture aux internautes.
Pour vous, une campagne
publicitaire en ligne ne se conçoit pas sans mini-site ?
La bannière est toujours
perçue par l'internaute comme la promesse de quelque chose. Il
est important de penser à ce qu'il y aura derrière pour
que le public ne soit pas déçu. Si, après un clic,
il se retrouve bêtement sur la page d'accueil d'un site avec pas
ou peu de relation avec la bannière, il se sent frustré
et c'est normal. La publicité en ligne peut avoir un impact nettement
plus négatif que pour un autre type de publicité car
le fait que l'internaute clique sur un bandeau ou un Flash transparent
est une démarche beaucoup plus impliquante que dans le cas d'un
téléspectateur qui est passif. Pour éviter cet écueil,
il faut donc penser la pub comme un scénario et imaginer le parcours
d'un internaute.
Le métier de
directeur artistique interactif est-il vraiment très différent
de celui des directeurs artistiques qui s'expriment sur d'autres supports
que le Web ?
Le fondement du métier est identique mais il y a
cette chose en plus, l'interactivité, qui fait que nous devons
être un peu plus vigilants car nous travaillons avec des technologies
en perpétuelle évolution. Pour pouvoir créer des
publicités qui utilisent pleinement les possibilités du
Web, il est nécessaire de connaître au moins les bases de
ces technologies. Sans les maîtriser totalement - c'est le métier
des développeurs Flash ou des ingénieurs techno -, il faut
cependant que nous sachions ce qu'elles nous permettent de faire afin
de créer des pubs à la fois innovantes et réalisables.
Naturellement, l'appui des spécialistes techno est un atout, car
ils donnent eux aussi leur avis sur la réalisation de la création
et peuvent nous suggérer des idées.
En terme de créativité
pure, où puisez-vous vos idées ? Y a-t-il des pays
particulièrement innovants ?
Il faut tout d'abord souligner que les modes en matière
de création en ligne sont souvent assez différentes des
modes du moment en matière de print, par exemple. Les tendances
graphiques sont souvent différentes de ce qu'il peut y avoir sur
papier. Sur Internet, nous avons vu passer plusieurs modes en matière
de publicité en ligne et de sites Internet : l'utilisation
du vecteur, le pixel art, le photo-montage, etc. Pour trouver des idées,
nous surfons beaucoup sur le Web. Dans ce métier, il faut être
très curieux et passer des heures devant son écran à
chercher les bonnes idées. En ce qui concerne les pays plus ou
moins créatifs, je dirais plutôt qu'il y a des écoles
différentes, une manière différente d'aborder la
création publicitaire sur Internet. Et puis, en matière
de créativité, il est vrai que le climat bizarre que nous
avons connu l'année dernière a certainement fait que le
public a vu assez peu de publicités Internet innovantes. Cette
année, j'ai le sentiment que cela va mieux.
Pouvez-vous nous citer
quelques sites de référence où vous pouvez retrouver
les dernières tendances en matière de design ?
Les portails Praktica
et Graphiland
sont dans mes favoris. Il y a aussi plusieurs sites russes, un pays où
ils sont très férus de design web. Et puis il existe de
nombreuses communautés consacrées à ce thème
sur Internet. Cela nous permet d'échanger des idées et de
discuter de ce qui se fait dans chacun de nos pays.