Dominique Delport (Streampower) : 
"Il y a autant de foyers ADSL que de foyers TPS"

Par le Journal du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/itws/it_delport.shtml
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22 avril 2003

Producteur interactif de contenu audiovisuel, Steampower a une actualité très chargée : lancement du site du nouveau film de Kad & Olivier, préparation du webstreaming de Nice People (la nouvelle émission de télé-réalité de TF1) et un projet de télévision par ADSL. La société a réalisé un chiffre d'affaires de d'1,5 million d'euros en 2002 et indique avoir aujourd'hui atteint la rentabilité. Une situation qui devrait ravir son principal actionnaire : le groupe Bolloré. Dominique Delport, PDG de Streampower, revient sur la vague de fond lié au haut débit et au développement des nouveaux contenus.

Propos recueillis par Philippe Guerrier le 22/04/2003


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Le site
"Qui a tué Pamela Rose ?"

JDN. Vous avez été le prestataire streaming de référence pour Loft Story et Star Academy. Vous rempilez pour Nice People, le nouveau programme de télé-réalité de TF1...
Dominique Delport.
Effectivement. Nous nous sommes associés au nouveau programme de d'Endemol France. C'est un dispositif très important pour Streampower qui mobilise une vingtaine de collaborateurs. Les équipes seront partagées entre Paris et Nice. Des clauses de confidentialité m'empêche de communiquer librement sur ce sujet. Mais il est clair qu'un dispositif multi-canal accompagnera cette nouvelle émission. J'ai déjà dénombré une trentaine de sites non officiels qui abordent ce nouveau programme. Preuve que l'engouement est déjà au rendez-vous.

Quels enseignements tirez-vous du "streaming live" événementiel ?
Les dispositifs cross-média sont désormais des recettes éprouvées. Le niveau de technicité est de plus en plus important, ne serait-ce que pour gérer la volumétrie et créer des revenus. Loft Story a été la première opération convergente en télévision : pendant trois mois, nous avons dû géré 20 000 streams en simultané
. M6 a reconnu que cette expérimentation a coûté extrêmement chère en terme de bande passante. Mais il faut relativiser ce coût au regard du chiffre d'affaires généré par le programme. Nous avons été ravis d'être associés dans l'écriture de cette nouvelle grammaire des médias et nous essayons maintenant de valoriser cette expertise.

Comptez-vous exploiter ce savoir-faire pour votre propre compte ?
Nous travaillons sur un très beau projet de télévision ADSL, qui va démarrer à la rentrée avec des partenaires très connus. Ce sera le premier projet de streaming et de télévision ADSL en MPEG-4. Il est initié par Push TVi, une société-soeur de Streampower que je préside en parallèle.

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Comment est né le concept du nouveau site de Kad & Olivier ?
Il s'agit d'un site teasing du nouveau film de Kad & Olivier "Qui a tué Pamela Rose", un film co-produit par Gaumont France, TF1 Films Production et LGM productions. Le projet Internet, qui a démarré il y a deux mois, va mettre en scène une enquête humoritistique des deux agents du FBI, qui sont joués par Kad & Olivier. Actuellement, nous sommes en phase de recrutement des joueurs internautes. Ensuite, une formation à la FBI Academy aura lieu et nous passerons à la phase de l'enquête. L'animation en Flash et en streaming, essentiellement audio, se déroulera tout au long du mois de mai en attendant la sortie du film, prévue le 4 juin. Le tout sera exploité dans un mode-multicanal. C'est dans la lignée du projet que nous avions mené en 2002 avec Alain Chabat à l'occasion de la sortie de son film "Mission Cléopâtre". D'ailleurs, Gaumont a choisi de travailler avec le même partenaire FAI : Club-Internet. Un nouvel onglet vient d'être mis en place sur son portail haut débit.

Comment êtes-vous parvenu à séduire le groupe Bolloré, qui se montre très discret sur les dossiers Internet ?
Nous sommes devenus une filiale du groupe Bolloré en octobre 2001. Nous voulions simplifier la structure du capital de la société. Désormais, il existe une société holding commune, Rivaud Média, entre le groupe Bolloré et les quatre directeurs associés de Streampower. Le groupe Bolloré montre beaucoup d'ambitions dans le domaine des médias. Streampower a notamment participé au groupe de travail la future chaîne TNT du groupe Bolloré [Ndlr : le dossier de chaîne TNT du groupe Bolloré - Direct 8 - a été retenu par le CSA]. Ce sera une chaîne de direct. Elle donnera donc naissance à des programmes interactifs déclinés sur Internet.

Dans quelle mesure les services haut débit constituent-ils un réel marché ?
Actuellement, nous avons autant de foyers haut débit que de foyers abonnés à TPS. Le marché des services haut débit commence à atteindre une taille critique. Le streaming en live payant de LCI.fr est un vrai succès depuis le début du conflit en Irak. J'ai même la conviction que le live gratuit va revenir et sera financé par des annonceurs. Ce retour du streaming gratuit sera facilité par la baisse du prix de la bande passante, qui a été divisé par quatre ou cinq en deux ans. Du coup, les investissements sont plus raisonnables. On peut attaquer ce marché à travers des stratégies de niche. Par exemple, Streampower est en train de développer une application haut débit dédiée à la musique classique pour le compte de Radio France. Nous avons un autre projet de fitness vidéo haut débit avec Jet Fit. Le marché des entreprises et des organismes institututionnels est également très intéressant pour valoriser les ressources vidéos sous forme de catalogues en ligne.

Les annonceurs se sont-ils aussi emparés du haut débit ?
Les comportements évoluent également. Les campagnes publicitaires en streaming ou en Flash vidéo se développent beaucoup. Nous avons élaboré la dernière campagne AGF dans ce sens.

Peut-on assurer de bout en bout la fluidité d'un flux streaming ?
Une réflexion en amont sur toute la chaîne de diffusion est nécessaire. On peut contrôler l'ensemble de la chaîne du moment qu'on ne pousse pas trop les limites du haut débit. C'est plus facile pour le streaming d'un programme TV que le streaming d'un film bourré d'effets spéciaux, très gourmand en terme d'informations ligne par ligne. Par exemple, pour le cas de l'UEFA, nous streamons l'ensemble des tirages au sort en vidéo à 220 Ko. La qualité de l'image est absolument bluffante dès lors que la source est préservée. Chez Streampower, nous sommes équipés en download satellite : les flux sont reçus sur nos décodeurs satellites et sur notre plate-forme d'encodage. Si nous disposons d'un signal d'une très grande propreté à la source, avec du flux MPEG-2 à deux mégabits, les résultats sont étonnants en sortie à 220 Ko à la source. En revanche, si vous streamez à 450 Ko pour des utilisateurs haut débit à 512 Kbits, le dernier kilomètre du réseau saute.

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Pour les diffuseurs de webstreaming, le choix entre les players Windows Media (Microsoft), Real (Real Networks) ou Quicktime (Apple) est-il déterminant ?
Cela dépend des usages. Il existe des Content Delivery Network (CDN) qui font payer moins cher la diffusion en fonction des logiciels utilisés. Le coût des licences serveurs n'est pas les même et les prestataires CDN les répercutent sur leurs coûts de bande passante. Historiquement, des secteurs comme le cinéma américain favorise le format Quicktime. Les chaînes d'information live favorisent plutôt Windows Media ou Real. Du côté de Streampower, nous sommes partenaires des trois players. Cette concurrence permet d'intensifier les progrès technologiques tous les trois à six mois. Mais on observe un mouvement de fond autour de la rationalisation de la norme MPEG 4. Au bout de la chaîne, là-encore, l'objectif est de faciliter la consultation des vidéos par les internautes.

Estimez-vous qu'un marché de production de contenu haut débit peut émerger ?
Actuellement, les fournisseurs d'accès Internet n'achètent pas ce type de produits. Je crois que le marché ne peut se développer qu'autour de l'advertainment. Certes, la production de court-métrages streamés coûte moins chère qu'une production télé. Mais, dans une logique industrielle, les modèles restent encore trop fragiles. En attendant, il existe d'autres approches possibles comme la diffusion de contenus par satellite qui bascule en diffusion IP.

Existe-t-il encore des problèmes de gestion des droits sur Internet ?
Il n'y a plus de problème de DRM. Movie System, qui exploite le service de films à la demande NetCiné, peut le confirmer : aucun film en ligne n'a été craqué. Le piratage est réalisé par les DVD ou des caméras introduites dans les salles de cinéma. Ensuite, les films pirates sont placés sur Internet.

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Les sites
Saga Terry Tate de Reebok
BMWFilms.com

Qu'est-ce qui vous a le plus étonné en terme de contenus haut débit récemment ?
La saga Terry Tate de Reebok sur Internet est géniale : ce sont des petits films autour d'un joueur de football américain qui a pour mission de pulvériser les employés d'une entreprise pris en flagrant délit de baisse de productivité. Je rêve également de mener un projet comparable à la saga des films BMW sur Internet pour un constructeur automobile français. Bon, d'accord, il y avait Bruce Willis, John Woo et Madonna derrière la caméra. Mais je ne désespère pas. Je suis convaincu que l'Internet est un média de promotion de très grande puissance.


Dominique Delport, 35 ans, est diplômé de l'Ecole de Management Lyon et lauréat Moot Corp MBA Entrepreneurship (Austin,Texas). Entre 1994 et 2000, il a été rédacteur en chef adjoint de M6 Lyon puis rédacteur en Chef de M6 Lille. Il a accédé en 1996 au poste de rédacteur en chef de M6 National (6 Minutes et éditions de la rédaction nationale). En 2000, il a co-fondé la société Streampower.