Julie Demarigny
(Sony Music France - eMedia) : "
Intégrer le Net dans notre marketing est un réflexe"
Par le JDNet
Solutions (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/itws/it_demarigny.shtml
A l'heure où le marché de la
musique en ligne se cherche encore, Sony Music se montre de plus en
plus volontariste en matière de marketing interactif. Créé
il y a trois ans, le département
eMedia de Sony Music a justement pour objectif de favoriser la promotion
en ligne des artistes du label. eMedia initie par exemple des actions
en marketing viral pour rapprocher les artistes et leur communauté
de fans. Le portail SonyMusic.fr, doté d'un système
de newsletters qui enregistre 200.000 abonnés (dont 80.000
sur la lettre de diffusion générale), joue un rôle
de catalyseur dans ce dispositif, même si les responsables Internet
de Sony France préfèrent mettre en avant les noms de
leurs artistes plutôt que la marque du groupe. Julie Demarigny,
directrice générale d'eMedia, explique comment le label
utilise aujourd'hui le média Internet.
Propos recueillis par Philippe Guerrier le 17/09/2002
JDNet.
Quelles sont les domaines assignés au département
eMedia ?
Julie Demarigny.
Nos activités dépassent le simple cadre Internet.
Nous travaillons également sur la téléphonie
et la télévision interactive. Nous nous servons du
Net pour assurer la promotion de nos artistes et proposer du contenu
additionnel aux fans. L'objectif est de renforcer les plans marketing
en injectant une dose Internet.
Comment
s'intègrent vos activités dans la stratégie
Internet européenne de Sony Music ?
La structure du
portail Sony Music est commune à l'ensemble des pays. Nous
partageons le même système de gestion des bases de
données. Après, chaque marché national est
différent. Pour le marché
français, 60 % de notre répertoire est local.
Du coup, le contenu de chaque portail pays est différent.
Mais ce qui compte le plus pour chaque portail, c'est le rafraîchissement
des informations qui sont présentées. En trois ans,
nous avons développé en France entre 75 et 100 sites
ou mini-sites.
Comment
développez-vous la présence des artistes en ligne
?
Chaque artiste Sony Music dispose de son propre
site. Nous essayons d'élaborer le web qui correspond le mieux
à l'univers de l'artiste. Nous leur demandons d'apporter
du contenu spécifique comme des oeuvres musicales exclusives.
Nous jouons sur la valeur ajoutée que peut apporter ce média
et l'interactivité qui peut exister entre l'artiste et les
fans : boîte e-mail, chat, forum... Pleymo
est par exemple un groupe "métal" français
qui s'implique beaucoup sur sa préseence en ligne. Le chanteur
est graphiste et un autre membre du groupe est développeur.
Leur univers Web est du coup assez riche.
Commment
utilisez-vous Internet pour promouvoir les artistes ?
On travaille sur tous les axes possibles liés
à l'e-CRM. Apporter de l'information réactualisée
ne suffit pas : nous faisons également participer les
internautes à des jeux pour gagner des places de concert
ou rencontrer des artistes. Chaque semaine,
nous mettons en ligne deux nouveaux concours. Par exemple, autour
de la jeune chanteuse Lorie,
nous avons mis en place deux concours : un sur SonyMusic.fr et l'autre
sur le site de l'artiste. A cette occasion, nous avons lancé
un premier jeu quizz en SMS +.
Justement,
quels types d'opérations en marketing viral effectuez-vous
?
Nous avons lancé plusieurs opérations
avec le département Protein de Vitaminic, notamment pour
le compte de Lorie et de La
Grande Sophie. Nous travaillons surtout sur des artistes en
développement. Nous avons remarqué que les communautés
"hip hop" et "métal" s'échangent
beaucoup d'informations en ligne. Des artistes comme
Thiefaine qui disposent d'une faible visibilité grand média
tirent profit du Net. Un message diffusé en viral peut atteindre
des milliers de personnes réceptives en un temps record.
En
montant un plan média, comment prenez-vous en compte Internet
?
C'est devenu un réflexe.Tous les plans marketing
incluent depuis un an un volet Internet. Nous avons formé
les chefs de produit. A eux de voir ce qu'ils peuvent faire d'intéressant
avec leurs artistes.
Que pensez-vous
des extensions type Opendisc sur Internet, qui proposent des titres
supplémentaires aux acheteurs de CD ?
J'approuve à 100 %. Nous avons développé
ce type de projets avec la Fonky
Family, 3ème
Oeil et 113.
Le meilleur moyen de combattre la piraterie est d'offrir davantage
de services associés à l'achat d'un
CD. Par exemple, nous avons été étonnés
de constater que 35 % des personnes ayant acheté le
CD de la Fonky Family se sont identifiées sur Internet pour
découvrir les extensions du groupe.
Chez
Sony Music France, quels moyens de diffusion de musique en ligne
privilégiez-vous : streaming ou téléchargement
?
Nous favorisons le streaming pour les opérations
promotionnelles. Mais il nous arrive de lancer des opérations
de téléchargement avec une écoute limitée
dans le temps. Nous avons adopté une solution "maison"
de gestion électronique des droits, qui est un mixte entre
Windows Media Player et un module développé en interne.
On
parle beaucoup de solutions de protection des CD pour éviter
le piratage. Où en sont les expérimentations de Sony
Music dans ce domaine ?
Vous comprendrez que c'est un sujet sensible, difficile
à aborder. Nous avons fait des expérimentations avec
des systèmes type Key2Audio, mais la solution n'a pas été
généralisée. Nous en sommes à ce stade.
PressPlay,
plate-forme de musique digitale dont Sony Music est partie prenante,
va t-elle bientôt arriver en Europe ?
Je ne dispose d'aucune information à ce sujet. Le marché
européen est sans doute mûr pour adopter ce type d'outil.
Mais ce n'est pas le cas de la France.
Une étude
récente conclut que les services peer-to-peer d'échanges
de fichiers musicaux favorisent l'achat de disques. Partagez-vous
ce raisonnement
?
Les cabinets d'études feraient beaucoup
de choses pour rassurer le marché... Admettons que, dans
un premier temps, les internautes téléchargent un
titre et ensuite décident d'acheter l'album. Mais affirmer
qu'en général, ces services favorisent l'industrie
du disque, je n'irais pas jusque là.
Placer
des fichiers de mauvaise qualité sur Internet pour contrer
le piratage est une méthode qui vous inspire ?
Pas trop. Il y aura toujours un internaute qui
placera un fichier de bonne qualité à côté.
Du coup, les résultats seront mitigés. Internet a
été créé pour
faciliter l'échange de données. J'ai du mal à
croire que l'on pourra arriver à maîtriser l'outil.
A moins d'entrer en collaboration directe avec les fournisseurs
d'accès Internet. Mais le message est difficile à
faire passer quand un grand FAI décide de communiquer sur
les capacités quasi-illimitées de téléchargement
de musique sur Internet en utlisant un pack ADSL... Il est clair
que les 15-25 ans qui disposent d'un accès haut débit
s'en servent en priorité pour télécharger de
la musique et des films. Nous sommes entrés en contact avec
le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) et
l'Association des fournisseurs d'accès (AFA) pour les sensibiliser
sur le sujet.
Croyez-vous
aux chances d'un portail qui propose un service légal de
musique en ligne ?
Pourquoi pas, si c'est fait en bonne intelligence.
Nous travaillons beaucoup pour des opérations ponctuelles
avec Noos, Wanadoo et Club-Internet.
Que pensez-vous
de la liquidation de Napster ?
Tout le monde s'est focalisé sur ce cas.
Napster est que l'arbre qui cache la forêt. Il faut s'attaquer
au vrai problème : Internet favorise l'échange de
contenu, mais la chaîne de diffusion n'est pas maîtrisée.
Peut-on
maîtriser le "peer-to-peer" pour l'intégrer
dans le marché de a musique en ligne ?
Non. En l'état actuel, personne n'a trouvé
un modèle économique adéquat.
Ecoutez-vous
de la musique en ligne ?
Cela va peut-être vous étonner mais
j'achète encore des CD. Je prends encore beaucoup de plaisir
à aller dans les magasins. Le marché du disque en
France est l'un des derniers qui tient encore bien. Nous avons la
chance d'avoir un répertoire local fort.
Quel
est votre site de musique favori ?
Ce n'est pas très musique mais j'aime beaucoup
le site de graphisme Mambo.vu,
".vu" pour pour les îles Vanuatu.
Le choix exotique de l'extension n'a
rien à voir avec des raisons juridiques ou fiscales. C'est
pour l'esthétisme.
Julie Demarigny
dispose d'une formation DEA "enjeux sociaux des NTIC" et
d'une maîtrise en "sciences et techniques hypermedia".
En 1995, elle débute sa carrière chez 3 Suisses Multimédia
en qualité de responsable du label 3 Suisses Musiques-Nova.
Entre 1998 et 1999, elle prend les fonctions de direction de production
chez le développeur de solutions logiciels Reef. Parallèlement,
entre 1997 et 2001, elle enseigne les NTIC à Paris 1 Sorbonne.
Depuis deux ans, Julie Demarigny est directeur général de Sony Music
eMedia.
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