JDNet. Etes-vous familier
des nouvelles technologies?
Jacques Maillot.
Même si je ne suis pas toujours très compétent, j'ai toujours été
un pionnier. En général, je choisis des collabrateurs et je leur
fais confiance. Celui que j'avais choisi pour l'informatique, j'aurais
mieux fait de le contrôler un peu plus [NDLR : le bug de l'an
2000 a gravement handicapé Nouvelles Frontières qui, à un moment
donné, "ne pouvait même plus inscrire les clients", dixit Jacques
Maillot]. Je pense qu'il faut qu'il y ait toujours des comités,
que ces comités soient efficaces et qu'il y ait vraiment un contrôle.
Je ne suis pas très chaud pour les consultants, parce qu'en général,
c'est très cher et ça ne vous rapporte rien. Mais je crois que dans
les urgences comme celle-ci, il faut un audit externe. C'est ce
que j'ai fait après nos mésaventures, d'ailleurs. J'ai utilisé Atos,
qui n'a fait que me confirmer ce que je savais
Mais c'était indispensable.
Et
quelle est votre connaissance du média Internet ?
Je vais être très franc, pas de pipeau :
je ne suis pas un grand utilisateur d'Internet. Mais dès 1995, j'ai
poussé pour que ça se développe. Et je trouve qu'actuellement ici,
en 2002, on ne développe pas assez Internet. Pour notre métier,
pour le voyage, pour tout ce qui est vols secs, semaines en pension
complète tout compris, c'est vraiment idéal. A mon avis, les agents
de voyage doivent se faire du souci. Tout tour-opérateur qui se
respecte doit développer cette formule et éviter les intermédiaires.
Il y a un investissement au départ, qu'il faut rentabiliser, mais
ça réduit vraiment les coûts de distribution.
Nouvelles Frontières
et Internet, vous résumez ça comment ?
Au départ, c'était de l'information, parce
qu'en 1995, on ne vendait pas de vol sur Internet. On voulait donner
à nos clients une information plus complète, plus percutante. Après,
on est passé à la vente. Ma position est qu'il faut une distribution
pluraliste : le call center, la vente par téléphone, Internet et
le réseau physique, parce qu'il en faudra toujours un. Par ailleurs,
ma politique reste de ne pas travailler en dehors de notre réseau
intégré.
Un des grands débats
dans le secteur est de mêler ou non offre de produits et information.
Quelle est votre position ?
Le nombre de Français qui va à l'étranger
est insuffisant, et depuis le 11 septembre, il y a encore plus de
boulot. Donc à mon avis, il faut aussi de l'information.
Quels sont votre principale
satisfaction et votre principal regret en matière d'Internet chez
NF ?
C'est très positif et je rend hommage au
boulot de Michel Bré et de son équipe. Je n'ai qu'un regret, c'est
qu'on n'ait pas été plus offensif. Qu'on continue à développer notre
réseau physique, c'est bien, mais je trouve que sur tout ce qui
est vols secs, produits simples, on peut faire plus sur Internet.
Qu'en pense TUI ?
Je ne veux pas parler à leur place mais
je crois qu'objectivement, ils n'ont pas le même enthousiasme. A
leurs yeux, ça existe, il faut continuer, mais il y a une
tendance plus forte en faveur du réseau physique. C'est à Michel
Bré et à son équipe de leur montrer toutes les perspectives de développement.
Que pensez-vous de
la concurrence ?
Le plus sérieux, c'est Dégriftour. Les autres
ont un problème d'investissement. Promovac a été repris. Karavel,
je ne trouve pas qu'ils font des étincelles. Et les classiques du
métier s'y sont mis, mais ils ne pousent pas à fond. Je ne sais
pas quelles sont les ventes du Club, mais ça ne doit pas être massif.
Je pense que les grands TO, qui ont déjà un potentiel important
en nombre de clients, seront les meilleurs. Il ne faut pas oublier
que c'est un métier où les marges sont petites et où on fait de
la marge pendant les vacances scolaires.
Vous qui avez toujours
combattu les monopoles, que pensez-vous d'acteurs comme Opodo ou
Orbitz, qui regroupent plusieurs grandes compagnies aériennes ?
Toute ma vie, je me suis battu pour qu'il
y ait plus de concurrence. Il faut être vigilant sur ces regroupements,
parce qu'on passe toujours d'une phase de concurrence à la concentration,
même si après, il se récrée toujours d'autres structures. La concurrence,
c'est fondamental. On critique toujours beaucoup l'Europe et Bruxelles.
Moi je dis heureusement qu'il y a Bruxelles pour certaines affaires.
Quelles sont à votre
avis les grandes tendances du tourisme de demain ?
On a dit que la RTT allait faire un tabac.
C'est du pipeau. Avec la RTT, c'est ceux qui ont de l'argent qui
voyagent plus, les cadres sup, ceux qui ont du pouvoir d'achat.
Celui qui a un faible pouvoir d'achat, il bricole, il est en famille,
il ne voyage pas plus. Sinon, le rôle d'un voyagiste est de répondre
aux aspirations des voyageurs. A coté des destinations basiques,
sur des formules basiques - le vol sec ou séjour -, on voit une
tendance très française, le voyage à la carte, formule intermédiaire
entre les deux précédantes. A coté des destinations classiques,
il faut en développer d'autres. Il faut par exemple relancer l'Afghanistan,
développer des destinations comme l'Iran. Il ne faut jamais être
statique, mais être curieux et créatif. Il faut aussi faire de la
pédagogie après les attentats, pour montrer que l'avion est le mode
de transport le plus sûr.
Et comment Internet
peut-il en profiter ?
C'est un média idéal pour faire jouer la
concurrence. Les voyages à la carte assez répétitifs, on peut facilement
les vendre sur Internet. Il y a aussi les groupes constitués, les
associations, les comités d'entreprise. Ces gens-là aiment bien
rencontrer un commercial, mais pour un groupe type de 60 personnes
qui veut aller passer une semaine en Tunisie, franchement, on peut
tout mettre sur Internet.
Avec le recul, en tant
qu'entrepreneur, comment analysez-vous le phénomène de la nouvelle
économie et de la bulle Internet ?
Je trouve que c'était très bien. Ce qui
me fait rire, ce sont les banquiers pour qui c'était devenu une
mode et qui ne regardaient rien. Mais ils se sont vite ressaisis,
ils sont revenus à leur formule "sous-comité et comité frileux".
En général, ils vous financent quand il n'y a pas de problème, c'est
bien connu. Je pense que la France a un problème : c'est un pays
capitaliste, qui se dit libéral, mais qui manque de capitalistes.
On a des banquiers pas très imaginatifs et qui n'ont pas tellement
le goût du risque. Et je les ai beaucoup pratiqués !
Vous vous apprêtez
à quitter Nouvelles Frontières. On vous prête beaucoup de projets,
notamment dans les médias.
C'est vrai que j'aime bien la presse et
que j'aime bien les journalistes (mais je ne'ai pas dit que tous
les journalistes étaient formidables!). Ils m'ont beaucoup aidé
à lutter contre les monopoles, contre les pouvoirs publics. Quand
je lisais un papier que je trouvais pas tout à fait exact, voire
pas tout à fait juste, j'allais en rediscuter avec le journaliste
et ça se terminait par un nouveau papier, c'est excellent !
Vous dites vous intéresser
à L'Expansion, on cite votre nom pour France-Soir. Concrètement,
que voulez-vous faire?
Je me suis toujours intéressé à la presse
et là, j'ai reçu à peu près 200 offres. J'ai aussi toute une série
d'amis qui m'ont fait des propositions et j'envisage d'investir
un peu en septembre-octobre. Au départ, je vais prendre une participation.
Je ne suis pas journaliste mais je pourrais très bien avoir un rôle
sur le plan commercial et marketing, travailler avec une équipe.
Un autre secteur, lié à mon métier, m'intéresse, c'est le marché
des seniors, où je peux organiser quelques synergies. En fait, j'irais
bien dans deux journaux, un qui n'a rien à voir avec mon métier
et un où il y a beaucoup de synergies. Un où je sens que financièrement,
il n'y a pas beaucoup de risques, et l'autre ou je prendrai des
risques. Ca a toujours été ma tactique de diviser les risques.
S'impliquer dans un
média n'est jamais sans risque
C'est vrai que dans certains journaux, on
est encore plus dur avec le propriétaire. Je crois qu'il faut que
les choses soient claires au début, mais je n'ai pas l'intention
de devenir journaliste, ni de diriger une rédaction. Je suis un
entrepreneur et c'est ça qui m'intéresse. Les secteurs difficiles,
je connais. J'ai redressé la compagnie Corsair, et je peux vous
dire que le Syndicat des Naviguants, c'est pas triste par rapport
au Syndicat du Livre ! J'aime bien me battre, j'ai 60 ans, je suis
en pleine forme, et j'ai envie de faire autre chose après trente-cinq
ans de tourisme, de prendre mon pied. Ce n'est pas défendu, on peut
prendre des risques et prendre son pied. Mais des risques calculés,
quand même.
Et la convergence des
médias, vous y croyez ?
Pourquoi ne pas monter un petit groupe de
presse et diversifier : du Net, de la radio, de la presse écrite
Je regarde l'ensemble des médias.
Quels sont vos sites
préférés, en dehors du vôtre?
Dégriftour, Anyway et Travelprice !
Qu'est-ce que vous
aimez sur Internet ?
Avoir tout de suite des produits clairs
et pouvoir faire mon choix le plus rapidement possible. En particulier
dans le domaine du voyage.
Et qu'est-ce que vous
n'aimez pas ?
Quand c'est lent. Mais ça, ce n'est pas
spécifique à Internet. Tout ce qui est lent me fait ch
Je n'aime
pas attendre.