JDNet. Un an et demi après
la fusion entre Lastminute et Degriftour, comment se déroule l'association
des deux sociétés ?
Denis Philipon.
Nous avions choisi de prendre notre temps et de procéder par étapes
pour réaliser la fusion. Cette stratégie s'est avérée
concluante puisque nous n'avons perdu aucune personne majeure et que,
pendant ce temps, nous avons réussi à maintenir le cap de
la croissance. Ce qui peut-être est moins positif, c'est que nous
avons mis du temps pour faire tout cela. Et que pendant cette période,
nous avons moins innové en matière de produits, de lancement
ou de technologie. Je pense qu'en 2001, nous avons un petit peu payé
ce retrait dû à la fusion. En France, même si nous
avons maintenu une croissance à deux chiffres, l'année 2001
est restée en-deça de nos objectifs. Aujourd'hui, nous avons
redressé la barre et les choses vont de nouveau beaucoup mieux.
Depuis trois mois, nous avons retrouvé des taux de croissance très
aggressifs, à deux chiffres toujours, mais deux gros chiffres...
Quelles sont les synergies
qui existent actuellement entre les deux sociétés ?
Elles sont totales. Il y a deux marques, mais
il n'y a qu'une équipe, des milliers de produits mais qui sont
les mêmes, des finances communes et une seule stratégie marketing.
Tout est entièrement fusionné. Il n'y a qu'une exception,
c'est la technologie, puisque les catégories vols et packages fonctionnent
encore aujourd'hui sur les technologies Degriftour qui, il faut bien l'avouer,
sont un peu vieillissantes. Le reste tourne sur la V2 des plate-formes
anglaises de Lastminute, qui ont été entièrement
développées en interne. Actuellement, le service technologie
basé en Grande-Bretagne compte 70 personnes. A long terme, le groupe
compte ne travailler qu'avec une seule plate-forme, vers laquelle nous
avons déjà commencé une migration des produits. Elle
est effective sur la partie loisirs et hôtel et elle continuera
sur les mois à venir.
Où est définie
la politique marketing et l'assortiment produits ? En
France ou en Grande-Bretagne ?
Nous sommes extrêmement autonomes. Certes,
le management est anglo-saxon, mais cela me convient. Nous partageons
avec l'Angleterre les grandes lignes de la stratégie et des méthodologies.
Mais c'est davantage un partage d'informations que des directives. Une
fois les choix validés, nous sommes très autonomes sur le
développement des produits et du marketing. La rubrique restaurants
n'existe que sur Degriftour par exemple. A l'inverse, nous n'avons pas
dl'accord du type de celui que le site anglais a signé avec Urbanbite
pour de la livraison à domicile.
Justement, l'association
avec Lasminute a-t-elle modifié le concept de Degriftour
?
Oui, mais celui de Lastminute également.
Lastminute était une entreprise plus réactive et créative.
Defriftour était plus une agence traditionnelle de voyages en ligne,
avec une forte expertise voyage. Les deux concepts se sont aujourd'hui
mélangés. Degriftour a bénéficié de
l'inspiration marketing créatrive de Lastminute et parallèlement,
Lastminute a profité de l'expertise de Degriftour sur la partie
voyages ainsi que de sa gamme très large de produits. Le concept
anglais n'a pas fondamentalement changé. Par contre, le concept
français s'est rapproché de celui de Lastminute. Aujourd'hui
nous ne sommes plus seulement sur du voyage, mais sur du loisir. Nous
ne sommes plus seulement sur du prix, mais sur une offre pléthorique.
Et enfin, nous sommes sur la dernière minute, alors que ce n'était
pas le cas avant.
Combien de produits sont
disponibles sur le site français
et que pèse
chacune des catégories de produits dans votre chiffre d'affaires
?
Nous avons sur le site des dizaines de milliers
de produits, auxquels vient s'ajouter une offre de spectacles. Grâce
à l'accord que nous avons signé en début d'année
avec France Billet [NDLR : société créée
par la Fnac et Carrefour], nous sommes en mesure de proposer sur le
site tout leur catalogue. Par ailleurs, nous avons signé un accord
avec la SNCF pour vendre des billets de train sur le site, grâce
à la solution "Ravel". Au delà, nous nous sommes
engagés à lancer une innovation par trimestre pour le consommateur.
Quant à la répartition de notre chiffre d'affaires, nous
ne communiquons pas les chiffres France. Mais notre modèle est
très proche de celui de l'Angleterre. Le voyage représente
70% de notre chiffre d'affaires et simplement 50% de nos transactions.
Tout ce qui est loisirs représente l'autre moitié de nos
transactions. Actuellement, nous touchons un client deux fois par semaine
grâce aux loisirs alors que nous
le touchons deux fois par an grâce aux voyages. Ce modèle
nous permet d'augmenter la récurrence des achats. Mais pour fonctionner,
il doit s'accompagner d'un marketing plus personnalisé et plus
régulier.
Quels outils avez-vous mis
en place pour développer la récurrence des achats
?
Nous avons d'abord, une force de frappe colossale.
Au niveau international, c'est à dire dans les neuf pays où
nous sommes présents, 4,2 millions d'abonnés reçoivent
une newsletter hebdomadaire. C'est quelque chose de très lourd
en France puisque nous représentons 55% de l'activité du
groupe. Et puis nous avons acheté il y a quelques mois Epiphany,
qui était un des prestataires de Lastminute.com en matière
de gestion de campagne marketing et de personnalisation de la relation
clients. Cela va nous permettre de mieux connaître le comportement
du consommateur.
Que représente sur
2001 la part de la marque Degriftour dans le chiffre d'affaires français
?
Aujourd'hui, la croissance est à trois
chiffres sur Lastminute et à deux chiffres sur Degriftour. Je ne
peux pas vous donner de chiffres précis. Lastminute pesait moins
de 10% des affaires du groupe France il y a un an et demi, et plus aujourd'hui.
Lastminute est en train d'assoir sa notoriété et de devenir
majoritaire dans les affaires de la France.
Quel est le chiffre d'affaires
global du groupe lastminute pour l'année 2001 ?
Le montant total des ventes a atteint 124
millions de livres en 2001 et 47 millions au quatrième trimestre,
c'est à dire jusqu'à septembre. Quant à la progression
des ventes, elle a été de 60% entre le troisième
et le quatrième trimestre et a triplé d'une année
sur l'autre avec une marge brute de 14% sur l'ensemble de l'année.
Après une année
en demi-teinte, la croissance semble revenue en ce début d'année.
A quoi l'attribuez-vous ?
A de nombreux facteurs. Le marché est
de nouveau un peu plus porteur. Ensuite, nous nous sommes recentrés
sur notre coeur de métier, c'est à dire les commandes de
dernière minute. Notre demande est là. Nous avons également
engagé deux vagues de communication plus affinées qui nous
ont permis d'aller un peu plus loin. La dernière s'est déroulée
il y a quinze jours. Nous nous sommes aussi reconcentrés sur le
produit pour étoffer l'offre et proposer des prix plus aggressifs.
Enfin, nous avons complétement changé notre stratégie
offline. Aujourd'hui, nous sommes convaincus qu'il y a une vraie demande
offline, c'est à dire que le client est prêt à consommer
online mais que la peur liée à la sécurité
des paiements existe toujours. En conséquence, nous avons un relais
téléphonique très important avec plus de cinquante
personnes.
A cet égard, quel
est votre objectif ? Déveloper les ventes online ou offline ?
Notre objectif est de maintenir une croissance
online la plus forte possible tout en l'accompagnant d'une présence
téléphonique, en mettant en avant un numéro vert.
Quels seront vos autres outils
de développement en 2002 ?
Nous allons moderniser le site dans sa globalité.
Nous allons continuer nos efforts sur la partie produits pour avoir une
gamme encore plus large en complétant notre offre de dernière
minute. Nous allons pour cela passer des accords avec des tours opérators.
Votre stratégie publicitaire
sera toujours axée sur Lastminute ?
Elle se fera sur nos deux marques et en continuité
avec ce que nous faisons depuis un an, c'est à dire un bloc marque
intégré avec les deux noms, mais en mettant toujours Lastminute
en avant. Quant aux médias utilisés, nous allons continuer
à communiquer on et offline avec la volonté toutefois de
recruter un nombre croissant d'acheteurs offline.
Vous pensez aux enchères
et aux ventes flash ?
Oui, tout à fait. Nous y travaillons
très activement et nous aurons bientôt, d'ici la fin mars,
des nouveautés dans ce sens [NDLR : le partenaire choisi est
Mixad]. Les enchères sur le Web, ce n'est pas nouveau. Mais
nous comptons l'aborder de manière novatrice et complémentaire
à notre offre.
Quels sont vos concurrents
sur le Net ?
Sur la dernière minute, nous n'avons
pas de concurrent. En revanche, nous avons des concurrents sur chacun
de nos segments. Sur la billeterie, c'est la Fnac, sur les cadeaux, c'est
Rueducommerce, sur les packages, c'est promovacances, et puis plus spécifiquement,
c'est Expedia-SNCF.
Quelles sont vos perspectives
au niveau groupe en 2002 ?
Nous projetons de continuer à avoir
une croissance à trois chiffres. En Angleterre et dans les autres
pays, nous sommes très confiants. Nous avons toujours pour objectif
d'être un intervenant majeur en Allemagne. On vient de lancer le
Japon, il y a un mois.
Quels seront vos sites préférés
?
Sporever.fr, car il est très bien
fait, et les fonctions d'Amazon.
Qu'est ce que vous préférez
sur Internet ?
J'aime sa culture internationale, son immédiateté
et sa complexité. On a voulu le réduire à quelque
chose de simple alors que c'est un média complexe sur le plan marketing,
technologique et pour en faire un business profitable.
Et qu'est-ce que vous détestez
?
Je déteste les gens qui se sont fait
le relais de bruits comme quoi Internet n'était pas sécurisé.
Cela me désole. En six ans, nous n'avons jamais eu un problème
en matière de sécurité des paiements. Aujourd'hui,
je suis impliqué dans le groupe "e-Commerce pour tous"
qui fait la promotion, avec l'Acsel, de la sécurité des
paiements sur Internet. Nous prenons un peu de retard par rapport à
nos voisins européens, et c'est dommage.