Commerce électronique:
loi applicable et juridiction compétente Par le Journal du Net (Benchmark Group) URL : http://www.journaldunet.com/juridique/juridique.shtml Lancer l'impression Mardi 10 décembre 2002
Si un contrat est conclu via l'Internet ou un autre réseau (commande par échange d'emails, via un formulaire d'achat sur le Web, par téléphone mobile etc.) entre des personnes établies dans des Etats différents, et qu'un litige survient entre elles (défaut de livraison par le cyber-vendeur, défaut de paiement dans le chef de l'acheteur etc.), la partie qui entend engager des poursuites judiciaires devra en premier lieu identifier le tribunal compétent pour connaître de l'affaire, et ensuite la loi qui régira le litige. Juridiction
compétente : un régime européen récemment modifié Dans les Etats de l'AELE (notamment la Suisse), la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 reste applicable, mais devrait sous peu être mise en concordance avec le nouveau Règlement communautaire.
Le lieu d'exécution de l'obligation litigieuse s'avérera difficile à déterminer lorsque l'exécution a lieu en ligne, par exemple en cas de téléchargement d'un logiciel. S'agira-t-il du lieu où est situé, au moment de l'exécution, le serveur du vendeur ou de son hébergeur depuis lequel le téléchargement est opéré, ou s'agira-t-il du lieu où est situé l'ordinateur (voire le téléphone portable !) de l'acheteur ? Le Règlement communautaire distingue à cet égard la vente de marchandises de la fourniture de services. Lorsqu'il s'agit d'une vente de marchandises, le lieu d'exécution sera celui où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées. En ce qui concerne la fourniture de services, ce lieu sera celui où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis. Dès lors, dans l'hypothèse d'une exécution en ligne, sera compétent le juge du lieu où ont été reçues les données téléchargées et non le juge du lieu depuis lequel elles ont été envoyées. Les
clauses de prorogation de compétence en ligne La conclusion de conditions en ligne contenant une clause attributive de juridiction sera indubitablement valable si les conditions sont confirmées par l'envoi d'un courrier électronique, dans la mesure où il s'agira d'une information consultable ultérieurement sur le disque dur de l'ordinateur de l'acheteur, tandis que le seul affichage à l'écran des conditions, suivi de leur impression à titre d'archivage, sera probablement jugé insuffisant. Tribunaux
compétents et contrats conclus avec les consommateurs - lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament
d'objets mobiliers corporels ; Le Règlement communautaire substitue au critère du démarchage préalable par le fournisseur consacré par la Convention de Bruxelles celui "d'activités dirigées" vers l'État membre du consommateur ou "vers plusieurs pays dont cet État membre". Ainsi, lorsqu'un consommateur de l'Union européenne achètera un CD sur un site étranger, il pourra toujours saisir ses tribunaux nationaux (même si les conditions générales du site prévoient la compétence exclusive des tribunaux du domicile du cyber-vendeur) dès lors que le site "dirige" ses activités vers le pays de l'acheteur (ou plusieurs pays dont le sien). Une déclaration du Conseil précise à cet égard : "que le simple fait qu'un site Internet soit accessible ne suffit pas à rendre applicable l'article 15, encore faut-il que ce site Internet invite à la conclusion de contrats à distance et qu'un contrat ait effectivement été conclu à distance, par tout moyen. A cet égard, la langue ou la monnaie utilisée par un site Internet ne constitue pas un élément pertinent." Le Parlement européen avait, quant à lui, adopté le 21 septembre 2000 une résolution plus tranchée : "la commercialisation de biens ou de services par un moyen électronique accessible dans un État membre constitue une activité dirigée vers cet État lorsque le site commercial en ligne est un site actif en ce sens que l'opérateur dirige intentionnellement son activité, de façon substantielle, vers cet autre État.. La
Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles A défaut de choix des parties sur la loi applicable à leur contrat, la Convention de Rome désigne la loi "du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits" (article 4 alinéa 1er). L'article 4 alinéa 2 présume que "le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale. Toutefois, si le contrat est conclu dans l'exercice de l'activité professionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou, si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l'établissement principal, celui où est situé cet autre établissement". Dans un contrat de vente par voie électronique, la prestation caractéristique sera toujours la livraison du bien par le vendeur. La loi applicable sera donc celle du pays de son domicile au moment de la conclusion du contrat. Loi
applicable aux contrats conclus avec les consommateurs L'on rangera parmi les "lois impératives" les dispositions protectrices du Code de la Consommation. Sur l'Internet, il est très délicat de déterminer dans quelle mesure la conclusion du contrat en ligne a été précédée dans le pays du consommateur d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité par voie électronique. Certains insistent sur le fait qu'en naviguant sur le Web, le consommateur se rend lui-même sur le site où s'opère la transaction et décide d'y conclure un contrat, ce qui constitue donc dans le chef du prestataire une attitude "passive" qui échappe à l'application de l'article 5.2 de la Convention de Rome. Opérant un raccourci, ceux-ci limitent généralement l'article 5.2 aux offres non sollicitées envoyées par courriers électroniques (le prestataire adopte alors une attitude "active"). Pareille analyse doit être nuancée. S'il est vrai que le simple fait de se rendre volontairement sur le site Web d'un fournisseur est insuffisant à caractériser dans son chef une prestation "active", il faut toutefois avoir égard aux nombreuses autres possibilités techniques de démarchage qu'offre l'Internet. A titre illustratif, un prestataire peut, avec l'aide d'une société de marketing spécialisée en la matière, faire en sorte qu'une bannière renvoyant directement à son site transactionnel apparaisse à l'écran d'un moteur de recherche lié à la société de marketing, chaque fois qu'un internaute introduit un mot clé évocateur des services offerts par le prestataire dans la fenêtre de soumission du moteur. Il nous semble que cette technique, de plus en plus couramment utilisée, relève de l'attitude active visée à l'article 5.2 de la Convention de Rome. En effet, l'internaute n'est initialement pas demandeur du service proposé. Toutefois, en pratique, il sera souvent difficile, voire impossible, pour le consommateur de prouver qu'il acheté tel bien ou souscrit tel service suite à l'apparition de cette bannière publicitaire par définition fugace, plutôt que consécutivement à une recherche volontaire. Cela étant posé, contrairement à l'avis de certains auteurs, il nous semble excessif de considérer que toute publicité susceptible d'être reçue dans l'État du consommateur justifie la mise en uvre de la protection spéciale du consommateur instituée par l'article 5 de la Convention. En effet, sauf à dénaturer complètement l'esprit de la protection instituée par article 5 de la Convention, la publicité préalable doit être conçue comme une invitation spécifiquement dirigée vers le consommateur. Cette question connaîtra probablement des rebondissements. Nous avons déjà relevé que, s'agissant de la question de la juridiction compétente, le Règlement de Bruxelles supprime le critère du démarchage au profit de celui d'"activités dirigées". Certaines voix se font déjà entendre pour étendre ce critère à la question de la loi applicable aux contrats conclus avec les consommateurs dans le cadre de la future révision de la Convention de Rome (dont les travaux ont déjà commencé). La
directive sur le commerce électronique et la clause du marché intérieur Par ailleurs, l'article premier prend soin de souligner que la directive "n'établit pas de règles additionnelles de droit international privé et ne traite pas de la compétence des juridictions". [Rédaction, JDNet] |
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