Le projet de loi
relatif à l'économie numérique passé au crible (1/5) Par le Journal du Net (Benchmark Group) URL : http://www.journaldunet.com/juridique/juridique030114_1.shtml Lancer l'impression Mardi 14 janvier 2003
Le gouvernement Raffarin a récemment dévoilé son projet de loi relatif à l'économie numérique (dite " LEN ") Ce projet de loi, qui vient remplacer le projet dit LSI (Loi sur la Société de l'Information) du gouvernement Jospin, a pour principal objectif de combler le retard de la France dans la transposition de la directive du 8 juin 2000 qui aurait dû intervenir le 17 janvier 2002. Le projet de loi aborde quatre questions cruciales
:
Le but de cet article est de faire un point sur le projet LEN tel qu'il a été diffusé en ligne fin 2002, en précisant quels sont ses apports mais aussi quels pourraient être ses manques. La version "officielle" du projet de loi devrait être présentée par Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'Industrie, mercredi 15 janvier et il faudra donc comparer les termes de cette version avec celle qui a servi de base à la rédaction de cet article.
1.1 Notion de "communication en ligne" On peut s'interroger sur ce choix qui semble figer le monde de l'Internet dans celui de l'audiovisuel alors même que chacun sait que si l'Internet permet de diffuser des programmes audiovisuels, l'Internet n'est qu'une technologie qui sert de support à bien d'autres utilisations que celle de la diffusion de programmes audiovisuels (téléphonie sur IP, courriers électroniques, Web, ftp ). Il est au surplus extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de considérer que les sites marchands relèveraient de l'audiovisuel. Considérer qu'une fiction télévisuelle et un site de vente en ligne seraient soumis à la même réglementation et au même régulateur serait sans doute une erreur. 1.2. Nomage Internet Le texte prévoit l'adoption d'un décret permettant,
en tant que de besoin, de préciser les conditions d'application de la
loi sur ce point. Au-delà de ce que dit expressément l'article on peut
aussi souligner : 1.3. Responsabilité des acteurs de
l'Internet Le projet de loi pour l'économie procède ici
à la transposition des règles définies dans la loi du 8 juin 2000 qui
aurait dû intervenir en janvier 2002. 1.3.1. Les prestataires qui fournissent l'accès
Le projet LEN confirme l'obligation qui est celle des prestataires d'accès d'informer et de fournir à leur abonnés au moins un moyen technique de restriction d'accès. On peut cependant regretter, alors même que le débat est intense pour ce qui concerne les restrictions d'accès des mineurs à des sites d'adult business, que la loi ne soit pas un peu plus directive sur ce point tant sur un aspect technique (il existe de nombreuses solutions et toutes ne sont pas "efficaces" même si ce terme n'est pas retenu dans la loi) et sur un plan juridique en prévoyant la conséquence du non respect de cette règle notamment en terme de responsabilité. Enfin on soulignera que les prestataires d'accès ne sont pas astreints à une obligation générale de surveillance. 1.3.2. Les prestataires qui stockent et qui
hébergent Le projet de loi prévoit en effet que ces professionnels
ne peuvent pas par principe voir leur responsabilité civile ou pénale
engagée : La difficulté réside bien entendu dans le fait que les prestataires, précédemment protégés par la loi en ce qu'il revenait au juge et au juge seul d'apprécier une situation et de leur enjoindre de prendre telle ou telle mesure, se voient propulser en première ligne puisque ce sont eux qui devront apprécier le caractère licite ou non d'une activité ou d'une information. Sur ce point le terme "effectivement" de la loi dont l'application relèvera de l'appréciation souveraine des tribunaux n'est pas sans poser des difficultés. Par ailleurs, le texte ne traite pas des conséquences d'une erreur d'appréciation du prestataire qui se voit confier une véritable mission d'appréciation de la légalité d'un fait fautif et n'est pas à l'abri d'une erreur en toute bonne foi. Or, sans préjuger de la qualité desdits prestataires, il est fort à parier que certains d'entre eux commettront de temps à autre des erreurs d'appréciation qui aboutiront à des suppressions non justifiées, appelant ainsi les foudres de leurs clients alors même que leur seul objectif serait de satisfaire aux exigences de la loi ; d'un autre côté ils pourront être amenés en toute bonne foi à continuer d'héberger des contenus préjudiciables mais sur lesquels ils ne pourront en pratique apprécier la réalité (en cas de contrefaçon par exemple dont la réalité peut reposer sur une simple erreur dans toute une chaîne de droit, impossible à contrôler par l'hébergeur). A l'instar des fournisseurs d'accès, les prestataires d'hébergement ne seraient pas tenus à une obligation de surveillance. Là encore si le principe est louable, cette disposition n'est pas sans poser de difficulté car bon nombre de prestataires procèdent actuellement à des contrôles ponctuels pour des raisons évidentes. Le fait même de maintenir de telles mesures de contrôle pourrait se retourner contre eux car elle pourrait être, induisant un effet inverse de celui rechercher, la preuve de ce que l'hébergeur a eu "connaissance" d'une activité ou d'une information illicite, ce qui rappelons-le déclenche leur propre responsabilité. L'article dans sa forme actuelle milite en faveur d'une remise en cause de tous les programmes de contrôle actuellement déployés par les prestataires d'hébergement sauf à prévoir, dans le cadre de la loi, que, même s'il n'y sont pas tenus, la mise en uvre volontaire de mesures de contrôle ne saurait en aucun cas se retourner contre lesdits prestataires. On peut aussi s'interroger sur le fait de maintenir dans la LEN une définition du mot "stockage" différente de celle qui figure dans la directive et qui pourrait être source de discussion quant au champ d'application de la loi elle-même.
La LEN prévoit enfin deux dispositions qui sont
communes aux prestataires d'accès et d'hébergement :
Sur ce plan, le texte est parfaitement louable mais il impliquera une fois de plus des frais à la charge des prestataires (frais de défense en justice notamment) qui ne seront avancés par les prestataires et pour ainsi dire jamais recouvrés par eux. La LEN renouvelle en matière de conservation de données d'identification une obligation à la charge des prestataires, renvoyant à un décret attendu depuis le 1er août 2000. Enfin un grand nombre de problématiques restent en suspens comme celle de la responsabilité des outils de recherche, la légitimité des liens hypertextes ou l'absence de transposition de l'article 16 de la directive du 8 juin 2000 d'une importance pourtant majeure qui, contrairement à la plupart des autres réglementations nationales, n'est pas abordée. [eric-barbry@alain-bensoussan.com] [Rédaction, JDNet] |
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