Alcool et Internet
Par le Journal du Net (Benchmark Group) URL : http://www.journaldunet.com/juridique/juridique031104.shtml Lancer l'impression Mardi 4 novembre 2003
A l'heure où les Etats-Unis décident d'interdire le commerce électronique d'alcool, quel est le cadre juridique français applicable à la publicité de produits alcooliques sur l'Internet ? La question est d'importance car les sites français foisonnent dans ce domaine. L'article L. 3323-2 du Code de la santé énonce
que la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des
boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites,
sont autorisées sur certains supports limitativement énumérés, à savoir
notamment :
La
presse écrite Quant à savoir si l'Internet doit être qualifié de presse écrite ou de presse audiovisuelle, les avis sont partagés. Une partie de la doctrine plaide pour l'assimilation à la presse audiovisuelle, et peut se prévaloir de la loi n°2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, qui distingue la correspondance privée des services de communication audiovisuelle, lesquelles comprennent, d'une part, les "services de radiodiffusion sonore et de télévision", et, d'autre part, les "services de communication en ligne". Nous ne sommes pas convaincus par cet argument. En effet, le "classement" opéré par le législateur est maladroit et ne reflète pas la réalité juridique, dans la mesure où les services de communication audiovisuelle et les services de communication en ligne sont soumis à des régimes juridiques en grande partie différents. En réalité, il nous semble que la détermination du régime applicable devrait être fonction de la nature du contenu en cause. Ainsi, un article d'un journal en ligne devrait être assimilée à la presse écrite. Telle fut d'ailleurs la conclusion du tribunal d'instance du 11e arrondissement de Paris dans un jugement du 3 août 1999, qui a considéré que le contenu d'un site Web à vocation informationnelle était assimilable à une publication de presse au sens de l'article 1er de la loi du 1er avril 1986 qui définit la publication de presse comme étant "tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de public et paraissant à intervalles réguliers". Certes, certains textes prévus pour l'un ou l'autre support ne s'appliqueront pas toujours facilement à un environnement virtuel (le droit de réponse par exemple), mais le principe nous semble devoir s'imposer à l'avenir, au risque de créer des discriminations injustifiables. Par conséquent, nous plaidons pour l'assimilation à la notion de presse écrite, visée à l'article L. 3323-2 du Code de la santé, de tout contenu publicitaire sur l'Internet qui en revêt les caractéristiques. Ainsi, une publicité pour de l'alcool dans un journal en ligne devrait être admise au même titre qu'une publicité identique dans un journal papier, tandis qu'une publicité en faveur d'une boisson alcoolisée dans un clip vidéo téléchargeable sera interdite. Bien entendu, la publicité, si elle est admise dans son principe, devra être conforme aux prescriptions du Code de la santé quant à son contenu (notamment : comporter un conseil de modération et "ne comporter aucune incitation dirigée vers les mineurs, ni évoquer d'aucune façon la sexualité, le sport, le travail, les machines et véhicules à moteur"). Affichettes
à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé Publicités
dans des messages, circulaires commerciales, catalogues et brochures
Il est souvent tiré argument des travaux parlementaires pour plaider en faveur d'une telle assimilation. En effet, ainsi que le relève le Conseil d'Etat dans son rapport "Internet et les réseaux numériques", "il ressort de l'examen des travaux parlementaires que le législateur souhaitait inclure dans [la] liste les messages adressés par Minitel ou par téléphone. Est-il dès lors possible d'assimiler Internet au Minitel et de considérer que l'interdiction de la publicité en faveur de l'alcool, qui pour l'essentiel concerne la télévision, ne vaut pas pour les services en ligne ?". Selon nous, au lendemain de la consécration législative de l'écrit électronique en droit français, la réponse doit être affirmative. [Rédaction, JDNet] |
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