Pub télé et secteurs interdits : les origines et les effets du décret
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Mardi 18 novembre 2003

Par Anne Cousin
et Carine Piccio
Alain Bensoussan Avocats
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La vie privée online (17/06/03)

Le décret du 27 mars 1992, qui interdisait la publicité télévisée pour la grande distribution, la presse écrite, l'édition et le cinéma, au nom du maintien de la diversité de l'offre culturelle et du pluralisme des médias, vient d'être modifié par un décret du 7 octobre 2003.

Les restrictions de la publicité télévisée ont pour objectif déclaré de privilégier d'autres supports et d'éviter un accès exclusif des grands groupes à la publicité télévisée au détriment des autres. L'interdiction de la publicité pour le cinéma à la télévision visant, quant à elle, à protéger la diversité culturelle.

C'est l'apparition des nouveaux modes de communication audiovisuelle qui a poussé certains acteurs à réclamer une évolution de la réglementation. Dès l'année 2000, le Conseil supérieur de l'audiovisuel était ainsi amené à examiner la possibilité d'autoriser les entreprises des secteurs interdits à diffuser de la publicité à la télévision pour leurs sites internet.

Le 23 février 2000, le CSA a considéré que les activités des sites Internet constituaient un secteur économique nouveau et spécifique, justifiant que les restrictions d'accès à la publicité télévisée ne leur soient pas appliquées (communiqué de presse n°414 du 23 février 2000). C'est en raison de l'évolution de ce nouveau marché et de sa dimension internationale que le CSA indiquait qu'il allait étudier à nouveau au terme d'une période de dix-huit mois les conditions d'accès à la publicité télévisée des sites Internet des entreprises des secteurs interdits.

Toutefois, le 3 juillet 2000, le Conseil d'Etat, saisi de plusieurs recours dirigés contre ce communiqué du CSA, l'a annulé. En effet, selon le Conseil d'Etat, il appartenait au ministre, par décret en Conseil d'Etat, et non au CSA, de définir les règles applicables à la publicité télévisée. Cet arrêt a donc implicitement étendu l'interdiction posée par l'article 8 du décret de 1992 à la publicité télévisée pour les sites Internet des entreprises des secteurs interdites de publicité sur le petit écran

Mais, c'est à la suite d'une plainte déposée en 1996, que la Commission européenne a adressé en septembre 1997 à la France, une première demande d'information, réitérée trois ans plus tard, portant exclusivement sur le secteur de la distribution, à laquelle le gouvernement français a répondu.

En avril 2001, la Commission adressait une nouvelle demande qui s'intéressait désormais à l'ensemble des quatre secteurs interdits. Entre temps, deux concertations avaient été conduites, respectivement en juillet 2000 et 2001, à la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat du 3 juillet 2000 et pour la rédaction des décrets d'application de la loi du 1er août 2000 sur la télévision numérique terrestre.

Toutefois, après une plainte déposée en octobre 2001 par le Syndicat de la presse magazine d'information, la Commission européenne a adressé le 7 mai 2002 à la France un avertissement sur la contrariété de l'interdiction de certains secteurs avec deux des objectifs d'intérêt général du Traité de Rome, la sauvegarde du pluralisme et la diversité culturelle.

La position de la Commission européenne porte sur la compatibilité de la réglementation sur les secteurs interdits de publicité audiovisuelle avec l'interdiction des restrictions à la libre-prestation de services, sur laquelle la Cour de Justice des Communautés Européennes n'a pas eu à se prononcer, bien que l'interdiction soit admise si la disposition est non discriminatoire, justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et qu'elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.

Si la France a rejeté les arguments juridiques de la Commission, elle a malgré tout offert d'ouvrir une concertation spécifique sur l'ouverture des secteurs interdits, qui a abouti sur l'adoption le 7 octobre dernier du décret autorisant la publicité audiovisuelle aux secteurs qui jusque là n'y avaient pas accès.

Le tout nouveau dispositif prévoit à compter du 1er janvier 2004 une ouverture générale à la presse écrite, et sur les chaînes du câble et du satellite pour l'édition et la distribution. L'ouverture aux services de télévision à vocation nationale diffusées par voie hertzienne interviendra pour ces deux secteurs le 1er janvier 2007. Au nom de l'exception culturelle, le gouvernement a toutefois maintenu l'interdiction pour le cinéma.

[anne-cousin@alain-bensoussan.com
et
carine-piccio@alain-bensoussan.com]

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[Rédaction, JDNet]