24/04/01
B
to B, les raisons d'y croire
Le
commerce interentreprise via Internet, le B to B, déchaîne
les commentaires les plus controversés. D'un côté les
analystes de marché, se situant à un niveau macro économique
élevé, constatent que les échanges commerciaux sur le
réseau ne pourront que s'accroître et avancent des prévisions
insolentes dans un contexte plutôt morose. Ainsi, les
analystes du Gartner Group ont prédit que le volume
total des transactions B to B atteindrait 8500 milliards
de dollars en 2005. Cela représente plusieurs fois le
produit intérieur brut d'un pays comme la France, mais
on ne sait pas exactement ce que cela recouvre.
Le chiffre avancé par les analystes du cabinet américain
se situe dans la droite ligne des prévisions d'avant
le krach des valeurs Internet de l'automne dernier.
C'est pour cela qu'il irrite certains observateurs (lire
à ce sujet l'article B-to-B-ing
Optimistic de The Standard). Ces derniers posant
clairement la question : comment peut-on continuer à
affirmer que les échanges commerciaux sur Internet vont
progresser significativement alors que les places de
marché créées l'an dernier n'ont pas atteint des résultats
significatifs et que les résultats des grands fournisseurs
de logiciels d'échanges électroniques, tels Ariba et
Commerce One, ne sont pas au rendez-vous ?
Des
services Web très standards
La remarque
est légitime mais je pense que les volumes d'échanges
commerciaux sur le Net vont continuer à croître irrémédiablement.
Pour des raisons technologiques et économiques. Technologiques
tout d'abord. Comme l'a fort bien expliqué dernièrement
Alain Lefebvre (voir
article), la place de marché n'est sans doute pas
le bon modèle d'affaires pour le B to B. En revanche,
les services Web, reposant sur des standards (http et
XML en particulier), seront amenés à se développer car
ils seront synonymes de gains de temps entre partenaires
industriels. Ces technologies devraient réussir là où
les EDI (échanges de données informatisés) ont échoué,
surtout dans les PME, parce qu'ils étaient trop chers
et trop complexes à mettre en place. Tout simplement
parce que les EDI n'ont pas bénéficié, à l'époque où
ils ont été conçus il y a une vingtaine d'années, du
support d'échanges mondialement reconnu qu'est Internet.
Raisons économiques
ensuite. En France, où l'adoption des nouvelles technologies
n'est pas des plus rapides, la dynamique B to B est
tout de même bien lancée. Ainsi l'étude "Le commerce
B to B sur l'Internet en France" de Benchmark Group
estime pour l'année 2000 à environ 750 millions d'euros
le montant de ces échanges. Ce chiffre, qui comptabilise
l'ensemble des commandes, qu'elles soient ou non accompagnées
d'un règlement en ligne à l'exception de toute opération
effectuée sur des extranets privés, a été multiplié
par trois par rapport à l'année 1999. Mieux, pour 65%
des marchands interrogés dans l'étude, l'activité de
vente en ligne était d'ores et déjà rentable à fin 2000
et plus de la moitié d'entre eux vise une rentabilité
au plus tard dans un an.
Attention
à la techno-béatitude
Mais
attention : le développement des échanges B to B à travers
des services Web, si l'on reprend l'expression marketing
des fournisseurs comme IBM, Microsoft, Sun et Hewlett-Packard,
ne se fera pas sans effort. Les technologies, sur lesquels
ils reposent sont de plus en complexes même si elles
sont standardisées. De plus, elles impliquent l'ensemble
du système d'information de l'entreprise et demanderont
du temps pour être mises en uvre et maîtrisées. Il
faudra donc s'armer de patience pour convaincre les
directions générales que les projets entrepris dans
ce sens ne seront sans doute pas opérationnels dans
les trois mois à venir mais qu'il est néanmoins indispensable
de les lancer.
Bref, il faudra faire preuve d'un peu de maturité car
une chose est certaine : la techno naïveté - l'engouement
irréfléchi pour des technologies miracles - n'a jamais
payé. A ce jeu-là, l'Europe a toute ses chances. Elle
a fait preuve d'un conservatisme en matière de commerce
électronique qu'il était de bon ton de critiquer l'an
dernier. Au lieu de lancer des dot-com à tout va comme
aux Etats-Unis, les grands groupes européens ont apparemment
réfléchi sur la manière d'intégrer le commerce électronique
à leurs modèles d'affaires et leur processus existants.
Cette réflexion les placerait en bonne place dans la
compétition face aux entreprises américaines. Ce n'est
pas moi qui le dit, mais les analystes du Gartner Group.
[Pierre
Lombard, Directeur e-business Benchmark
Group]
|