Procès
Microsoft : l'Union européenne prend le relais des Etats-Unis
Alors que son procès anti-trust se termine aux Etats-Unis, Microsoft voit les ennuis ressurgir du côté de l'UE. Le géant tente la voie du compromis. (Mercredi 15 mai 2002)
Microsoft n'aura pas le temps
de souffler : le jugement de la cour américaine
n'a pas encore été rendu que le géant
du logiciel est déjà engagé dans
une autre bataille avec l'Union Européenne. Mario
Monti, le commissaire de la concurrence pour l'UE a en
effet laissé entendre dans un article
du Financial Times que la Comission s'apprêtait
à prendre des mesures de grande ampleur contre
l'abus de position dominante dont Microsoft a été
accusé en août dernier.
La nature exacte des sanctions n'a pas encore été
précisée par la Comission Européenne,
mais il semble bien que le Media Player de Microsoft soit
au coeur de toutes les discussions. Des sources proches
de la Commission font également état d'amendes
qui pourraient atteindre dix pour cent du chiffre d'affaires
de Microsoft.
La
commission a averti que sa décision n'interviendrait
pas avant plusieurs mois. Mais Microsoft prend le problème
très au sérieux, puisque ses avocats ont
pris contact avec l'Union Européenne pour lui proposer
une solution à l'amiable. Détail intéressant
: selon John Franck, le principal avocat européen
de Microsoft, les concessions proposées par la
firme de Redmond vont bien au delà de celles qui
ont été offertes à la justice américaine.
Selon John Franck toujours, les propositions du géant
du logiciel sont au nombre de deux : accroître le
volume des informations partagées par Microsoft
avec les autres éditeurs et faciliter l'interopérabilité.
Deux concessions qui figurent au coeur même des
préoccupations de la Commission européenne.
Deux
fronts La tension au siège de Microsoft est
d'autant plus palpable que le procès américain
en est à ses dernières palabres, et que
le jugement pourrait être rendu dés le mois
de juillet. Pour mémoire, Microsoft était
arrivé en 2001 à un accord
avec le département de justice Américain
et 9 des Etats qui le poursuivaient. Mais neuf autres
Etats plaignants avaient refusé cet accord,
renvoyant Microsoft à un nouveau procès -
qui se déroule en ce moment même. Le 17 Juin
prochain, les derniers plaidoyers seront clos, laissant
quelques semaines au juge pour apporter ses conclusions.
Selon les experts, il est peu probable que le juge impose
une nouvelle solution : sa décision devrait suivre
les réquisitions des plaignants, ou revenir au
compromis accepté par le département d'Etat.
Sur le front Européen,
la bataille commence à peine. Selon Maître
Huybrechts, du cabinet De Meester, Ballon, Billiet &
Co, "si un accord n'intervient pas dans les mois
qui viennent, la commission se prononcera. Mais l'affaire
ne sera pas close pour autant : Microsoft a des possibilités
de recours. L'entreprise peut faire appel auprès
de la Cour de Justice de la Communauté Européenne.
Et le processus pourrait au final traîner en longueur,
tout comme aux Etats Unis". Quant à la décision
qui émergera de cette bataille, il semble que "l'UE
pourrait être plus sévère que les
Etats-Unis : la procédure américaine est
plus souple, tandis que le juge Européen a une
moins grande marge de manoeuvre".
Une
longue saga en perspective Pour autant,
tout n'est pas perdu pour Microsoft : Il est peu
problable que la commission souhaite faire un exemple
du cas Microsoft. "A ma connaissance, c'est la première
fois que le droit de la concurrence européen s'attaque
à une grande entreprise américaine, essentiellement
basée à l'étranger. Dans cette affaire,
les considérations politiques pèseront lourd
sur la décision de l'UE. Pour l'Europe, il serait
particulièrement risqué de faire de Microsoft
une victime : les relations commerciales entre les Etats
Unis et l'UE sont déjà très tendues.
A mon avis, la décision de la Commission sera logiquement
très pondérée, et très argumentée".
Les choses ne se feront
donc pas dans la précipitation. De son côté,
Microsoft mise sur une batterie d'arguments pour gagner
les deux batailles qu'il mène de front. Pêle
mêle, Microsoft soutient que le retrait du Media
Player ne serait pas profitable au consommateur, qu'il
dégraderait les performances globales de Windows,
et surtout qu'une telle injonction serait techniquement
impossible à mettre en oeuvre. Toutefois, Microsoft
est revenu ces derniers jours sur ses propos : la supression
du Media Player serait non plus impossible, mais difficile
à réaliser - les API
sans lesquelles Windows ne peut fonctionner seraient en
effet contenues dans le Media Player. Les Etats plaignants
ont d'ailleurs voulu présenter au juge une version
de Windows dépourvue du Media Player. Initialement
prévue pour le 15 mai, la démonstration
a été ajournée à cause d'une
erreur de procédure. En dépit de ce vice
de forme, le juge serait largement convaincu de la possibilité
de faire tourner Windows sans le Media Player et sans
Internet Explorer.
Dernière revendication
de la firme de Redmond : selon Bill Gates, empêcher
l'intégration de ses applications en bundle
dans Windows XP reviendrait à geler la R&D
de Windows pendant dix ans. Un argument pour le moins
étonnant car, si Microsoft perd avec Windows un
cheval de Troie que ses concurrents lui envient, l'éditeur
deviendra-t-il pour autant incapable de diffuser ses produits
satellites dans le monde ?