Trop avant-gardiste, Xerox ? Peut-être...
Mal gérée par le passé ? Sans doute...
L'entreprise a fait l'objet d'une abondante littérature
commentant le décalage entre les innovations majeures
issues du Xerox Palo Alto Research Center (PARC), fondé
en 1970, et l'incapacité de l'entreprise à
en tirer profit - laissant d'autres acteurs commercialiser
ces avancées technologiques dont le management
de Xerox n'a pas su voir le potentiel.
Si l'histoire est devenue exemplaire, elle ne doit pas
faire oublier que le géant de la photocopieuse
aura largement contribué aux avancées technologiques
de l'informatique.
Le
PARC, berceau d'innovation
Mentionnons pour fixer les idées quelques
unes des réalisations élaborées
ou étendues par le Xerox PARC dans les années
70: notamment la première interface graphique
utilisateur (GUI), dont les éléments constitutifs
nous sont aujourd'hui devenus familiers (fenètres,
menus, boutons, icones), et avec laquelle l'utilisateur
interagissait soit avec le clavier, soit avec un dispositif
de pointage comme la souris. La souris, justement, inventée
en fait au début des années 60 par Douglas
Engelhart au Stanford Research Institute, a été
redessinée au PARC (après y avoir été
introduite par Bill English, qui a travaillé
avec Engelhart) où elle a pris grosso modo
la forme que nous lui connaissons.
Mais restons un instant sur le PUI (PARC User Interface),
premier WIMP (Windows Icons Menus Pointing device),
qui comprenait de multiples inventions, toutes dues
au Xerox PARC: l'affichage bitmap, les changements d'apparence
du curseur suivant le mode d'utilisation, les menus
"pop-ups" et hiérarchiques, les fenètres
superposées, les scroll bars, les boutons
poussoirs, les boutons radions, les cases à cocher,
les boites de dialogues, les concepts de "Déplacer,
copier, effacer" et "Couper, copier, coller
à la souris", etc.
L'interface et la souris ont équipé notamment
l'un des premiers ordinateurs de bureau, la station
de travail Star commercialisée (ce fut un échec)
en 1981.
Le protocole réseau Ethernet est également
sorti du PARC, où Bob Metcalfe et son assistant
David Boggs ont travaillé plusieurs années
(de 1973 à 1976, surtout) à parfaire le
principe.
Citons également le langage orienté-objet
Smalltalk, précurseur des Objective-C ou autres
Java; ou encore le premier éditeur de texte WYSIWYG,
Bravo, développé pour l'ordinateur Alto
en septembre 1974.
Actes manqués
Hélas, derrière cette liste
impressionnante se cache une série d'actes manqués,
dont les deux exemples les plus marquants sont certainement
les suivants:
- En 1979, Metcalfe (l'inventeur
d'Ethernet) quitte Xerox pour forme 3Com et parvient
à imposer son protocole comme un standard: l'objectif
est atteint et 3Com prospère, alors que l'idée
aurait pu être exploitée par Xerox des
années plus tôt.
- Au tout début des années 80, Steve Jobs
visite le PARC et - selon la légende - récupère
les concepts du Star (GUI, souris) pour l'Apple Lisa
et plus tard (1984) le Macintosh... Tandis qu'en 1985
sont Windows 1.0, largement inspiré de ce même
Macintosh. On connait la suite et le succès des
deux plates-formes, là où Xerox n'avait
connu que des flops commerciaux - quand tentative commerciale
il y avait.
Peu à peu, Xerox va donc perdre de sa superbe,
et continuer de passer à côté de
nouvelles opportunités de croissance, notamment
en sous-estimant, plus tard, le marché des imprimantes
jet d'encre, où l'entreprise laissera à
HP une marge d'avance trop importante.
Des
hauts et des bas financiers
Issue de Haloid
Co., entreprise de matériel photographique fondée
en 1906, Xerox s'est rendue célèbre avec
le 914, premier copieur xérographique, développé
pendant 14 ans et commercialisé en 1959. Le succès
est tel qu'en 1973, alors que le 914 est retiré
de la vente, Xerox est pratiquement devenu le synonyme
de "photocopie".
Détenteur de brevets
ayant expirés au début des années
70, Xerox voit sa part de marché s'éroder
considérablement, passant de 95% vers 1973 à
13% en 1982 - l'époque ou les innovations du
PARC commencent à véritablement profiter
à d'autres... Se reprenant au tournant des années
90, sous la direction de David Kearns puis de Paul Allaire,
l'action Xerox atteint un record en mai 1999, à
64 dollars, peu avant le départ d'Allaire, remplacé
par Richard Thoman.
Dès lors, plus rien
ne va: 198 millions de dollars de perte sur le dernier
trimestre 2000, des fondations tellement ébranlées
pour que l'entreprise passe près de la banqueroute,
et, treize mois après sa nomination, Thoman est
remercié. Son erreur principale: trop de dépenses
dans l'espoir de concurrencer HP sur le marché
du jet d'encre. Si, en 2002, et malgré la crise,
la situation financière s'est quelque peu assainie,
elle reste instable et marquée par la dette.
D'un autre côté, Thoman souhaitait moderniser
l'image de Xerox, ne pas lui faire rater un train supplémentaire
- celui de l'ère Internet.
D'un point de vue économique tout au moins, il
n'y sera pas parvenu.
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