A la mode l'urbanisme des
systèmes d'information ? Sans aucun doute, mais
cet engouement des analystes et de la presse ne doit pas
masquer la réalité de chantiers conduits
depuis bien longtemps déjà dans certaines
entreprises.
L'exemple de TotalFinaElf
est à ce titre instructif: en 1989, la direction
financière de la branche Exploration/Production
(EP) se trouve confrontée à un existant
disparate dans les systèmes de gestion des différentes
filiales de la branche, et à un besoin de cohérence
dans les procédures et les solutions techniques
utilisées.
Cartographie
centrée sur l'information
Sont concernées la gestion comptable & financière,
bien sûr, mais aussi les achats, la logistique,
ou encore la maintenance et l'inspection des sites de
production. François Gouttiere, alors responsable
de la maîtrise d'ouvrage des Systèmes d'Information
de Gestion, pilote à l'époque un réseau
informel, composé de collaborateurs issus des
différents métiers, et travaillant en
partenariat avec le département informatique.
Ce réseau commence
à réfléchir, à partir d'un
projet pilote mené dans une filiale de la branche
EP, à la fois "à la manière
dont ce pilote peut être transposé dans
les autres filiales, mais aussi au moyen de bâtir
une vision-cible des besoins de celles-ci : après
un an de travail, cette vision a rejoint l'analyse de
portabilité du modèle pour aboutir à
un référentiel permettant de présenter
à la direction générale et aux
filiales un planning de déploiement et d'opérer
un choix d'outils", précise François
Gouttiere.
Marc Prédal, directeur
de mission chez Oryx, qui a accompagné le projet
dans ses principales phases, insiste sur la démarche
de cartographie des processus. Il ne s'agissait pas,
en effet, de décrire des procédures de
transmission de documents - celles-ci étant trop
liées à une organisation ponctuelle -
mais bien "de partir d'éléments plus
intangibles, à savoir les données, et
de définir leurs transformations et les liens
entre elles", ajoute François Gouttiere.
Autre avantage, selon Marc Prédal : "le
temps de modélisation est ainsi réduit
considérablement".
Une
démarche légitimante...
Double conséquence
de la démarche: d'une part le système
applicatif final a pu être simulé sans
préjuger d'une solution technique particulière,
tout en posant de solides bases pour en choisir une,
d'autre part la démarche a eu pour effet de "légitimer
la refonte de certaines procédures, et s'est
apparentée à un exercice de rigueur qui
a introduit plus de cohérence entre les métiers.
On a assisté à un phénomène
d'apprentissage et d'acculturation de certains responsables
métiers autour d'une réflexion sur les
systèmes d'information", se souvient François
Gouttiere.
Particulièrement,
le système réalisé aura permis
d'affiner dans les filiales le contrôle des coûts
en positionnant celui-ci au bon moment, avec deux effets
positifs: un meilleur respect des budgets, et une meilleure
visibilité des achats et des stocks . D'une manière
générale, il aura éliminé
des redondances fortes en rendant possible une gestion
commune de données métiers. Conduite en
bonne intelligence avec le département informatique,
la refonte aura également facilité le
travail de ce dernier, en introduisant une plus grande
clarté dans les besoins.
Au milieu des années
1990, le référentiel résultant
de cette volonté d'urbanisme sert à paramétrer
(notamment en définissant des profils), tester
et déployer l'architecture retenue (un ensemble
de progiciels, dont SAP pour la part la plus large).
Selon Marc Prédal, "la cartographie, en
permettant la réalisation de scénarios-cibles,
a levé, grâce à la simulation, des
problèmes importants préalablement à
la phase d'implémentation". Parmi ces problèmes
figuraient notamment les contraintes liées au
caractère réparti des systèmes
choisis, notamment lorsque des centres de production
isolés devaient être reliés au système
central.
...
qui s'impose à travers deux fusions successives
En 1998, Total
fusionne avec Fina, puis avec Elf en 2000: dans les
deux cas, la transposition des résultats issus
de l'urbanisme a facilité la convergence des
systèmes et des pratiques des trois groupes.
Néanmoins, tout
ceci n'a concerné que le SI de gestion de la
branche EP, les autres branches du groupe menant de
leur côté des efforts similaires mais distincts.
Pour l'heure, François Gouttiere, fort du succès
de la démarche entreprise plus de dix ans auparavant,
travaille à décliner au quotidien l'approche
dans la direction financière de la holding, ce
qui "impose un réglage fin, à savoir
trouver le bon niveau de formalisme entre pragmatisme
et pérennité des réflexions. Par
ailleurs, il manque là l'aspect projet et son
côté mobilisateur, ce qui n'empêche
pas, pour l'instant, un bon répondant du côté
des métiers".
Et d'ajouter: "Aujourd'hui,
il est primordial de mener une réflexion un peu
globalisante: mesurer l'impact d'une décision
par rapport à l'ensemble. L'importance des coûts
informatiques dans le budget de fonctionnement de la
direction financière de la holding impose de
maîtriser cet aspect, tout en travaillant en transparence
avec la direction informatique".
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