Selon une récente étude de la Business
and Software Alliance, le taux de copies illicites de logiciels professionnels
en 2002 serait particulièrement élevé en France qui fait
ainsi figure de mauvais élève, avec 43%, par comparaison avec d'autres
pays européens, tels que le Royaume-Uni (26%) ou l'Allemagne (32%). (Etude
conduite par l'International Planning and Research Corporation dans 85 pays -
juin 2003).
Bien
que la copie illicite de logiciel constitue un acte de contrefaçon, réprimée
tant sur le plan civil que pénal, il semblerait que de nombreuses entreprises
n'aient pas conscience des sanctions encourues. A ce jour, les peines dont les
contrefacteurs sont passibles s'élèvent à 150.000 €
d'amende et deux ans d'emprisonnement. Demain, si le projet de loi relatif aux
évolutions de la criminalité est adopté*, la peine d'amende
pourrait être doublée, et la peine de prison fixée à
trois ans.
Plus surprenant encore, les entreprises ignorent
parfois qu'elles commettent des actes de contrefaçon. En effet, le matériel
informatique qu'elles achètent contient bien souvent des logiciels, et
il peut arriver que l'installation de ces logiciels ait été réalisée
sans l'autorisation des éditeurs. Ainsi, deux revendeurs parisiens ont
été condamnés à environ 45.000 € de dommages
et intérêts (300.000 F) pour avoir commercialisé des copies
illicites de logiciels, qu'ils présentaient comme un geste commercial.
Il faut cependant admettre que la jurisprudence n'est pas très abondante
en cette matière, les litiges donnent souvent lieu à des transactions,
et les éditeurs de logiciels sont parfois réticents à engager
de telles procédures en raison d'un risque potentiel d'atteinte à
leur image, ce qui ne contribue pas à la prise de conscience du problème
par les entreprises.
La situation existante pourrait bien évoluer
car les législateurs français et européen entendent fermement
combattre ce fléau qu'est la contrefaçon, compte tenu notamment
de ses incidences sur la vie économique. Au-delà du manque à
gagner pour l'Etat français et la Communauté européenne (TVA
et droits de douane), il est fréquemment mis en évidence que la
réduction du taux de piraterie dans le secteur du logiciel pourrait créer
des emplois. Pour contribuer à cette lutte, les éditeurs de logiciels
disposent d'ores et déjà d'un arsenal législatif fort complet
pour réprimer la copie illicite.
La France, exemplaire pour sa procédure
de saisie-contrefaçon
En particulier, et cette fois la France fait plutôt
figure d'exemple, il existe dans le Code de la propriété intellectuelle
une procédure spécifique applicable à la violation des droits
de propriété intellectuelle, la saisie-contrefaçon (articles
L 332-4 et suivants). Cette procédure permet aux éditeurs de logiciels
de procéder à des saisies réelles ou des saisies de nature
conservatoire, dites saisies description, de copies illicites de logiciels. Pour
cela, deux options sont possibles.
La première consiste à saisir le
Président du Tribunal de grande instance afin qu'il autorise le demandeur
par ordonnance à procéder aux opérations de saisie. La saisie
s'effectue alors en présence d'un huissier ou d'un commissaire de police
et bien souvent d'un expert, à même d'assister l'huissier dans cette
procédure où la dimension technique est déterminante. Le
Tribunal peut ordonner la constitution d'une garantie, le plus souvent une caution,
de nature à prévenir l'éventuel préjudice subi par
le tiers saisi. Enfin, le demandeur a l'obligation d'engager une procédure
judiciaire à l'encontre du tiers saisi dans les quinze jours de la date
à laquelle la saisie a eu lieu, faute de quoi la saisie sera considérée
comme nulle.
Une seconde option est néanmoins possible
sans qu'il soit nécessaire d'obtenir une autorisation judiciaire préalable.
Il s'agit de la saisie-contrefaçon effectuée par un commissaire
de police. Mais, dans ce cas, seule la saisie description est possible.
Toute procédure de saisie-contrefaçon n'est toutefois pas sans risque
pour celui qui l'initie puisque si le demandeur n'obtient pas gain de cause, il
peut se voir condamner à réparer le préjudice subi par le
tiers saisi outre une éventuelle condamnation pour procédure abusive.
Une procédure bientôt étendue
à la Communauté Européenne
La procédure de saisie-contrefaçon
sur Ordonnance devrait bientôt être applicable dans tous les pays
de la Communauté européenne puisqu'une proposition de Directive
du 30 janvier 2003 prévoit que les Etats membres devront mettre en place
une telle procédure.
Les autorités judiciaires compétentes
pourront ainsi en cas d'atteinte réelle ou imminente à un droit
de propriété intellectuelle autoriser soit une description détaillée
des marchandises litigieuses soit leur saisie réelle. Il sera nécessaire
pour le requérant, tout comme en droit français, d'engager une action
judiciaire, mais cette fois dans un délai fixé à trente et
un jours après la saisie.
Attention au sort des licences de logiciels
en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
Dans le cas de l'achat des actifs d'une société
en redressement ou en liquidation judiciaire, le repreneur peut également
se trouver en situation de contrefaçon s'il n'est pas vigilant.
En effet, il est habituellement stipulé
dans les contrats de licence de logiciels qu'ils ne sont ni cessibles ni transmissibles.
Or, dans le cadre d'un plan de cession, seuls sont transmis certains types de
contrats nécessaires au maintien de l'activité de l'entreprise (article
L 621-88 du Code de commerce). Ces contrats peuvent être des licences de
logiciels, puisque sont notamment visés "les contrats de fournitures
de biens ou services", dont la liste est arrêtée par le Tribunal
qui autorise le plan de cession.
Quand bien même le repreneur aura pris la
précaution de préciser dans son offre qu'il entend reprendre telle
ou telle licence de logiciel (avec naturellement les contrats de maintenance),
le Tribunal pourra en effet estimer que la licence n'est pas un contrat nécessaire
au maintien de l'activité de l'entreprise et ne pas la lister parmi les
contrats cédés.
Faute de se rapprocher des éditeurs des logiciels concédés
en licence à la société cédée, le repreneur
pourrait alors être considéré comme contrefacteur.
Les entreprises doivent donc bien garder à
l'esprit que toute utilisation d'un logiciel sans autorisation constitue un acte
de contrefaçon, et que, même dans des circonstances où l'on
pourrait croire être dans son bon droit, il convient d'être vigilant.
*Projet de loi portant adaptation de la justice
aux évolutions de la criminalité, adopté par l'Assemblée Nationale en première
lecture le 23 mai 2003.
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