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Larry Ellison, "l'autre milliardaire du logiciel"
Marqué par le conflit, le patron d'Oracle est adepte des grandes batailles comme celle menée contre PeopleSoft. Artisan d'une formidable réussite professionnelle, il fait parler de lui pour ses méthodes, ses petites phrases, ou sa passion pour les bateaux.  (Lundi 1 mars 2004)
              
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Le fondateur et PDG d'Oracle, âgé aujourd'hui de 59 ans, et milliardaire, est une star. Si tout le monde le compare à Bill Gates, c'est d'abord parce que tous deux ont suivi des parcours similaires au sein du même secteur (le logiciel) : création d'entreprises dont ils sont les patrons indéboulonnables (malgré des subtilités hiérarchiques pour Gates), succès financiers considérables, rares talents pour le marketing, etc. Mais c'est aussi parce qu'Ellison lui-même s'est dépeint comme l'alter ego de Gates.

Pourtant les deux hommes sont très différents. Si, l'un comme l'autre, personnalisent certainement de façon excessive leurs sociétés respectives (dans le sens où leur départ aurait un impact majeur sur celles-ci), Ellison a su compenser en partie le déficit de notoriété lié au domaine d'activité d'Oracle (le grand public s'intéresse évidemment plus aux systèmes d'exploitation, aux navigateurs et aux logiciels de lecture audio/vidéo qu'aux systèmes de gestion de bases de données et aux progiciels de gestion) par une personnalité médiatique indéniable, faite de déclarations fracassantes, d'intenses passions extraprofessionnelles, d'une vie privée mouvementée et d'un autoritarisme dont les mauvaises langues pourraient ajouter qu'il tire vers la mégalomanie.

Un parcours complexe et risqué

Ellison se présente lui-même comme un homme marqué et défini par le conflit. Dans Softwar: An Intimate Portrait of Larry Ellison and Oracle (une biographie écrite par Matthew Symonds mais abondamment annotée par Ellison lui-même), sont décrites ses oppositions, dès l'enfance à son père adoptif, puis à ses professeurs, et plus tard à ses rivaux en affaires.

Né en 1944 dans le quartier du Bronx à New York, Ellison a été élevé par la grand-tante et le grand oncle de sa mère dans un quartier juif middle-class du sud de Chicago. Etudiant en science à l'Université de l'Illinois, il n'y passe que deux ans avant d'intégrer l'Université de Chicago, où il tiendra seulement six mois mais parviendra tout de même à y apprendre les bases de la programmation informatique. Après huit ans de boulots divers, il intégrera le constructeur Ampex avant de contribuer à bâtir une base de données pour la CIA, dont le nom de code est... Oracle.

En 77, Ellison et Robert Miner, son ancien supérieur chez Ampex, participent à la fondation des Software Development Labs, qui seront rebaptisés "Oracle" après qu'Ellison développe, à partir du langage SQL (Structured Query Langage), un système de gestion de bases de données (SGBD) compatibles à la fois avec les mainframes et avec les PC de bureau. Ses premiers clients : Wright Patterson Air Force Base, la CIA, puis IBM en 1981 pour ses mainframes.

Les débuts de la société sont caractérisés par une prise de risque importante, qui confinent au pari insensé, mais relevé. D'abord Ellison recrute des gens sous-qualifiés pour les positions qu'ils occupent, ensuite il met en avant des fonctionnalités dont il sait qu'elles ne sont pas encore développées. Ce n'est qu'au début des années 1990, alors qu'Oracle a levé pour la première fois de l'argent (plus de 30 millions de dollars) dès 1986, et que la société vient de connaître, selon les propres mots d'Ellison, une "expérience de mort imminente", qu'il se décide à adopter une gestion plus rationnelle en rénovant le management de sa société par l'embauche de dirigeants plus aguéris, et en faisant réécrire le code de son SGBD. Deux ans plus tard, la société Oracle était sauvée, et jusqu'à présent équilibre ses comptes ou engendre des bénéfices.

Le bon client des médias et le marin
Au milieu des années 90, Ellison devient connu hors de son milieu, grâce à son argent bien sûr (le magazine Fortune l'appelle alors "software's other billionaire" - "l'autre milliardaire du logiciel") mais aussi par son mode de vie et ses prédictions sur l'industrie, les unes particulièrement visionnaires, les autres complètement à côté de la plaque (en 1995, il annonce la mort du PC en se fendant d'un "[c'est un] appareil ridicule" - il fondera plus tard une entreprise, New Internet Computer, qui développera un produit bon marché entièrement dédié à la navigation Web, sans disque dur, et basé sur Linux : la firme mettra la clé sous la porte en 2003).

Parmi d'autres maximes inoubliables, citons "vous n'avez pas à être parfait, vous devez juste être meilleur que l'autre", "il n'y aura pas de nouvelle architecture informatique avant 1000 ans", "l'industrie informatique est en train de devenir ennuyeuse", "si l'Internet ne s'avère pas être le futur de l'informatique, nous sommes faits, sinon, nous touchons le jackpot", ou encore, répondant à Craig Conway, PDG de PeopleSoft (et ancien cadre d'Oracle, qui avait déclaré à propos de l'OPA lancée en juin dernier "c'est comme si on me demandait la permission d'acheter mon chien pour pouvoir le tuer"), "Craigy pense que je veux tuer son chien. Mais c'est faux, j'aime les animaux. Si Craigy et son chien étaient debout l'un près de l'autre et si j'avais de quoi tirer une balle, croyez-moi, elle ne serait pas pour le chien".

Sa vie privée ne tarde pas à accroître la fascination qu'il exerce sur la presse. Divorcé trois fois, sa dernière épouse (il lui passe la bague au doigt le 18 décembre 2003) est plus jeune que lui de 25 ans. Elle écrit des romans d'amour, et Steve Jobs était le photographe officiel de la cérémonie.

Amateur de voitures et de yachts extravagants, Ellison est aussi un marin accompli. En 1998, lors de la course à la voile au large Sydney-Hobart , il est à la barre de son maxi monocoque, Sayonara, quand se déclare une tempête violente. Six personnes décèderont sur d'autres bateaux, mais Ellison et son équipe s'en sortent. L'expérience, pendant laquelle il se voit contraint de passer la barre à un coéquipier, le convainc pourtant de ne plus se considérer comme un skipper professionnel, ce qui n'empêchera pas Sayonara, mené par un autre, de remporter l'épreuve.

Il est également le principal financier de l'Oracle-BMW Racing, qui participa à l'America's Cup en 1999 et 2003 pour le Golden Gate Yacht Club de San Francisco. L'un des hommes les plus riches d'Amérique selon Forbes (et le douzième plus riche du monde en 2004 - il était sixième l'an dernier - avec 18,7 milliards de dollars), il possède une propriété de style village japonais médiéval, en Californie, ainsi qu'une maison contemporaine à Pacific Heights, San Franscisco.

Terre brûlée ?
Mais Larry l'amateur de batailles fait aussi parler de lui par la main de fer avec laquelle il dirige. Ses détracteurs pointent en lui un homme impitoyable, prêt à tout (on se souvient qu'Oracle avait engagé des détectives pour rassembler des preuves pour les fédéraux contre Microsoft dans le cadre du procès antitrust), égocentrique et adepte, même si c'est peut-être sans le vouloir, de la politique de la terre brulée. Ses relations avec d'ancien employés devenus rivaux (Craig Conway bien sûr, ou Tom Siebel) sont exécrables, ses attitudes envers IBM ou SAP - qui le lui rendent bien - sont pour le moins agressives.

Plus problématique : aucun véritable successeur n'a été préparé par Larry Ellison (proche de la soixantaine), l'ambiance très conflictuelle et politique au sein d'Oracle ne contribuant pas à une sérénité d'ensemble - et ceci a sans doute provoqué le départ de beaucoup de personnalités brillantes dans le top management d'Oracle (ces dernières années : Ray Lane, Gary Bloom, Robert Shaw, Randy Baker, Polly Sumner...).

IBM et Microsoft sont de redoutables concurrents pour Oracle sur le terrain des SGBD, coeur de métier de la société, sans lesquels tout l'édifice s'effondre ; et l'aventure PeopleSoft - côté progiciels de gestion -, imaginée par la numéro deux d'Oracle, Safra Catz, subit désormais un revers qui semble signer sérieusement l'échec de l'opération. La situation d'Oracle n'est donc plus aussi formidable qu'il y a quelques années, et Larry l'imprévisible pourrait bien décider un jour, comme on le murmure, que son entreprise ne l'intéresse tout simplement plus. Reste à savoir s'il envisage seulement qu'Oracle lui survive... Quoi qu'il arrive, le successeur d'Ellison aurait du pain sur la planche, tant sur le plan interne que sur le plan externe.

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On a tendance, pour parler d'Ellison, à utiliser des hyperboles. De fait, l'homme est décidément bigger than life, comme disent les américains. Certainement contestable, il reste l'artisan résolu de sa vie et de son succès.

[Jérôme Morlon, JDNet]
 
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