Sun est en déclin et ce déclin est en train de s'accélérer. En tentant de résister
sur tous les fronts, ce constructeur fait désormais figure de place assiégée :
son business traditionnel de serveurs coûteux s'effrite face à Linux, sa prise
en compte de Linux est tardive et pleine de réticence (ça se comprend, c'est l'acteur qui a le plus à perdre de la généralisation de Linux) et son attitude
vis-à-vis de l'Open Source est à double face : positive quand il s'agit de mettre
Star Office en alternative à MS Office et négative quand il s'agit de libérer
Java.
Pourtant, l'avenir de Sun ne se joue pas sur Java dont il refuse
systématiquement de céder le contrôle. L'avenir de Sun, c'est sur la
vente de ses serveurs qu'il se décide et là, les choses sont en train
de prendre une mauvaise tournure...
La raison principale de l'érosion de Sun, c'est le souci des coûts. Les responsables
opérationnels s'interrogent tous les jours : "comment puis-je grignoter un euro
(ou un dollar, cela dépend où vous vous situez...) sur mon fonctionnement opérationnel
?". A tort ou à raison, les serveurs Solaris sont perçus comme étant plus coûteux
non seulement à l'achat mais surtout en maintenance par rapport aux serveurs Dell,
IBM ou HP tournant eux sous Linux.
Les clients migrent donc vers Linux qui offre une puissance équivalente
pour un coût de support bien moindre et le fait que Solaris partage une
base commune avec Linux (les racines Unix, tout simplement) facilite
encore le mouvement.
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"Les concurrents ont senti l'odeur du sang"
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Les concurrents ont senti l'odeur du sang : Sun perd de l'argent depuis
11 trimestres consécutifs !
La communauté financière commence aussi à croire que le constructeur ne
va pas remonter la pente et agit en conséquence : le Standard & Poor
vient de dégrader le 5 mars dernier la note de Sun pour ses emprunts
(le fameux "credit rating" qui conditionne la valeur de vos
obligations).
Du coup, IBM, HP et Dell ont mis en place des programmes spéciaux pour
convaincre les clients historiques de Sun qu'il est temps d'aller voir
ailleurs. Les responsables marketing de ses grands concurrents pensent
que Sun est désormais réellement vulnérable et que cette nouvelle
fragilité est aussi une vraie opportunité...
Ainsi, HP offre jusqu'à 50 000 dollars de services gratuits pour les clients de
Sun qui souhaitent passer sur des systèmes HP. Les exemples de ces "changements
de camp" se multiplient : Globexplorer, la plus grand banque d'images satellite,
un client historique de Sun, vient de passer à des serveurs Dell sous Linux. Weather.com,
le célèbre service météo vient de faire de même avec des serveurs Dell et IBM.
Daniel Agronow, le vice président de Weather.com explique qu'ils ont ainsi accru
leurs capacités de 30% et diminué leurs coûts de 33%.
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"Le constructeur perd aussi des relais"
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Sun ne perd pas seulement des clients. Dans la foulée, le constructeur perd
aussi des relais. La société de services Sapient (1 800 employés) développait
des logiciels sous Solaris pour ses clients, un choix qui a placé de nombreux
serveurs Sun dans les salles informatiques de la côte Est. Mais, aujourd'hui,
Sapient a adopté Linux et recommande désormais les serveurs IBM...
Ben Gaucherin, CTO de Sapient explique même : "Durant les années 90, Solaris était
la meilleure plate-forme, sans aucun doute. Mais les choses ont changé !". Désormais,
Sapient aide ses clients dans le secteur des télécoms à remplacer leurs serveurs
Sun par des serveurs Linux. "Nous assistons à une transformation massive" ajoute
Gaucherin.
Le pire, c'est que Sun n'essaye même pas de stopper l'hémorragie.
Chaque témoin insiste sur le fait que Sun les a laissé partir "sans
combattre". Le discours officiel est même à l'inverse : Sun capture des
clients à ses concurrents !
Certains observateurs pensaient que la montée de Linux allait d'abord
toucher Microsoft. Mais Linux agit en premier lieu comme un
réorganisateur du marché Unix. IBM a été le premier à le comprendre à
grande échelle, HP et Dell ont suivi. Sun tente de faire de la
résistance... Jusqu'à quand ?
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