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Saga Microsoft : l'art de gérer un monopole
De MS-DOS à Windows, en passant par la suite Office, Microsoft défend depuis 1975 une position dominante que ses concurrents tentent de lui ravir, sans grand succès. Retour sur la construction d'un monopole planétaire.  (18/03/2004)
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Leader mondial du logiciel, icône emblématique associée au monde des PC, élément incontournable de la vie informatique des foyers, Microsoft a bâti un empire sans partage autour de son système d'exploitation Windows et des suites logicielles qu'il embarque avec lui.

S'étendant progressivement au marché des entreprises - par la porte des serveurs -, le géant de Redmond fait l'objet des foudres juridiques de ses détracteurs et des autorités américaines et européennes qui lui reprochent des abus de position dominante.

Une menace que l'éditeur a pour le moment réussi à contenir et qui lui a évité un démembrement en règle. Mais cela ne représente peut-être qu'un simple avertissement par rapport à la montée en puissance des logiciels libres qui attaquent frontalement la forteresse que Bill Gates s'est construite.

Un flair de génie dès le départ
Dès les premiers instants de sa création en 1975, Microsoft va investir des pans entiers de l'informatique encore non explorés, faisant figure de véritable pionnier.

  Cinq dates clés

1975 Création de la société
1981 La première version de l'OS 16-bit MS-DOS équipe les premiers PC lancés par IBM
1985 Première version de Windows
1994 Politique OEM agressive (Market Development Agreement)
2001/02 Rachats de Great Plains et de Navision

C'est ainsi que voient le jour en 1975 le Basic - premier langage pour ordinateur personnel - puis, deux ans plus tard, le Fortran-80 et le Cobol-80, dérivés des langages inventés par IBM. Les deux fondateurs de la société, le célébrissime Bill Gates et Paul Allen, voient juste. En 1978, après seulement trois ans d'existence, Microsoft réalise en effet déjà plus d'un million de dollars de chiffre d'affaires, preuve que les logiciels développés sont en adéquation avec la demande du moment.

En 1981, Microsoft - qui ne compte alors que 32 salariés - réussit un coup de maître. La première version du système d'exploitation 16-bit MS-DOS (Microsoft Disk Operating System) équipe les premiers PC (Personal Computers) lancés par IBM. IBM en vendra des millions, emmenant avec lui les logiciels de Microsoft au sein même des foyers.

Microsoft comprend l'importance de cette synergie avec les constructeurs. La société va dès lors déployer une gamme constamment renouvellée de systèmes d'exploitation - sous le nom générique de Windows - ainsi qu'une politique agressive de licences OEM (Original Equipment Manufacturer) auprès des principaux constructeurs du marché.

Windows : pierre angulaire d'un monopole sans partage
Fin 1985 sort la première version de Windows, nouveau système d'exploitation pour les PC d'IBM. Doté d'une interface graphique et d'un environnement multitâches, Windows 1.0 fait immédiatement l'objet d'un procès de la part d'Apple, qui voit certaines de ses fonctionnalités copiées (les ennuis juridiques de Microsoft commencent). Un accord de licence est conclu entre les deux éditeurs, très favorable à Microsoft car il inclut les fonctionnalités présentes... et futures.

Windows ne décolle véritablement qu'en 1987, alors que le premier logiciel PAO pour PC, "Aldus PageMaker", est lancé sous Windows. La même année, Microsoft sort le tableur Excel et logiciel de traitement de texte Word. Sa suite bureautique est en marche.

Apple attaque à nouveau Microsoft lors de la sortie, la même année, de Windows 2.0, mais l'accord de licence signé deux ans plus tôt protège Microsoft. La voie est bel et bien libre désormais pour une diffusion à grande échelle de l'environnement Windows...

Windows 3.0 sort en 1990 et se vend à 3 millions d'exemplaire en un an. Deux ans plus tard, le même volume est atteint avec Windows 3.1, mais en deux mois. La place de premier OS pour PC lui revient alors, elle ne sera jamais perdue. Windows 95 voit le jour en 1995 et Windows 98 en 1998.

Ce sont les dernières versions basées sur le noyau MS-DOS mais aussi les premières à embarquer d'office un navigateur : Internet Explorer. Ce couplage OS / navigateur sera l'un des principaux arguments des détracteurs de Microsoft dans le procès anti-trust qui débutera quelques années plus tard.

Une politique OEM implacable
Le succès rencontré par Windows n'est pas le seul fruit des fonctionnalités offertes aux utilisateurs. Microsoft met en effet sur pied dès 1994 une politique de licences OEM très agressive auprès des constructeurs et de leurs revendeurs. Appelée Market Development Agreement (MDA), elle prend la forme d'une grille de tarification différenciée en fonction du niveau d'engagement promotionnel et des volumes générés par ces derniers.

Pour bénéficier d'une remise importante sur les licences, les constructeurs doivent en effet participer aux campagnes de promotion et de presse de l'éditeur. Plus la visibilité de la marque Windows est forte et plus les volumes sont élevés, plus les tarifs des licences sont bas. Les constructeurs, pour la plupart réticents au départ, finissent par signer. C'est le cas notamment de Compaq, de Dell et... d'IBM. En 1997, le département OEM de Microsoft réalise presque un tiers du chiffre d'affaires global de la société, soit 3,48 milliards de dollars sur un total de 11,36.

La menace juridique permanente
Le système est toujours d'actualité, mais il a subi quelques modifications. Il évite désormais de lier les remises accordées à la mise en avant du navigateur de l'éditeur depuis que le département de la justice américain (DOJ) a entamé un procès pour abus de position dominante envers le géant du logiciel, en s'appuyant notamment sur cet argument.

Après un procès sur le sol américain qui durera cinq ans et qui l'opposera au DOJ et à 18 Etats, Microsoft échappera finalement au pire, c'est-à-dire à sa dislocation en plusieurs entités. Microsoft s'en sort également bien dans un autre procès l'opposant cette fois-ci à Sun, au sujet de la machine virtuelle Java embarquée dans les versions de Windows. Enfin, Microsoft parvient à un accord financier avec AOL qui l'accuse d'avoir enterré vivant le navigateur Netscape, racheté en novembre 1998.

Une fois l'incendie juridique éteint outre Atlantique, le foyer est rallumé en Europe par la Commission Européenne, dès 2001. Cette dernière se penche en effet à son tour sur l'abus de position dominante et les ventes liées de Microsoft.

Le module Media Player fourni par défaut est notamment en ligne de mire, ainsi que l'impossibilité qu'ont les constructeurs de serveurs de fournir des logiciels compatibles avec Windows, faute de communication suffisante du code source de ce dernier. Car outre sa main mise sur le marché des particuliers, Microsoft entend bien faire parler de lui auprès des entreprises.

Le tournant vers le marché des entreprises
Profitant de sa position presque monopolistique dans trois secteurs différents (navigateurs, systèmes d'exploitation pour PC et suite bureautique), Microsoft affine donc au fil des années une stratégie de conquête des sociétés. Pas les très grandes structures, où son partenaire mais néanmoins rival IBM se plait à évoluer, mais plutôt les petites et moyennes entreprises (du moins dans un premier temps), son terrain de prédilection historique.

Microsoft prend véritablement le virage des marchés professionnels quand il remplace Windows 98 par Windows NT, solution dédiée aux serveurs par excellence (disponible pour les stations de travail et les serveurs). Sa stratégie est de contrôler le monde des serveurs via le desktop. Grâce à sa position dominante dans les OS, Microsoft peut inclure dans ces derniers une multitude d'applications et d'utilitaires destinés par exemple aux serveurs de fichiers, de messagerie, de transactions, Web... Une fois les serveurs maîtrisés, les bases de données ne sont pas loin.

La gamme professionnelle Microsoft Business Solutions s'enrichit fortement quand Microsoft consolide son portefeuille de solutions ERP pour PME en rachetant deux éditeurs spécialisés dans ce domaine : Great Plains en 2001 et Navision en 2002. Du côté de la relation client, MS CRM est lancé fin 2002, ce qui signifie la rentrée officielle de l'éditeur dans ce marché très fermé. La base de données SQL Server, qui existe depuis 1992, est d'ailleurs là pour s'interfacer avec la solution.

Quant à bCentral, il offre aux petites entreprises un panel de logiciels intégrés pour leurs besoins courants. Côté serveurs, Windows Server 2003 prend le relais, après de longues années d'attente, de Windows NT et de Windows Server 2000.

L'émergence récente de nouveaux défis commerciaux
Outre les risques juridiques que fait peser sur lui sa position monopolistique, Microsoft doit faire face à la menace de logiciels dont les modes de conception et de distribution sont radicalement opposés aux siens, l'ensemble de la gamme de produits Microsoft reposant depuis toujours sur un code propriétaire et un système de licences payantes.

Les logiciels Open Source, à l'inverse, sont diffusés selon des licences qui autorisent, sous certaines conditions, leur diffusion illimitée et la modification libre de leur code.

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Prenant un essor de plus en plus important et faisant l'objet d'une attention toujours plus soutenue de la part des entreprises et des Etats, ces solutions - Linux en tête - gagnent du terrain et constituent l'une des plus sérieuses menaces de l'histoire du géant de Redmond.

(article déjà publié en décembre 2003, mis à jour en mars 2004)

 
 
Fabrice DEBLOCK, JDN Solutions
 
 
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