Christophe Deshayes, dans un article récent, sérigeait contre la dictature du tout processus en se référant au constat de léchec relatif de la plupart des projets ERP, eu égard à leurs objectifs initiaux.
Si je partage ce constat, que jai eu loccasion détayer au travers de 10 années dexpérience professionnelle dans ce domaine, jen tire des conclusions radicalement différentes quant aux causes et aux conclusions quil convient de formuler sur la place à réserver aux processus.
Le bilan mitigé des ERP : une réalité
Le bilan dune décennie dERP na toujours pas été tiré et ne le sera sans doute jamais écrit Deshayes. Cest probable. Jai même entendu des managers déditeurs dERP expliquer très sérieusement que vouloir mesurer le ROI dun progiciel intégré était une gageure ! Une façon un peu rapide et fort peu convaincante dévacuer la question.
Si le bilan est difficile à tirer de manière précise, cela ne tient pas tant au fait quun projet de mise en oeuvre dun progiciel intégré est complexe et que la mesure de son ROI fait appel à de nombreux indicateurs mais bien que la mesure initiale de la performance opérationnelle manque à lappel. Or en labsence de ce point de référence, il est difficile ensuite de mesurer limpact du nouvel outil. Quand lentreprise dispose dun tel système de mesure continu et homogène, elle constate généralement que le premier effet perceptible de la mise en oeuvre dun ERP est de dégrader sensiblement la performance.
Daucuns rétorqueront quils nont pas eu besoin de système de mesure sophistiqué pour sen rendre compte; mais la mesure permet tout de même de quantifier limpact en intensité et en durée. Jai en mémoire une PME de 200 personnes dans le domaine médical qui avait fait le choix de la mise en oeuvre dun tel outil sur un périmètre étendu (finances, gestion commerciale et production) en une seule opération. Lentreprise a mis plus de 2 ans à retrouver le niveau de performance davant lERP.
A qui la faute ?
Cet exemple est probablement représentatif : une entreprise met souvent deux ans à digérer un projet ERP. Si cet aspect est souvent méconnu et mal anticipé par les entreprises, la vraie question est : à qui la faute ?
Dans tout projet informatique qui ne donne pas satisfaction, l'outil est le coupable idéal.
Alors que les acteurs d'un tel projet sont nombreux, la responsabilité des difficultés rencontrées se concentre immanquablement sur le logiciel.
Je vois trois raisons principales aux difficultés rencontrées par ces projets :
- un choix doutil découlant dune définition insuffisamment précise des besoins ;
- labsence dune réflexion détaillée et préalable sur lorganisation cible ;
- une gestion du changement insuffisante avec des actions de formation souvent centrées sur loutil en négligeant les implications opérationnelles et les bénéfices retirés du projet au niveau du poste de travail.
Revenons sur les deux premiers points qui sont liés. Trop souvent la phase de choix du progiciel est polluée par des considérations externes quon qualifie pudiquement de "politiques" pour traduire leur caractère irrationnel. Il nest pas rare que, dans les grands groupes, le choix soit fait dun progiciel unique au niveau mondial, indépendamment des spécifités nationales (liées aux législations ou à la variété des métiers exercés).
Quand les besoins dintégration se limitent à la production dun reporting commun, il nest pas certain que les gains de coût relatifs à la maintenance et au déploiement compensent les développements spécifiques ou les pertes de productivité relatifs à un processus inadéquat. En tout état de cause, ce choix est rarement évalué en ces termes.
Dans dautres cas, il arrive que le top management impose plus ou moins directement le choix de loutil à mettre en uvre, les considérations dimage prévalant sur ladéquation du besoin. A cet égard, lanecdote du choix du progiciel par le PDG sur un parcours de golf ne fut pas totalement caricaturale, en particulier dans la période un peu folle précédant lan 2000 et le passage à leuro.
Ladéquation fonctionnelle est une chose, loptimisation organisationnelle en est une autre. Une phrase a fait beaucoup de dégâts dans lesprit du top management : "lERP est structurant". Sous entendu : à quoi réfléchir à mon organisation cible, cest lERP qui va me la dicter. Un réflexe encouragé par le discours des éditeurs vantant leurs "processus best practice".
Suite de l'article dans notre édition du 23 juin
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