Dix huit mois d'enquête pour parvenir finalement à établir la
preuve de l'existence d'un réseau de contrefaçon de certificats
originaux d'authenticités Microsoft. Déesse, Dream Info et Trade
Info, respectivement situées à Pontoise, Nanterre et Versailles
et qui commercialisaient des fausses licences, ont été mises
en cause dans cette affaire.
Le préjudice financier est évalué par l'éditeur à plus de
trente millions d'euros, un record en France. Le dossier remis à la justice doit permettre
de déterrer les canaux de distribution et les principaux complices
de ce réseau à l'échelle nationale.
Retour avec
Thaima
Samman, directrice des Affaires Juridiques et Publiques de
Microsoft France, sur un phénomène
que l'éditeur juge malgré tout en voie d'amélioration.
JDN Solutions. Quelle organisation
avez vous mise en place pour lutter contre la contrefaçon ?
Thaima Samman. Nous travaillons autour de deux axes
: la prévention et l'information. Coté prévention, notre démarche
traditionnelle consiste à identifier les réseaux criminels
puis à porter plainte devant le tribunal compétent, ensuite
nous laissons faire la justice. Mais cette démarche ne vaut
que pour les réseaux criminels reconnus, il faut par ailleurs
mener un gros travail de pédagogie auprès des entreprises.
Il faut les avertir qu'elles sont susceptibles des violer
la loi sans même le savoir et qu'il est donc nécessaire qu'elles
soient vigilantes.
Economiquement,
tous les acteurs ont intérêt à avoir un réseau sain car l'argent
circule aussi bien au niveau des entreprises - augmentation
des revenus -, des clients - baisse des prix -, que de l'Etat
- via les taxes -. Et de façon plus générale, toute entreprise
a pour objectif d'éviter les procès, donc nous discutons au
maximum avec les contrevenants.
Par exemple, pour le cas de ce réseau de contrefaçon, Si
les acheteurs des certificats falsifiés ne se sont manifestement
pas rendu compte de ce qu'elles faisaient, nous discuterons
ensemble à propos des suites à donner à leurs licences. Toutefois,
si elles ont participé sciemment à la constitution de ce réseau
souterrain, alors nous irons en justice.
Quel bilan dressez vous sur la contrefaçon
logicielle en France ?
Aujourd'hui, il y a problème d'éducation du public. Pour certain
il est encore plus grave aujourd'hui de voler une tablette
de chocolat que de pirater un logiciel à 500 euros. Mais depuis
dix ans, la situation s'est améliorée. Au début, le taux de
piratage chez les professionnels devait dépasser les 80%,
il est maintenant tombé à 43%, selon la Business Software
Alliance. Depuis deux ans, on assiste à une stagnation de
ce déclin que j'assimile à la montée de l'usage d'Internet
de l'image de gratuité totale qu'elle véhicule ainsi qu'au
développement du peer-to-peer.
"L'Etat
a un rôle primordial à jouer dans la lutte
contre la contrefaçon logicielle" |
Le piratage cause chaque année, un manque à gagner estimé à 590 millions d'euros
en France selon IDC. Cette contrefaçon professionnelle touche
tout le monde mais gène davantage les petits éditeurs que
les grands. Comme l'espoir de retour sur investissement est
mince, ce système n'encourage pas la recherche logicielle
et c'est un vrai problème hexagonal. Microsoft dépense sept
milliards de dollars par an en recherche et développement.
C'est un investissement qui ne se fait pas sans espoir de
retour.
Comment la situation pourrait-elle
évoluer ?
L'Etat à un rôle très important à jouer. Aux Etats-Unis, le
taux de contrefaçon par entreprise se limite à 23% et la moyenne
européenne est à 35%. Les 43% constatés en France prouvent
qu'il s'agit d'un problème culturel. Si l'Etat n'intervient
pas pour avertir et mettre en garde, rien ne changera. Il
est d'autant plus nécessaire de réagir que si jusqu'à présent
la contrefaçon touchait principalement le domaine du logiciel,
le phénomène s'est élargi à d'autres secteurs des nouvelles
technologies.
Par ailleurs, nous avons identifié trois types de contrefaçons
: les réseaux criminels en tant que tel qui revendent les
produits contrefaits par des réseaux souterrains, des professionnels
revendeurs pas toujours conscient de participer à ce réseau
et les délinquants "honnêtes". Pour cette dernière catégorie,
nous les surnommons "honnêtes" car ils n'ont pas toujours
conscience de la gravité de leurs actes. Mais la base, c'est
le réseau criminel et sans lui les deux autres auront bien
du mal à exister.
|