Lenjeu
La modélisation des processus métier nen est plus à son galop dessai : elle hérite de plusieurs décennies de travaux. De nombreuses initiatives, ainsi que de nombreux produits logiciels, ont proposé et proposent des "façons de définir" les processus métier, avec plus ou moins de complétude, plus ou moins dergonomie, une orientation plus métier ou une orientation plus technique : il a en résulté une profusion de notations propriétaires, sujettes à interprétation, inaptes à linteropérabilité, ne couvrant pas tous les cas rencontrés par les utilisateurs dans lexercice de modélisation.
Avec lavènement du "Business Process Management" (BPM), le marché, les utilisateurs, les consultants, les fournisseurs de technologies, arrivent aujourdhui à une telle maturité quil est possible de proposer une notation standard de représentation des diagrammes des processus métier, agréée par le plus grand nombre et implémentée par la plupart des éditeurs de logiciels du secteur.
Cest lobjectif de BPMN, Business Process Management Notation (BPMN).
Une norme qui sérigera vite en standard
Les travaux sur BPMN ont été initiés et sont toujours conduits par la Business Process Management Initiative (BPMI), organisme voué à la spécification de normes dans le domaine du BPM. Les principaux acteurs du marché proposant des solutions de modélisation des processus métier contribuent à ces travaux : ils font bénéficier le groupe de travail de leurs années dexpérience auprès de leurs clients pour élaborer une norme qui soit orientée vers les besoins des utilisateurs en matière de conception de processus métier.
La version 1.0 de la norme est aujourdhui disponible (depuis mai 2004) : cest une version déjà très aboutie, à tel point quelle est déjà supportée par des produits logiciels du marché, et que bon nombre déditeurs se sont engagés à limplémenter dans leurs offres.
Une notation simple pour un exercice complexe
Le résultat est remarquable. La spécification allie simplicité des concepts et puissance dexpression de constructions complexes (car, comme chacun sait, même le processus le plus simple cache des cas complexes). Elle permet, à partir déléments de base, simples et en nombre limité, de dessiner le diagramme dun processus métier (en créer le modèle graphique).
Les éléments de base sont de quatre types : les "Couloirs" (Swimlanes), les "objets de flux" (Flow Objects), les "objets de relation" (Connecting Objects), et les "objets symboliques" (Artifacts).
Les couloirs sont utilisés pour organiser graphiquement le diagramme du processus, de façon à regrouper dans un "pool" tous les processus et activités concernant un même participant, et à organiser les processus et activités au sein dun "pool" à laide de "bandes" (Lanes)
Le diagramme dun processus est conçu en connectant entre eux des "objets de flux" à laide d "objets de relation". Il ny a que trois types d "objets de flux" : des activités, des événements et des "portes" (Gateways), et il ny a que trois types d "objets de relation" : des flux séquence, des flux message et des associations.
Les activités représentent des actions à réaliser, et peuvent-être simples (tâches) ou complexes (sous-processus); les événements sont ce qui peut arriver dans le cours de lexécution dune instance et influencer son déroulement : début et fin, arrivée dun message, échéance dun « timer », exception, nécessité de mettre en uvre une compensation (défaire ce qui a été fait précédemment pour "revenir" dans un état stable), etc. ; les "portes" sont des points de synchronisation et/ou de décision dans le processus où les flux convergent ou divergent en une ou plusieurs branches : un tel point du diagramme possède des "portes dentrée" et des "portes de sortie", qui donnent chacune sur un flux séquence : si la condition associée à un flux séquence est évaluée à vrai, la porte souvre !
On la compris, les flux séquence relient entre eux les objets de flux, pour définir leur ordonnancement. Les flux message, quant à eux, relient entre eux des participants aux processus, et précisent les messages échangés. Enfin, une association relie des données, un texte ou un objet symbolique à un objet de flux, essentiellement pour désigner ses entrées et ses sorties. Les objets symboliques viennent compléter la palette des éléments disponibles à des fins de précision et de documentation : regroupement dactivités dans un fragment de processus, annotation explicative, précision des données attendues en entrée ou produites en sortie.
Comme on peut le constater, les éléments de base, qui sont comme les couleurs dune palette, sont en nombre réduit, et offrent un pouvoir dexpression infini, à linstar des uvres dart.
La nouveauté de BPMN
On peut se poser les questions : pourquoi ne pas lavoir inventé plus tôt ? quapporte BPMN de nouveau ? La maturité atteinte dans la modélisation des processus métier et dans leur transcription dans le système dinformation rend aujourdhui la standardisation possible.
Les avantages de BPMN sont énormes, et seront perçus de plus en plus avec le temps. BPMN constitue la seule notation résultant dun effort collectif des experts du marché qui permet un vrai dialogue entre maîtrise douvrage et maîtrise duvre pour la mise au point des modèles de processus métier : cest l "esperanto" du processus.
La spécification de BPMN hérite de tant dexpérience et émane de telles fondations quelle offre une puissance dexpression infinie : elle supporte tous les "workflow patterns" aujourdhui recensés (micro- modèles typiques de processus) et sapplique à la fois aux processus privés (internes à une organisation ou à une entreprise) ou collaboratifs (collaborations entre deux organisations ou deux entreprises). Un des objectifs de la norme BPMN est aussi de permettre la traduction automatique dun processus modélisé graphiquement dans un format compréhensible par un moteur dexécution de processus ; le standard émergeant dans le domaine de lexécution des processus est aujourdhui BPEL (Business Process Execution Language) et la norme BPMN spécifie la correspondance entre BPMN et BPEL. Grâce à BPMN, le BPM peut garantir à une organisation la parfaite adéquation et synchronisation des modèles de processus décrits dans une documentation et exécutés de façon opérationnelle.
BPMN suffit-elle ?
Lavènement dune notation standard et partagée constitue en soi une avancée significative, et manifeste la maturité du marché du BPM. Mais une notation ne suffit pas à la réussite de la modélisation des processus métier : elle doit saccompagner dune méthode de modélisation et dune politique organisationnelle pour être mise en uvre avec succès. Il faut en effet définir des règles pour la collaboration entre maîtrise douvrage (MOA) et maîtrise duvre (MOE), entre personnes de la MOA et entre personnes de la MOE, quand des équipes contribuent à la modélisation des mêmes processus. Il faut aussi définir la méthode de modélisation, car même si la notation canalise le travail, la méthode en garantit le résultat. Les consultants proposeront de telles méthodes, ou adapteront leur méthode à cette notation : leur rôle daccompagnement et de "garant" nest pas à négliger dans cet exercice.
Allez-y !
Il ny a pas de véritable alternative à BPMN, dans son objectif de cibler à la fois les personnels métier et informatique. La norme est disponible, dans une version déjà aboutie : les principaux acteurs du domaine y ont contribué. Des éditeurs supportent déjà des implémentations de BPMN, et de plus en plus déditeurs annoncent son support. La question nest donc plus "faut-il y aller ?", mais "quand ?". Pour sécuriser et pérenniser un travail de modélisation de processus métier, pour entrer demblée dans une démarche de capitalisation, pour échanger des modèles de processus avec dautres organisations, avec des partenaires, BPMN est une excellente solution. Le site www.bpmn.org propose, en plus de la spécification de la norme, des documents utiles à la compréhension et la mise en oeuvre de BPMN.
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