|
|
|
|
INFRASTRUCTURE |
Jérôme Relinger (Mairie Paris 13e) : "Le processus de migration vers le libre a déjà commencé, reste à le systématiser" |
Conseiller délégué aux nouvelles technologies, Jérome Relinger invite le personnel de l'administration parisienne à migrer petit à petit vers le libre. Une démarche qu'il justifie par sa vision humaniste des nouvelles technologies.
(27/10/2004) |
|
Conseiller (communiste) d'arrondissement
délégué aux nouvelles technologies de la Mairie du 13e arrondissement
de Paris, Jérôme Relinger a publié ce lundi une lettre ouverte au personnel de son administration. Il y invite les volontaires à migrer vers les
logiciels libres (à partir du site de Framasoft) "par conviction et capillarité".
JDN Solutions. A quand remonte l'origine de votre projet ?
Jérôme Relinger. Cela fait plusieurs années que la Mairie du 13e s'est investi
en faveur des logiciels libres. En ce qui concerne l'ensemble
de la Ville de Paris, une étude globale de migration vers
des solutions libres du parc informatique - menée par Unilog -
a été rendue publique en juin. Malheureusement, les conclusions
sont que soit la migration vers le libre est possible mais
qu'elle est hors de prix, soit qu'il vaut mieux conserver l'existant.
Certains
élus, dont je suis, pensent que ce constat n'est pas valable.
Par exemple, selon le rapport d'Unilog, il faudrait cinq jours
de formation pour qu'un utilisateur puisse passer de Microsoft
Office à la suite bureautique OpenOffice. C'est une véritable
ineptie.
Pour
ne pas avoir à choisir entre attendre le changement pendant dix ans
ou y renoncer, j'ai donc pris l'initiative de faire une proposition
à destination du personnel de l'administration de la Mairie
du 13e arrondissement, où je suis élu. Cette proposition
est celle d'une migration vers des solutions libres sur le
principe du volontariat. Si l'expérience est positive, elle
nous permettra de gagner du temps sur la migration de la totalité
des postes de l'administration, soit 17 000 PC et plusieurs
centaines de serveurs à Paris.
Pourquoi lancer un appel basé sur le volontariat ?
Il s'agit d'éviter les arguments d'autorité. Si une expérience
de migration se solde par un échec, c'est à la fois du temps
et de l'argent de perdus. Les éditeurs propriétaires dont le
discours consiste à dire que le libre, ça ne marche pas, obtiendront
gain de cause.
"L'Etat
représente le seul acteur capable de contrer l'hégémonie
des éditeurs" |
Plutôt que d'en arriver là, nous allons fonctionner
par conviction et capillarité. Notre cible principale est
d'abord le cabinet du Maire ou les élus, les services administratifs
étant malheureusement encore trop tributaires des éditeurs
propriétaires.
Pourtant, la demande est réelle de la part des usagers du
service public. Il faut seulement démontrer que cette alternative
est efficace et donc accompagner le changement. Cela consiste
notamment à expliquer que libérer son poste n'oblige pas à
réapprendre l'informatique : ce serait comme prétendre
qu'il faut repasser le permis quand on change de véhicule
!
Jusqu'à présent, cette proposition a plutôt été bien reçue
: les volontaires sont nombreux dans le 13e, même si pour
certains arrondissements où le parc informatique est plus
réduit, cela pourrait être plus rapide. En tout cas, le processus
de migration a déjà commencé, reste à le systématiser.
Vous faites l'association entre les logiciels libres et
certaines valeurs humanistes. L'Etat a-t-il son rôle à jouer
à ce niveau ?
Certainement, et d'ailleurs pas seulement l'Etat mais l'ensemble
de la commande publique. Dans ce contexte, je suis particulièrement
déçu par l'absence de décision franche de la Mairie de Paris.
Notre ville est un symbole, elle se doit de montrer l'exemple
dans le domaine du libre. Et si la gauche ne parvient pas
à le faire, elle y perdra énormément.
"Intégrer l'obligation de proposer une alternative libre dans tous les appels d'offres publics" |
La communauté du libre, c'est une autre façon d'organiser
la production de richesse. Elle se base sur la coopération,
l'entraide, l'échange, bref des valeurs différentes de celles
du libéralisme et du chacun pour soi. Or, le moteur du libre
est aujourd'hui la commande publique, seul acteur capable
de contrer l'hégémonie des éditeurs qui s'est construite sur
des monopoles, des capitaux et des brevets plutôt que sur
l'efficacité de leurs solutions. Je suis d'ailleurs favorable
à ce que l'on intègre dans la législation l'obligation de
proposer une alternative libre dans tous les appels d'offres
publics.
Le modèle des logiciels libres se présente comme un système
qui vient contredire les thèses propriétaires du capitalisme.
D'ailleurs, les éditeurs de logiciels propriétaires le sentent
bien et cherchent à en finir avec ce mouvement, notamment
par le biais de la nouvelle LCEN - Loi pour la Confiance dans l'Economie
Numérique - ou grâce à la législation européenne en matière
de brevets logiciels.
Ce phénomène, nous avions déjà pu l'observer
au début des années 1990, lors de la démocratisation d'Internet.
A cette époque, beaucoup avaient essayé d'imposer leurs propres
réseaux privés plutôt qu'un seul réseau sans centre, sans
propriétaire unique. Au fond, la brevetabilité logicielle répond à une volonté
de mettre en place une société de péage. Cela revient à dire : '
la lumière du soleil est à moi car je l'ai vue en premier'.
|
|
|
|
|
|