Les membres de notre Carnet des managers de l'Internet français réagissent à l'actualité.
Le rachat de Siebel par Oracle
Mike Hadjadj, Directeur communication (Coheris)
"Le groupe Oracle doit éclaircir sa position"
Coheris est un éditeur de CRM mais nous ne sommes pas en concurrence direct avec Siebel : nous n'avons pas le même type de projet. Néammoins nous suivons le marché en général et nous ne sommes pas vraiment surpris ni étonné de ce rachat. Siebel avait déjà annoncé la couleur.
Concrétement pour nous, il s'agit d'un acteur en moins : Peoplesoft, Oracle et Siebel ne forment désormais plus qu'un acteur. Le marché s'éclaircit, même si auparavant nous allons rentrer dans une période de flou, surtout pour les clients de ces sociétés, mais aussi pour les partenaires : Siebel a lié de nombreux accords avec des acteurs comme IBM, qui est en concurrence directe avec Oracle. Beaucoup de questions se posent.
Le groupe Oracle doit éclaircir sa position. Ce qui est plutôt favorable pour Coheris.
Bien sûr, Siebel reste le leader du CRM, mais nous prenons de plus en plus de parts de marché et l'offre du nouveau mastodonte américain peut devenir plus confuse : le marché français est spécifique. Pour l'instant, cet événement n'est pas une mauvaise nouvelle, bien au contraire.
Dominique Brouchet, Chef d'industrie du commerce au détail (IBM)
"Oracle peut ainsi augmenter sa pérennité"
En rachetant Siebel après Peoplesoft et Retek, Oracle poursuit sa recherche
de leadership sur le marché des ERP, au-delà du seul marché des applicatifs
CRM. Ils veulent ainsi proposer à une partie des clients un best of breed
des différentes briques logicielles nécessaires au pilotage des
entreprises.
Ils deviennent de plus en plus le répondant à SAP dans tous
les domaines, en cherchant à offrir l'ERP universel dont SAP a depuis
longtemps la légitimité et la part de marché induite. Oracle peut ainsi
augmenter sa pérennité en ciblant logiquement une part de plus en plus
conséquente du marché des grands comptes ainsi qu'un pourcentage croissant
de leur budget IT.
Cet achat n'est pas surprenant car Oracle ne pouvait se contenter
éternellement de viser les seules directions financières avec Oracle
e-Business Suite et les DSI avec ses solutions middleware / bases de
données.
Le marché du CRM devrait être influencé positivement car les capacités de
go-to-market d'Oracle sont considérables. De plus, si l'intégration humaine
et technique de Siebel réussit, les applicatifs Siebel ne pourront que
délivrer plus en termes de fonctionnalités et mieux s'intégrer aux
infrastructures Oracle existantes chez les clients. Mais une intégration
réussie est aussi une autre histoire...
David Gotchac, Président du directoire (e-Deal)
"La position de leader n'est pas un gage de pérennité"
Enfin ! Après 3 ans de résultats en baisse et une incapacité patente à inverser la vapeur, l'issue pour Siebel semblait inéluctable.
Le déclencheur a été la tentative désespérée des actionnaires mi-avril avec le changement de P-DG : l'ancien P-DG d'Accenture, George Shaheen a remplacé Michael Lawrie. A ce moment là, tout était joué.
Ce rachat était inévitable, Siebel est né dans la bulle, Tom Siebel avait construit une machine de guerre très efficace en période d'expansion mais qui n'a jamais su tirer son épingle du jeu après 2001. Le pragmatisme réclamé par le marché n'est assurément pas le point fort de Siebel.
Voici deux enseignements majeurs liés à cette
actualité. En premier, on l'oublie souvent, mais dans le monde du logiciel, la position de leader n'est pas un gage de pérennité.
Deuxième enseignement : Siebel a tout misé sur la "politique" pour assurer son développement - John Major, ancien 1er ministre anglais et Jacques Attali, en France, font partie du board de Siebel. Cette stratégie n'est jamais payante à terme. Une entreprise finit toujours par être jugée sur ses produits.
Ce rachat n'est pas une bonne chose pour les clients Siebel :
quel avenir pour le produit ? Les précédentes "Oraclisations" ne sont pas de francs succès. Beaucoup de cadres sont partis. Et quel avenir pour l'offre "On Demand" ? Marc Beniof claironne qu'elle est morte ça l'arrange. Je n'en suis pas persuadé, c'est un axe de développement stratégique pour Oracle qui n'est toujours pas sur le marché de l'hébergé.
En revanche, ce rachat laisse le champ libre à tous les éditeurs intermédiaires (Pivotal, Selligent, e-Deal) dont les produits sont plus ou moins équivalents techniquement et fonctionnellement mais qui pâtissaient d'un déficit d'image vis-à-vis du N°1.
A nous de jouer
Tarek Chouman, Directeur général (eFront)
"Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne nouvelle
pour les clients de Siebel"
Cette opération n'est pas surprenante : Siebel, en mauvaise posture depuis plusieurs trimestres maintenant,
était à vendre et beaucoup de rumeurs couraient dans les salles de marché à
ce sujet.
Même si ce rachat a un sens d'un point de vue complémentarité avec
l'offre métier d'Oracle, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne nouvelle
pour les clients de Siebel et encore moins pour les clients d'Oracle. En
effet, je me pose des questions quant à la capacité du rouleau compresseur
Oracle à ingurgiter et digérer les acquisitions récentes les unes après les
autres à ce rythme d'une part et, d'autre part, à créer une offre cohérente
et homogène pour ses clients.
Ce rachat est une opportunité pour eFront de profiter de
l'inévitable période de flottement consécutive à un tel achat pour se
positionner avantageusement sur les dossiers où nous sommes concurrents.
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