INTERVIEW
 
27/10/2008

Nicolas Sekkaki (IBM Global Technology Services)
"Seulement 3% de l'électricité qui rentre dans un datacenter est utilisée utilement"

vignette Contribuer au développement durable, réduire les émissions de CO2 et la consommation d'énergie des entreprises et du secteur IT, telles sont les thématiques qu'IBM suit de près actuellement.
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Quelle définition avez-vous du Green IT ?

Nous avons récemment fait une enquête auprès de 1 130 directions générales - dont 90 en France - et nous avons constaté que les préoccupations relatives à la responsabilité sociale et environnementale ont plus que doublé entre 2006 et 2008. La vue "green" est aujourd'hui une vraie source de différenciation, elle n'est plus vue comme une contrainte mais comme une façon de se développer.

Chez IBM, les chantiers couverts sont de trois types. Nous nous posons tout d'abord la question de savoir comment l'IT peut contribuer au développement durable. Par exemple, un de nos axes concerne le traitement de l'eau dans le monde. Nous croyons que l'IT peut être source d'information et de bonne gestion dans ce domaine.

Le 2e axe concerne la façon dont on réduit les émissions de CO2 et comment l'IT peut adresser ces problématiques : il s'agit ici de travailler sur les transports publics, la régulation du trafic... Enfin, nous abordons aussi l'IT en tant qu'industrie, car le secteur est lui-même gros consommateur d'énergie. L'enjeu est ici de savoir comment nous aidons nos clients à faire face à l'émission de CO2, par exemple au niveau de leurs datacenters.

Comment les technologies de l'information peuvent-elles contribuer au développement durable ?

La vue "green" est aujourd'hui une vraie source de différenciation

Un exemple : nous travaillons aujourd'hui par exemple sur le fleuve Hudson qui dessert Manhattan pour analyser l'impact de l'activité humaine . Nous y avons développé une technologie de capteurs sur plus de 500 km qui mesure la salinité, le PH, la température et la pollution des eaux.  

Nous observons également la faune et la flore ainsi que la migration des poissons, en temps réel. Nous comprenons ainsi mieux l'impact de l'activité humaine sur le milieu naturel comme par exemple celui des centrales électriques et des industries quand de l'eau froide est consommée par elles puis rejetée chaude. Cela permet au final de mener une politique environnementale plus efficace.

En Amazonie, l'informatique nous aide à modéliser l'impact de la déforestation sur le Gulf Stream et El Nino. IBM investit sur ces sujets, en R&D, parfois avec des industriels, parfois avec des organismes gouvernementaux. Nous connaissons par ailleurs la filière gestion de l'eau, nous en comprenons les tenants et les aboutissants, et nous les traduisons en solutions.

Quelle part de votre R&D consacrez-vous à ces thématiques ?

Nous intégrons la démarche développement durable dans nombre de nos travaux

Le budget global de notre R&D est de 6 milliards de dollars. Nous intégrons la démarche développement durable dans nombre de nos travaux. Dans notre filière Systems & Technology Group, nous avons ainsi annoncé l'an dernier avoir développé une technologie - à base d'abrasif et d'eau - permettant de transformer les galettes de silicium normalement promises au rebut en un matériau conforme aux standards de l'industrie photovoltaïque. Pour arriver à ce processus, il faut que la responsabilité sociale et environnementale soit bien implantée dans les gênes de la société.

Il existe de nombreux autres exemples illustrant ce propos, notamment dans le secteur des processeurs. Nous avons ainsi développé une technique de refroidissement des processeurs qui peut être appliquée aux cellules photoélectriques. On arrive ainsi à être dix fois plus efficace que les technologies photovoltaïques existantes.

Qu'en est-il de la préservation de l'environnement et de l'émission de CO2 ?

IBM a démarré ses programmes en 1973, avec les imprimantes TM6. Nous avons réduit de 40% notre bilan CO2 depuis les années 1990. Cela concerne notre chaîne logistique, mais aussi l'informatique. Nous travaillons ainsi sur les outils collaboratifs, la téléprésence, etc. Aujourd'hui, 43% des employés d'IBM ne travaillent plus dans les locaux d'IBM : nous avons concentré nos bases, nous avons des bureaux de proximité, ce qui signifie des trajets plus courts et une meilleure qualité de vie. Nous avons ainsi réduit la facture énergétique de 32 millions de litres d'essence aux Etats-Unis.

Autre exemple avec la gestion des transports urbains : avec la congestion du trafic automobile, de plus en plus de villes ont besoin de gérer leur trafic routier : métro, RER, trains, vélos... Nous avons de plus en plus de références dans le monde qui doivent savoir ce que c'est que gérer du trafic et des flux, savoir mettre en œuvre des solutions de péage, développer les transports en commun... C'est le cas de Stockholm, Londres et Singapour notamment.

Les entreprises commencent à regarder leur activité au travers de leur bilan carbone

A Stockholm, nous avons conçu le système de régulation des flux, ce qui permet de contrôler les voitures qui rentrent, avec reconnaissance des plaques d'immatriculation pour savoir qui facturer ensuite... Nous avons réduit la pollution de 40% et augmenté de 25% l'usage des transports en commun.

La France est-elle active dans les domaines que vous décrivez ?

C'est en train de démarrer en France. Les entreprises commencent à regarder leur activité au travers de leur bilan carbone. Nous avons créé une offre Green Sigma, qui permet aux entreprises de chasser le gaspillage et d'améliorer leur bilan carbone. 

Je suis confiant sur le fait que les dirigeants français considèrent ces sujets comme des sources de positionnement différent. C'est encore émergent en France par rapport aux Etats-Unis qui sont les plus actifs dans ce domaine.

Le secteur IT en tant que tel peut-il réduire sa consommation énergétique ?

Quand on aborde le thème des entreprises et de leur informatique, on s'aperçoit que la plupart des problèmes sont des problèmes opérationnels. Avec la multiplication et la densification des serveurs, nos clients sont confrontés à des salles informatiques où ils sont en capacité maximale, en termes de surface mais surtout de puissance au mètre carré.

Pour beaucoup de nos clients, les centres informatiques vont devoir être reconstruits dans les 5 ans qui viennent

Pour beaucoup de nos clients, les centres informatiques vont devoir être reconstruits dans les 5 ans qui viennent. La façon dont les datacenters ont été conçus il y a quelques années n'a pas pris en compte les technologies de type blade ou stockage. En 2 ou 3 ans, on a multiplié les besoins en kWh au mètre carré, ce qui génère des  investissements en onduleurs, en refroidissement, en capacité électrique. De plus, le prix de l'électricité a augmenté, ce qui est un problème cette fois d'ordre économique. 

Nos clients ont donc besoin de réagir. Il faut savoir que, dans un datacenter, 55% de la puissance informatique est consommée par les infrastructures techniques : onduleurs, moyens de réfrigération... Puis 30% de l'électricité restante est utilisée par les processeurs. Enfin, un serveur est en moyenne utilisé à 20% en moyenne de sa capacité. Donc, au bout du compte seulement 3% de l'électricité qui rentre dans un datacenter est utilisée utilement.

Il faut donc travailler sur les 3 composantes du centre informatique pour l'optimiser : le site lui-même, les matériels et enfin l'optimisation de l'infrastructure informatique.
IBM est une des rares entreprises à pouvoir répondre globalement. Ce qui nous distingue de nos confrères, c'est que nous disposons de matériel, que nous sommes éditeur de logiciels, avec des services et une composante conseil et métier.

Sur la partie bâtiment, que proposez-vous ?

Le free cooling permet de réduire de 40 à 50% la consommation des datacenters

Nous avons développé des offres de service pour le design et la gestion des centres informatiques, dont la conception est différente d'un autre bâtiment. Nous regardons s'il y a des points chauds, pour par exemple réagencer la salle en fonction des flux d'air chaud et froid, nous pouvons également installer du refroidissement par eau. Nous avons toute une palette de services et avons déposé des schémas standards avec les fabricants de matériel pour concevoir des centres informatiques modulaires.

Ainsi, pour les calculs scientifiques, nous avons des solutions dans des conteneurs. Nous avons également développé des solutions informatiques permettant de réutiliser la chaleur des centres informatiques pour chauffer des bureaux, ou une piscine municipale. On peut aussi utiliser l'air extérieur - free cooling - pour refroidir des datacenters, ce qui permet de réduire de 40 à 50% leur consommation.


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