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Sherley Brothier
Directeur Technique
IdealX
Sherley Brothier
"L'Open Source doit arrêter de courir après le monde propriétaire"
La question du poste de travail en Linux est une question récurrente dans les entreprises. Le directeur technique d'IdealX revient sur les freins et les leviers d'un poste de travail 100% Open Source.
05/10/2006
 
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Qu'est-ce que l'Open Source ne fait pas encore, ou significativement moins bien, que des applications propriétaires ?
Sherley Brothier. Ce qui est remarquable, c'est que le monde Open Source s'est d'abord "attaqué" aux environnements serveurs pendant que le monde "fermé" (Microsoft en tête) avançait sur le monde des postes de travail.

C'est principalement la raison pour laquelle aujourd'hui, on se trouve face à une "course" de l'Open Source derrière le monde propriétaire (au niveau du poste de travail). Globalement, il paraît évident que les solutions Open Source sur le poste de travail intègrent toutes aujourd'hui des clients Wine, Vmware ou Crossover permettant d'émuler des applications natives Windows.

Tant que le monde Open Source continuera à courir après le monde propriétaire sur le poste de travail, la "guerre" risque d'être perdue d'avance. Il faut couper court à cette course et prendre une autre voie. En laissant Microsoft s'enfermer dans son monde où il se croit seul capable de penser pour les utilisateurs.

En matière de stabilité et de convivialité, quelle distribution conseilleriez-vous ?
Différentes distributions sortent du "lot" aujourd'hui : on peut notamment citer Ubuntu pour les "ready to use" et Suse Desktop pour son ergonomie et ses avancées graphiques.

Le système Linux est-il réellement plus stable que Windows sur un poste de travail ?
Dans le terme "stabilité", il faut d'abord distinguer le système d'exploitation des applications. Le système d'exploitation Linux a aujourd'hui fait ses preuves et bénéficie naturellement de son passé issu du monde des serveurs. Il est incontestablement stable par essence et par conception.

Du côté des applications, on arrive au fameux débat de la couverture fonctionnelle des applications et des comparaisons entre le monde propriétaire et Open Source. Si Linux continue à vouloir copier le monde propriétaire, il aura perdu la bataille.

Il doit rapidemment changer la donne, pour révolutionner le monde du logiciel applicatif en allant vers des technologies orientées Web ou applications riches. On a tous entendu parler du rêve de Google : Google Office, visant à bousculer le monde de Word, Excel et/ou Powerpoint.

L'approche proposée par Google est séduisante, même si techniquement il reste encore à démontrer que la solution est robuste, fiable et peut monter en charge. Néanmoins, sur le papier, elle permet de résoudre une problématique majeure liée aux postes de travail : celle de "l'administrabilité" des postes et du parc informatique.

En effet, dans l'approche proposée par le mode Web ou client "riche", l'administration du poste est réduite à son strict minimum : déploiement du bootstrap permettant le chargement et l'exécution de l'application. Le reste s'exécute par le Web via des requetes HTTP.

Si les applications Open Source arrivaient à prendre un virage architectural leur permettant de mettre en place ce paradigme, elles finiraient certainement par doubler celles du monde propriétaire.

Quels sont les atouts d'un poste client en Linux ?
Tout d'abord, l'utilisateur dispose nativement de tout un environnement applicatif : messagerie, suite bureautique, connexion PDA, et cela gratuitement.

   
  Linux Desktop doit encore progresser dans le simplicité d'utilisation"
Il dispose par ailleurs d'un catalogue applicatif extrêmement riche d'outils bureautiques et de logiciels métiers ou encore d'outils de développement logiciel. Parallèlement, il a tout loisir de choisir sa plate-forme de téléchargement (sourceforge et freshmeat en tête).

Linux ne reste-t-il pas encore compliqué pour les utilisateurs novices ?
Effectivement, Linux desktop doit encore progresser dans ce domaine. Certaines distributions font néanmoins de très gros efforts dans ce domaine, parmi lesquelles Ubuntu, Suse et Mandriva qui se sont réellement focalisées depuis quelques temps sur la simplicité d'utilisation d'un environnement Linux depuis le poste de travail.

Et le marché existe bel et bien puisque des constructeurs comme Dell proposent désormais à leur catalogue le choix entre une machine vierge, équipée de Windows ou de Linux.

Peut-on désormais tout faire depuis l'interface (sans passer par un terminal) ?
Là encore, il faut comparer ce qui est comparable. L'approche historique de Windows a été de tout cacher à l'utilisateur : l'ordinateur devient une espèce de magicien pour l'utilisateur.

Mais si un problème survient, l'utilisateur est totalement dérouté et se retrouve face à des messages d'erreurs incomprehensibles. Il est alors incapable de résoudre son probleme seul, avec sa "seule" souris.

A l'inverse, le monde Linux vient d'un noyau simple autour duquel sont rajoutés des modules permettant d'enrichir le comportement du système. L'utilisateur a notamment le choix de son environnement graphique d'exécution : KDE, Gnome, WindowMake, etc.

A ce stade, en fonction de son choix et de la puissance de son poste de travail (au niveau matériel et/ou graphique), il pourra effectivement "demander" à Linux de jouer au magicien !

Quel est le coût d'une migration des postes de travail à Lnux ?
Tout dépend évidemment du point de départ. Dans tous les cas, il faut commencer par recenser les utilisateurs, les applications, les environnements serveurs connexes (serveurs de fichiers, DNS, messagerie, etc.)

   
  Des notions d'administrations particulières sont nécessaires"
Ensuite, il sera nécessaire de se poser la question de la nécessité ou non de déployer ces applications sur chaque poste. En effet, beaucoup d'entreprises font le choix de ne déployer sur les postes de travail que des clients RDP ou FreeNX afin de simplement déporter l'affichage depuis un serveur.

Evidemment, cette méthode a l'avantage de résoudre grandement les problèmes liés au déploiement des applications sur les postes. Il suffit dans ce cas d'installer les applications sur un serveur, et de disposer d'un réseau correctement dimensionné.

Des entreprises ont-elles déjà fait le choix du 100% Linux ?
Effectivement, il existe en Europe de nombreuses entreprises qui ont fait le choix d'abandonner les environnements propriétaires. La ville de Munich vient par exemple d'annoncer, il y a quelques jours, une migration de l'ensemble de son parc à Linux (plusieurs dizaine de milliers de postes sont concernés).

En France, de nombreuses institutions (administrations et entreprises du secteur privé) ont déjà fait ce choix. On y retrouve systématiquement la suite bureautique OpenOffice, Mozilla Thunderbird et Firefox.

Le 100% Linux nécessite-t-il des compétences spécifiques au sein de la DSI (ou du prestataire de service) ? Si oui, est-ce plus onéreux ?
Effectivement, il est illusoire de croire que n'importe qui va pouvoir administrer un environnement "full Linux" sans connaissance particulière. Il faut nécessairement maîtriser les notions d'administration serveur (Samba, LDAP, Postfix, DNS, etc.).

La comparaison des coûts n'est pas une équation evidente. Dans le cas d'une solution propriétaire, on achète une licence et le droit d'en payer une nouvelle à chaque changement de version. On peut éventuellement ajouter le coût d'une maintenance annuelle.

Dans le cas de l'Open Source, on peut aussi faire le choix d'un outil payant (Open Source ne veut pas systematiquement dire gratuit) ou gratuit, autour duquel on pourra acheter un service. Mais dans ce cas, le client a le choix du prestataire, contrairement au monde propriétaire.

Un parc mixte Windows et Linux est envisageable ?
Le mixte Windows-Linux est aujourd'hui envisageable et cela même si la société fait le choix de déployer ActiveDirectory. La solution la plus simple étant de déployer des postes de travail mixte Windows et Linux avec une infrastructure serveur Linux.

   
  La sécurité est au coeur de la conception du système Linux"
Aujourdh'hui, les serveurs Linux arrivent en standard avec CIFS et sont nativement accessibles depuis Windows y compris si les utilisateurs sont référencés dans un annuaire LDAP (OpenLDAP typiquement) qui fédèrerait les droits d'accès au système d'information (serveur de fichiers, messagerie, autre application).

Les postes de travail en Linux améliorent-ils la sécurité de l'entreprise ?
Ce qui est certain, c'est que l'accroche actuelle de Microsoft consiste à mettre en avant ces efforts en matière de sécurité sur la page d'accueil Internet Explorer 7 ("We heard you") !

En effet, aujourd'hui, tous les utilisateurs Windows ont vécu l'expérience de l'infection folle du poste où des dizaines de pages Web s'ouvrent automatiquement proposant des publicités douteuses et montrant des personnalités féminines quelque peu dénudées...

Ce genre de phénomène est directement lié aux problèmes intrinsèques du système d'exploitation Windows et du lien fort qu'il a avec son navigateur fétiche IE.

Associée à cela, une part de marché importante sur le monde du poste de travail et des hackers fous, on a ici la recette qui fait de Windows la cible favorite (parce que simple) du déploiement de failles de sécurité.

Le monde Linux (tout comme MacOS) n'est pas touché car la sécurité est au coeur de la conception du système.

Existe-t-il des outils de télédistribution ?
Ce problème est vaste, surtout dans un environnement hétérogène. Aujourd'hui, la plupart des distributions proposent des solutions de télédistribution pour les applications tournant sur son propre OS. Mandriva a sorti récemment une solution permettant des télédistributions sur Mandriva, Redhat et Windows.

Différents acteurs du domaine de l'administration système (IBM/Tivoli, CA/TNG, HP, etc.) disposent eux aussi de solutions supportant les télédistributions de logiciels dans un monde totalement hétérogène.

Quels problèmes peut-on rencontrer avec l'extérieur (notamment au niveau des formats de fichier) ? Comment les résoudre ?
Les échanges avec l'extérieur ont toujours representé un des principaux problèmes de l'être humain : se faire comprendre et communiquer ! Dans le monde du traitement de texte par exemple, le réflexe est très souvent d'utiliser MS Word pour envoyer un simple e-mail (j'ai souvenir que Outlook inclut Word comme composer de mail).

Ici encore, on cache à l'utilisateur l'outil qu'il utilise et les problèmes de format de fichier que cela entraîne. Il faut donc arriver à changer les comportements en permettant à tout le monde d'utiliser un format pivot, reconnu par toutes les applications.
   
  Tous (ou presque) les drivers sont disponibles en Linux"


C'est un des axes de travail d'OpenDocument. Mais l'adhésion de Microsoft n'est pas encore assurée. Microsoft doit pourtant commencer à se résoudre à cette interopérabilité s'il ne veut pas un jour être exclu.

En attendant, le monde Open Source coure derrière le proprietaire en développant des filtres d'import permettant de "digérer" des documents au format .doc, .ppt ou .xls.

La promesse d'ODF sera-t-elle tenue ? Aujourd'hui, difficile à dire, même si de nombreuses pressions (y compris au niveau de l'Union Européenne) sont pratiquées pour faire d'ODF le futur format d'échange universel.

Les constructeurs prévoient-ils désormais systématiquement des drivers pour Linux ?
A ce jour, on peut remarquer que les constructeurs "ouvrent" de plus en plus leur spécifications techniques, de façon à permettre aux developpeurs Open Source de développer les drivers de disques, d'imprimantes ou de cartes graphiques. En parallèle, les constructeurs proposent quelquefois en "closed source" (malheureusement) les drivers pour ces types de matériel.

Quoiqu'il en soit, le problème du support des matériels sur Linux avance extrêmement vite et n'est plus un frein à l'avancée de ce système d'exploitation. Pour mémoire, Linux existe sur des centaines d'architecture processeur différentes.

Existe-t-il des équivalents Linux pour chacun des logiciels courants que l'on trouve sur un PC équipé Microsoft ?
Voici une question qui revient régulièrement ! A ce jour, le monde Open Source sur le poste de travail a plus de retard que le monde propriétaire : toutes les applications du monde propriétaires n'ont donc pas leur équivalent en Open Source.

Sur le fond, et comme je le disais en introduction, il faut révolutionner l'industrie du logiciel applicatif en proposant une autre alternative qui consiste à stopper cette course à la copie de Microsoft. Il faut proposer une approche simplificatrice où l'utilisateur dispose de fonctions basiques lui permettant de résoudre son problème.

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A titre d'exemple, qui utilise 100% des fonctionnalités de MSWord ? Parallèlement, tout le monde se souvient de la principale nouveauté d'Excel 2003 : les onglets en couleur... Bref, sur le fond, les utilisateurs suivront l'approche Open Source si les applications répondent à des besoins courants avec une ergonomie adéquate.

Le monde Open Source sur le poste de travail se positionne donc en réel challenger, même si cela doit nécessaireement passer par une révolution limitant la course aux fonctionnalités (non nécessaires pour 90% des utiisateurs...)

 
Propos recueillis par Ludovic TICHIT, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Sherley Brothier, 35 ans, Directeur technique d'IdealX depuis 2005

2000 Directeur technique, Inet6

1996 Directeur du pôle Administration de Système, Sycomore

Et aussi Dplômé de l'Epita

   
 
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