Comment profiter des instances réservées pour réduire sa dépense cloud

Comment profiter des instances réservées pour réduire sa dépense cloud En contrepartie d'un engagement d'un à trois ans, AWS, Google et Microsoft appliquent des réductions jusqu'à 75%. La solution présente un intérêt évident, mais à condition de prendre quelques précautions.

L'engagement paie toujours, y compris dans le cloud. Pour récompenser leurs clients les plus fidèles, les grands offreurs de cloud public ont mis en place depuis quelques années un principe d'abonnement donnant lieu à de substantielles économies. Dans ce système dit des "instances réservées", l'entreprise s'engage à prendre un volume donné de machines virtuelles (VM) sur une période de un ou trois ans. En contrepartie, Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud Platform appliquent des réductions allant de 30% à 75%. Dans la même logique, IBM Cloud évoque une "remise personnalisée" pour son offre d'abonnement mensuel mais elle reste à la discrétion de ses équipes commerciales.

Sur le papier, ces instances réservées ont tout du bon plan. Grâce à elles, les entreprises avec une forte consommation de VM peuvent théoriquement réaliser des économies conséquentes. D'autant qu'au-delà des réductions publiques affichées sur les sites des fournisseurs, les sociétés de taille intermédiaire et les grands comptes auront des marges de manœuvre pour négocier des rabais supplémentaires au cas par cas.

Bien qu'attractif, le système des instances réservées (IR) cache des subtilités et des chausse-trappes qu'il convient d'identifier avant de s'engager. Chaque provider a développé ses propres règles. Pourrez-vous, par exemple, modifier en cours de route la famille d'instances, leur taille ou encore la puissance réseau ? Ce que propose AWS avec ses IR dites "convertibles".

Comment sont reprises les IR non utilisées ?

Autre question, que se passe-t-il si vous décidez d'annuler des instances réservées en cours d'abonnement ? "C'est le paradoxe. Les instances réservées engagent une entreprise dans la durée alors que celle-ci fait le choix du cloud pour sa flexibilité", constate Fatah Hassani, responsable projet et directeur général chez Numiway. D'autant que le cas pourrait arriver assez fréquemment. "Prenons un projet prévu pour durer trois ans et qui s'arrête à mi-chemin. Que va faire l'entreprise le reste du temps avec les machines virtuelles qui lui restent sur les bras ?", s'interroge  Fatah Hassani.

"Il faut effectuer des simulations financières en fonction de la croissance attendue de l'activité"

Les modalités de reprise diffèrent selon le fournisseur. AWS propose de revendre les IR non utilisées à des sociétés tierces depuis une place de marché dédiée, le prestataire appliquant des frais de service s'élevant à 12% du prix initial. Microsoft Azure les reprend directement à condition de verser "des frais de résiliation anticipée", s'élevant également à 12%.

Pour sa part, Google Cloud Platform ne prévoit pas de possibilité d'annulation pour ses IR maison, baptisées Committed Use Discounts (CUD). Mountain View propose en parallèle les Sustained Use Discounts (SUD). Elles permettent une remise automatique sur toute instance qui s'exécute pendant plus de 25% du mois. Ce système sans abonnement permettrait des réductions allant jusqu'à 30%.

Quelles sont les applications adéquates ?

Autre bémol, les IR ne conviennent pas à tous les projets. "Les projets stables dans le temps ou dont la croissance d'activité est prédictible, de 10 à 15% par an par exemple, sont éligibles", estime Fatah Hassani. A contrario, les projets de courte durée ou soumis à des activités erratiques sortent du spectre. De même pour les chantiers de développement et de test aux durées aléatoires.

Christian Hindre, directeur commercial Europe de Flexera Software, conseille un suivi rigoureux de la gestion des IR. "Une entreprise qui aura réservé un quota d'instances doit s'assurer ensuite qu'elles sont bien toutes utilisées avant d'en lancer de nouvelles", recommande-t-il. De manière générale, il observe que les entreprises s'orientant vers cette solution paient pour plus de services que nécessaire, en oubliant souvent de désactiver leurs machines virtuelles. "On retrouve ici le même niveau de gaspillage que l'on a pu observer avec les licences on-premise non utilisées, de l'ordre de 30%", constate Christian Hindre.

Le système des instances réservées ne fait que complexifier des grilles tarifaires déjà passablement compliquées à décrypter. Comment alors comparer les offres disponibles ? C'est ce à quoi s'est attelé RightScale dans le cadre d'un benchmark publié en novembre dernier. Ce spécialiste de la gestion multi-cloud a fait varier les critères de CPU, de RAM, d'OS pour étudier trois grands types de configuration : "standard", "stockage haute performance" et "haute capacité de calcul". Puis, il a décliné ces scénarios avec ou sans capacités de stockage SSD locales. Ce qui aboutit, pour un engagement d'un an, au tableau ci-dessous.

Dans l'ensemble, les différents fournisseurs de cloud analysés par RightScale affichent des tarifs sensiblement similaires sur la configuration de base. En revanche, dès que l'utilisateur commence à personnaliser son offre en rajoutant du stockage, de la puissance de calcul, on note une grande disparité des prix. Par exemple, le tarif s'envole chez Google dès que l'utilisateur prend davantage de CPU. Au final, selon ce comparatif, Azure affiche les meilleurs prix sur un plus grand nombre de scénarios tandis qu'AWS se situe le plus souvent dans la moyenne.

Si ces résultats ne sont pertinents qu'à un instant t (les tarifs évoluant constamment et toujours à la baisse), ils ont pour mérite de donner de la visibilité. Pour profiter de cette grille de lecture, l'entreprise doit en amont arriver à standardiser ses besoins et à cerner des profils types d'utilisateurs, standards ou experts. A partir de là, elle pourra mettre en regard ses demandes internes avec les offres du marché dans une stratégie multicloud. "Un peu comme un trader, il faut prendre en compte tous les paramètres et effectuer des simulations financières en fonction de la croissance attendue de l'activité", avance Fatah Hassani.