Les
e-mails des salariés peuvent-ils être librement consultés par
l'employeur ?
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Rubrique
coordonnée par Christiane Féral-Schuhl
avocat associé, Salans Hertzfeld & Heilbronn
Intégrant l'activité de
FG Associés |
L'employeur a t-il le droit de
prendre connaissance des messages contenus dans la messagerie
électronique des salariés, c'est-à-dire d'intercepter
leurs correspondances ? L'employeur peut-il obliger l'administrateur
de la messagerie à intercepter la correspondance ? Ce
dernier est-il obligé d'obtempérer aux ordres de son supérieur
hiérarchique ? En cas de refus quels risques encourt-il ?
En cas d'exécution de l'ordre sa responsabilité peut-elle
être engagée vis-à-vis du salarié dont les messages ont été
interceptés ?
Il faut tout d'abord souligner
que tant le dispositif légal que la jurisprudence protègent
les libertés fondamentales du salarié. L'article L 432-2-1
du Code du travail prévoit ainsi que l'employeur doit informer
et consulter le comité d'entreprise préalablement à la décision
de mettre en uvre dans l'entreprise des moyens et des techniques
permettant un contrôle de l'activité des salariés. En outre,
l'article L 121-8 du même code dispose "aucune information
concernant personnellement un salarié ne peut être collectée
par un dispositif qui n'a pas été porté à la connaissance
du salarié".
L'Internet et l'intranet constituent
une technique permettant de contrôler l'activité des salariés,
l'employeur doit donc, comme le lui prescrit l'article L 432-2-1
précité, informer et consulter le comité d'entreprise et également
informer les salariés de la mise en place de ces nouvelles
technologies et de la possibilité d'intercepter les messages
contenus dans chacune des boîtes aux lettres. Cependant, l'employeur
ne dispose pas d'une liberté totale puisqu'il est confronté
au principe posé à l'article L 120-2 du Code du travail aux
termes duquel toute restriction aux droits des personnes et
aux libertés individuelles et collectives engendrées par le
dispositif de contrôle doit être justifié "par la nature de
la tâche à accomplir" et doit être "proportionnée au but recherché".
Le principe est donc le suivant
: l'employeur ne peut surveiller la correspondance de ses
salariés que s'ils ont été préalablement prévenus de cette
éventualité et si une situation particulière le justifie,
par exemple une situation rendant "suspect" un ou des salariés.
Si les règles précitées ne sont pas respectées l'employeur
qui prendrait connaissance "par effraction" d'un message s'exposerait
à des sanctions pénales. Par ailleurs les preuves ainsi constituées,
à l'insu du salarié, seront considérées comme illicites et
donc non valides.
Un responsable hiérarchique peut-il
obliger l'administrateur de la messagerie à réaliser cette
infraction ? La jurisprudence considère que celui-ci ne doit
pas utiliser son pouvoir de commandement pour donner un ordre
contraire à la loi. Si le salarié exécute l'ordre illicite,
il pourra d'ailleurs se voir reprocher par le chef d'entreprise
une obéissance fautive et donc être sanctionné pour avoir
sciemment participé à une action illicite. En effet, le lien
de subordination ne constitue pas en lui même un motif d'exonération
du salarié. En revanche en cas de refus de la part du salarié
de se prêter à des pratiques répréhensibles, il ne saurait
être sanctionné. En tout état de cause, l'administrateur de
la messagerie ne peut être, en principe, sanctionné qu'au
titre de son contrat de travail. En effet, à l'égard du salarié
dont la boîte a été ouverte, seul le dirigeant d'entreprise
est responsable, étant pénalement et civilement responsable
des actes fautifs commis par ses salariés.
Sylvie Garnier
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