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Analyse
 
05/09/2007

Open XML : le tumultueux cheminement français vers le non

La France a dit non à l'Open XML, mais rien n'est encore joué au plan international. Retour sur la portée du débat dans l'hexagone avec les principaux acteurs, et son influence à l'échelle mondiale.
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Le non de la France est le résultat d'un long processus international, encore inachevé, mais dont les enjeux sont d'importance. Le format Open XML a été présenté par l'ECMA, un consortium d'entreprises, à l'ISO. Pour Microsoft, il s'agissait avant tout de répondre à la demande de clients. "Des clients nous l'ont demandé. Si le patrimoine informationnel doit être préservé, on doit faire un standard Microsoft. Nous avons agis par volonté de normaliser ce format pour permettre aux Etats de préserver leurs patrimoines" explique Marc Mossé, directeur des affaires publiques de Microsoft France.

Il faut ajouter qu'en décembre 2006, le format concurrent ODF, issu du monde libre, a été normalisé par l'ISO. D'où la question de la pertinence d'avoir deux formats de fichier documentaire aux normes ISO. Un seul format n'aurait-il pas suffit ? Microsoft défend l'idée que son format est employé de manière très majoritaire par les entreprises et les institutions, d'où la nécessité pour elles d'avoir une standardisation d'un produit déjà utilisé. C'est aussi le point de vue du Cigref, qui dans un communiqué suivant la décision de l'Afnor explique que "Le principe de réalité" exige d'être pragmatique et de prendre en compte l'existant informatique des entreprises".

Dès lors, la question de la normalisation du format Open XML se posait et les différentes commissions nationales de l'ISO ont dû examiner cette possibilité dès le mois de décembre 2006.

La procédure utilisée par l'ISO s'est composée de deux enquêtes successives conduites auprès des membres nationaux de l'ISO, l'Afnor pour la France. Dans un premier temps, une enquête close le lundi 5 février 2007 a été menée pendant 30 jours. Il s'agissait d'identifier d'éventuelles contradictions entre le texte proposé et des normes internationales existantes. Au cours de cette première phase, l'Afnor a identifié la possibilité de contradictions entre certaines normes internationales et le document présenté par l'ECMA. 20 pays se sont exprimés sur cette question et ont formulé des commentaires. L'ANSI (American National Standards Institute) quant à elle, représentant les Etats-Unis, n'a pas souhaité faire de commentaires.

Une enquête de 5 mois dans chaque pays membre de l'ISO a suivi, à la conclusion de laquelle les pays membres de l'ISO doivent se déterminer entre les options suivantes : approbation, désapprobation dûment justifiée ou abstention pour la recommandation du format Open XML à la norme ISO.

Rôle intrusif de Microsoft

Les débats et les décisions ont été émaillés de par le monde de nombreuses questions quant à la partialité des membres et quant au rôle intrusif de Microsoft dans les comités techniques. La Suède a décidé d'invalider son vote à la suite de révélations d'un membre du comité affirmant avoir reçu de l'argent de la part de Microsoft pour voter en sa faveur.

 
Un dossier épineux pour Frédéric Bon, Président de la Commission de normalisation et Olivier Peyrat, Directeur Général de l'Afnor © Guillaume Serries
 

D'autres pays comme la Chine ou le Brésil n'ont pas connu des débats techniques comme le confirme Olivier Peyrat, DG de l'Afnor, tout en mettant en avant l'impartialité du comité Français. "Quand la Chine dit non, ce n'est pas un problème technique. Nous, nous avons essayé d'être le plus technique possible". D'autres acteurs soulignent l'attitude ouvertement négative de IBM vis-à-vis du format Open XML qui a joué dans les débats.

Pour ce qui est de la France justement, le DG de l'Afnor a dû intervenir afin d'apaiser les débats qui s'envenimaient entre partisans de l'abandon du format et tenants de l'Open XML. "Nous ne sommes pas arrivés à un consensus mais nous avons tout de même effectué un bon travail" nuance Frédéric Bon, président du comité technique et DG de la société Clever Age. Une vive empoignade qui s'explique par l'importance de l'issue des débats : "la norme, c'est l'endroit où le pouvoir se perd ou se prend" analyse Olivier Peyrat.

Microsoft, qui avait bien compris cet enjeu ne tardait pas lundi soir dans une conférence de presse téléphonique à jouer le rôle de la victime, expliquant que les débats avaient été faussés par des préconçus idéologiques de certains membres, qui avaient mis en émoi l'assistance par des propos injurieux. Microsoft se faisait l'avocat de nombreux utilisateurs, pris en hôtage par des débats, alors qu'une majorité d'entres eux souhaitaient la normalisation. Le commentaire laconique de l'April le lendemain permet d'apercevoir le fossé des interprétations sur la question.

"Il est étonnant de constater que Microsoft, dans un communiqué, prétend qu'une majorité des utilisateurs français se sont prononcés en faveur d'une normalisation ISO rapide d'Open XML". Ceci ne correspond nullement à la réalité des débats dans la commission de normalisation. L'enquête probatoire publique lancée par l'AFNOR a d'ailleurs clairement indiqué une désapprobation des spécifications du format OOXML".

Dès lors, l'Afnor était bien en peine de trouver un consensus dans les débats, consensus pourtant nécessaire pour qu'il puisse se prononcer officiellement. L'Afnor a donc du trancher et prononce un avis, "désapprobation avec commentaires", sans que l'unanimité et le consensus aient été atteints sur cette question au sein du comité technique. De fait, l'Afnor défend une position de convergence des deux formats afin qu'il y ait "un fomat unique".

Les commentaires sont d'une importance capitale pour la suite des événements

D'où l'ire de Microsoft, qui exprimait violemment sa surprise d'une telle décision. "Cette position n'a fait l'objet d'aucune discussion ni consensus en Commission de normalisation et n'a même pas été portée à la connaissance de ses membres avant sa publication. Une telle situation ne reflète pas la qualité des travaux et les efforts constants de nombreux acteurs des secteurs privé et public qui ont œuvré au sein de la commission en faveur de la normalisation d'Open XML d'ECMA" pouvait on lire dans le communiqué de presse de l'entreprise à ce sujet.

Il n'en demeure pas moins que les commentaires de cet avis négatif sont d'une importance capitale pour la suite des événements à un niveau international. C'est sur cette base que l'ISO devra faire une synthèse mondiale et trouver à nouveau un consensus. Si les commentaires des avis négatifs sont pris en compte par l'ECMA et Microsoft, alors, les pays qui ont dit non pourraient revoir leur avis et donner carte blanche pour l'adoption d'une norme ISO pour Open XML.

Les commentaires de l'Afnor proposent une dissection du format Open XML en deux parties, le cœur et les extensions, afin de distinguer ce qui est normalisable de ce qui ne l'est pas. Sur ce point, Bernard Ourghalian, directeur technique Microsoft France, rappelle qu'il s'agit uniquement de "la position de l'Afnor et il n'y a pas de consensus dessus". Il nuance tout de même son propos en expliquant que certaines demandes comme la mise de VLM dans les extensions est une possibilité à envisager mais reste inflexible sur d'autres points comme le retrait des "schémas métiers" du cœur de Open XML, qui est tout simplement pour lui "hors de question, car trop important".

 
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Que va-t-il donc se passer maintenant ? Les avis rendus le mardi 4 septembre par l'ensemble des pays participants aux débats rendent impossible l'adoption immédiate de la norme. Les 2/3 des voix favorables n'ont pas été atteint et le 1/4 de blocage par les voix négative à lui, été dépassé.

Il faudra donc attendre l'analyse des commentaires en février 2008 pour voir une décision ferme et définitive être prise, courant 2008. D'ici là, gageons que le lobbying de part et d'autre sera des plus intense.

 


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